La Terre 3°C plus chaude qu’avant 1850 ? En 2080 ? en 2100 ? en 2120 ?

lundi 13 décembre 2021.
 

En 2015, lors de la Conférence COP 21 (Conference of Parties) sur le climat à Paris, tous les gouvernements représentés se sont engagés à agir pour qu’en l’an 2100 la température moyenne à la surface du globe terrestre ne soit pas plus élevée de 2°C par rapport à l’époque avant la Révolution industrielle des XVIIIe et XIXe siècles. Une date de référence est fixée à 1850, c’est à dire le début des mesures de températures systématiques par les agences météorologiques. Et, si possible, seulement 1,5°C plus élevée.

En conclusion de la COP26 qui s’est conclue le 13 novembre dernier à Glasgow, cet objectif de +1,5°C a été confirmé par le consensus des quelques 200 parties présentes.

Le GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat/GIEC/IPPC) estime que +1°C a été atteint en 2015 et que +1,5° C sera atteint en 2030 si la progression constatée jusqu’à aujourd’hui se prolonge parce que le business as usual continue.

Il s’agit donc de la température moyenne à la surface de la Terre alors que les températures locales au niveau de la mer sont très différentes selon les latitudes, les continents, leurs façades occidentales et orientales, les altitudes, les régions concrètes, etc.

Les modèles d’évolution du système Terre employés par les climatologues montrèrent très vite, à l’issue de la COP21 en 2015, que si l’on additionnait les mesures réelles concrètement promises par les gouvernements, les NDC/Contributions Nationalement Déterminées, cela ne conduisait pas à +1,5°C en 2100 mais bien à une fourchette de hausse de la température comprise entre +2,7°C et +3,5° en l’’an 2100, la fin du siècle.

Que serait notre planète Terre si cette température moyenne au niveau de la mer était supérieure de 3°C à la température moyenne en l’an 1850 ?

Glaciations et Petit Âge glaciaire

La dernière glaciation s’est terminée il y a 14’000 ans. Cela a correspondu à une hausse de la température moyenne à la surface de la Terre de 3°à 4° jusqu’à la température moyenne de l’ère préindustrielle, disons celle de 1850.

Entre il y a 10’000 ans et il y a 5000 ans, c’est à dire en 3000 ans av. J.-C., il y a eu cinq mille ans d’un intervalle chaud correspondant à une hausse de la température moyenne de ½°C.

7000 ans environ avant Jésus-Christ, c’est le début de l’agriculture au Proche-Orient ; la pyramide du pharaon Khéops, la plus ancienne des trois pyramides de Gizeh près du Caire, date, elle, de 2560 ans av. J.-C.

A l’Antiquité et au Moyen Âge, il y a eu encore un intervalle chaud, de l’an 400 avant Jésus Christ, environ, jusqu’au début du XIVe siècle.

De 1310, environ, aux années 1860, c’est le Petit Âge glaciaire : Les terribles famines des années 1315-1317 en Europe inaugurent la Grande Crise économique du Moyen-Âge qui durera jusqu’au retour de la prospérité au XVe siècle. En Islande, colonisée par les Vikings vers l’an 870, l’agriculture ne fut plus possible. La colonie du Groenland ne donna plus de nouvelles. Tous les glaciers avancèrent de plusieurs kilomètres. Dans les Alpes, ils engloutirent plusieurs villages. Certains hivers, la Tamise à Londres, la Seine à Paris, gelaient. Les climatologues d’aujourd’hui estiment pourtant que la température moyenne à la surface du globe ne baissa alors pas de plus de 1°C.

La rémission des Trente Glorieuses

Entre 1940 et 1975 se produisit un phénomène remarquable : Malgré la forte augmentation des émissions de CO2 par la combustion immense de bois, charbon, pétrole et gaz naturel, dans le boom économique si intense des années 1950-1960-1970, les fameuses Trente Glorieuses, la température moyenne à la surface de la Terre n’augmenta pas comme avant. Elle ne repartit à la hausse fortement que dès 1975. Que s’était-il passé ?

Charbon et pétrole contenaient du soufre en abondance. Leur combustion libérait dans l’atmosphère du dioxyde de soufre SO2 et de l’acide sulfurique H2SO4 qui provoquaient des graves dégâts aux arbres et aux forêts, et, surtout, des pathologies respiratoires qui touchaient des millions de personnes et causèrent la mort de centaines de milliers d’entre elles.

Mais ces composés soufrés formaient des gouttelettes dans l’atmosphère qui tamisaient la lumière du Soleil, refroidissant le climat.

Dès les années 1970, on utilisa des charbons et des pétroles à faible teneur en soufre et des mazouts, kérosènes et benzines, désulfurés dans les raffineries. L’incidence de la lumière du Soleil s’améliora et la température moyenne remonta de plus en plus en proportion des dégagements de CO2 par la combustion des combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz naturel.

Retour au Pliocène

Pour retrouver une température moyenne de la surface de la Terre comme aujourd’hui, il faut retourner en arrière avant la dernière glaciation, à environ 120’000 ans avant le présent.

