Amérique latine : résistances aux stratagèmes américains : Argentine

jeudi 23 décembre 2021.
 

ARGENTINE : 14 novembre : élections partielles de députés (1/2) et de sénateurs (1/3)

Élections de 127 députés dans tout le pays. Résultats : Juntos por el cambio (opposition) 48,90 % et Frente de todos (majorité présidentielle) 33,30 %

Élection de 24 sénateurs dans huit provinces. Résultats : Juntos por el cambio 46,80 % et Frente de todos 25,70%.

Participation : le vote est obligatoire en Argentine.

Résultats

En octobre 2019, Alberto Fernandez, membre du parti justicialiste, remporte l’élection présidentielle à la tête d’une coalition de centre gauche, Frente de todos. Il bat très nettement le président sortant Mauricio Macri (Juntos por el cambio) au second tour avec 48, 25 % contre 40,25 %.

À sa prise de fonction en décembre 2019, Alberto Fernandez hérite d’une situation économique exécrable et doit faire face à la dette contractée par son prédécesseur auprès du FMI, une dette qui s’élève à 57 000 millions de dollars et représente des remboursements colossaux pour le pays dans la situation dans laquelle il se trouve.

Car en décembre, les indices sont en train de passer au rouge : celui de la pauvreté (plus 40 % de la population) ; celui du chômage, désormais tout proche des 10 % ; celui de l’inflation (54 %). Et comme si cela ne suffisait pas, la pandémie vient frapper à la porte de l’Argentine, comme elle le fait dans tous les pays de la planète. Aujourd’hui donc, cela fait deux ans que le gouvernement Fernandez tente de faire face, et cette situation de crise que se sont déroulées les élections partielles du 14 novembre.

Elles s’annonçaient catastrophiques pour le pouvoir au regard des élections primaires qui avaient eu lieu en septembre. D’ailleurs tous les instituts de sondages prévoyaient une forte baisse du rassemblement Frente de todos par rapport à la présidentielle de 2019, celle où Alberto Fernandez avait obtenu plus de 48 % des voix. Ils ne se sont pas trompés puisque Frente de todos a finalement obtenu 33,30 % des voix aux législatives partielles

Cent vingt-sept sièges de députés étaient à pourvoir sur les 257 que compte l’Assemblée nationale. La répartition des sièges se fait désormais ainsi :

118 pour le Frente de todos (il en comptait 120 et en perd 2) ;

117 pour Juntos por el Cambio de l’ex-président Macri (qui avant l’élection en comptait 116 et en gagne donc 1) ;

2 pour la gauche qui en comptait autant avant :

Les libéraux qui n’avaient aucun siège en gagnent 4 :

L’ensemble des autres petits partis détenait 20 postes ; ils en perdent 5 et sont désormais à 15.

Au niveau du Sénat, sur 72 membres :

Frente de todos qui comptait 41 sénateurs en perd 6 et passe à 35 :

Juntos por el cambio qui en comptait 25 sénateurs en gagne 6 et passe à 35 ;

les autres partis se partagent 6 postes.

Le pouvoir perd donc la majorité qu’il détenait au Sénat. Quelles conclusions pour les deux coalitions concurrentes, celle d’Alberto Fernandez actuellement au pouvoir et celle de l’ex-président Mauricio Macri aujourd’hui dans l’opposition ?

Analyses et perspectives

Pour le pouvoir, cette défaite est un signal important pour le président Alberto Fernandez qui sait désormais qu’il sera jugé sur les réponses qu’il apportera à la crise que vit le pays et que seuls ses résultats lui permettront de garder quelque espoir pour 2023.

Pourtant, le Parti Justicialiste a su faire taire, pour l’instant du moins, les dissensions qui existaient en son sein entre les différentes tendances du péronisme, dissensions réapparues avant les élections primaires de septembre qui avaient donné lieux à de sévères explications entre le président Fernandez et sa vice-présidente Christina Kirchner quant à la stratégie à venir.

Le pouvoir a certes perdu la majorité absolue au Sénat : il devra négocier avec l’opposition sur le thème très controversé de la dette pour trouver une majorité à l’assemblée. Car s’il reste le parti majoritaire, sa marge de manœuvre s’est fortement rétrécie.

En 2019, Le parti justicialiste avait su se regrouper autour d’Alberto Fernandez et de Christina Kirchner pour cimenter une union entre ses différents courants. Cette unité reste obligatoire pour garder un espoir de victoire et surtout surmonter la crise dans les prochains mois, qui seront très difficiles sans majorité ni au parlement ni au sénat.

L’opposition revient, certes, mais elle n’obtient pas une victoire écrasante, loin de là. Il faut dire que « Juntos por el cambio » est une association de 17 partis, à l’intérieur desquels la cohabitation n’est pas toujours facile et le sera d’autant moins qu’il faudra bientôt designer un candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2023.

Lors de son mandat présidentiel (2015-2019), Mauricio Macri a plongé les Argentins dans une crise très forte en allant frapper à la porte du FMI dont il a appliqué à la lettre les préconisations : privatisation, suppression des aides sur le gaz, l’électivité et autres services publics… Les Argentins les plus humbles se sont rapidement retrouvés dans le désarroi et la précarité. Macri avait clamé haut et fort sa volonté de transformer l’Argentine grâce à des mesures libérales qui devaient attirer des dizaines de sociétés internationales, mais la ruée n’a pas eu lieu entrainant la défaite de Macri à la présidentielle de 2019.

Malgré sa victoire aux dernières élections partielles, Juntos por el cambio va devoir faire oublier les années Macri, ce qui ne sera pas facile avec un ex-président qui n’a sans doute pas abandonné l’idée de se représenter et attiserait ainsi les divisions internes au mouvement dont il fait actuellement partie.

L’extrême-droite fait son entrée au parlement avec l’économiste Javier Mileil dont le mouvement obtient cinq sièges et qui a déjà indiqué à ses partisans qu’il refuserait l’offre de dialogue du président Alberto Fernandez. Au côté de Javier Mileil, on trouve un élu de la province de Buenos Aires, José Luis Espert, et l’avocate Victoria Villarruel, présidente du centre d’étude sur le terrorisme, qui « oublie » de condamner le terrorisme d’état mis en place par l’ultime dictature argentine, une position qui préoccupe sérieusement les mouvements de droits de l’homme argentins.

En conclusion

Quel est celui qui sera le plus rassembleur pour le pays et pour son propre camp ? Voilà l’enjeu qui mènera à la victoire de 2023. Les médias avaient annoncé une large victoire des listes Macri, ce n’est pas tout à fait ça : Fernandez a des réserves, la partie sera très serrée. Le contexte régional pourra jouer son rôle : l’élection présidentielle s’annonce ouverte en Colombie en mai 2022, et bien sur celle du Brésil en novembre de la même année !


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