Mais une Terre plus chaude de +3°C, cela nous ramènera avant les six glaciations de l’époque glaciaire, jusqu’à il y a trois millions d’années, à l’époque dite Pliocène qui s’est étendue de -5,3 millions d’années à -2,5 millions d’années (MA) :

Vue de l’espace, sur cette Terre d’il y a 3 MA, les continents avaient globalement le même aspect qu’aujourd’hui. Mais le pont de l’Amérique centrale, entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, ne se formera que vers -2,7 MA ; le Détroit de Gibraltar était alors fermé et la Méditerranée à sec était un gigantesque bassin de sel. En Afrique, notre genre Homo n’était pas encore apparu et nos ancêtres étaient représentés par diverses espèces d’Australopithèques. Ceux-ci, vus à quelques dizaines de mètres de distance, nous auraient paru des chimpanzés marchant dressés debout entre forêt vierge et savane.

Sur la grande île d’Ellesmere au Nord du Canada, juste à côté de la côte Nord du Groenland, on a trouvé dans les rochers sans neige en été, des fossiles datant du Pliocène, des étangs de castors, des forêts de mélèzes, d’épicéas, de pins, d’aulnes et de bouleaux, des os de lapins, d’ours, de cerfs et de chevaux. Soit l’écosystème qui se situe aujourd’hui 2500 kilomètres plus au Sud, dans les forêts au Nord du Canada, vers la ville d’Irkoutsk en Sibérie, à Saint-Pétersbourg, Stockholm, et au Nord de l’Ecosse.

Cela veut dire que cet écosystème tempéré sera donc 2500 km plus au Nord si la température moyenne à la surface de la Terre en vient à s’élever de +3°C vers les années 2080-2100-2120.

La Toundra du Nord de la Sibérie aura disparu et la forêt sibérienne sera montée jusque sur la rive de l’Océan Arctique. Les villes d’Arkhangelsk, Vorkouta, Norilsk et Iakoutsk, aujourd’hui situées à la limite entre la Taïga et la Toundra, entre la forêt de conifères et de bouleaux et la pelouse arctique, seront au milieu d’une forêt d’épicéas, avec une température estivale de 14°C en moyenne, comme l’Ecosse aujourd’hui.

L’Océan arctique au Nord de la Sibérie sera navigable toute l’année. Vorkouta et Norilsk deviendront d’importantes étapes du trafic maritime entre la Chine et l’Europe par le Nord. Comme aussi les ports de la côte Nord de l’Alaska, Barrow et Prudhoe Bay, pour le trafic maritime par le Nord entre la côte pacifique de l’Amérique du Nord et sa côte atlantique.

La culture du blé sera montée de 2000-2500 km au Canada, en Suède, en Sibérie, en Mandchourie, sur l’île japonaise de Hokkaido. C’est peut-être une bonne affaire pour la Russie et le Canada. Et, dans l’hémisphère Sud, la culture du blé sera descendue d’autant, en Amérique du Sud, en Patagonie, jusqu’à la Terre de Feu, et en Océanie, sur l’Île du Sud de la Nouvelle Zélande.

Mais le Sahara empiétera sur l’Espagne au Sud de Madrid, ayant englouti les terres cultivables du Maghreb. Les Alpes, ayant perdu 89% de leurs glaciers et névés, auront l’aspect qu’a aujourd’hui la chaîne de montagnes de l’Atlas, au Maroc.

Environ un milliard d’habitants des régions tropicales et équatoriales, les plus pauvres de notre planète, connaîtront des saisons chaudes avec plus de 41°C au Soleil durant 145 jours par année, rendant dangereux de travailler dehors et 200 nuits par année trop chaudes pour se réfrigérer de la chaleur du jour, et pour dormir.

Au Pliocène, le niveau des océans était plus haut d’environ trois à dix mètres car une partie des glaces arctiques et antarctiques d’aujourd’hui n’existaient pas et il y avait des forêts boréales sur une partie du continent antarctique, là où se rendent aujourd’hui les bateaux remplis de touristes depuis Ushuaia en Argentine et Punta Arenas au Chili.

Si la température continue de monter ces prochaines années, la Calotte de glace Ouest de l’Antarctique va se fracturer de plus en plus chaque été, et des fleuves d’eau de fonte vont sillonner sa surface, passer sous elle entre la glace et la roche, creuser des tunnels dans son épaisseur, pour se déverser dans l’Océan qui montera ainsi petit à petit.

La plupart des villes portuaires du monde seront sous l’eau ou inondées périodiquement par des marées hautes catastrophiques : New York, Londres, Rotterdam, Shangaï, . . .

Heureusement, la Calotte de glace Est de l’Antarctique, plus grande et plus épaisse, semble plus durable.

Trois exemples de rétroactions positives

1-La couleur blanche des glaces et des neiges réfléchit la lumière du Soleil, ce qui refroidit la Terre. Mais chaque km2 blanc remplacé par le gris-noir de la roche ou le vert foncé de la forêt absorbe au contraire la lumière du Soleil et réchauffe la Terre.

C’est un cercle vicieux : plus de chaleur => moins de neige et de glace => plus de chaleur, et ainsi de suite.

C’est le risque d’une culbute dans une spirale dérapant vers plus de réchauffement. C’est ce qu’on appelle une rétroaction positive. Ou dit autrement, le pire engendre le plus que pire.

2-La calotte glaciaire du Groenland, aujourd’hui épaisse de 3 km en son centre, a déjà commencé à se retirer un peu chaque été sur ses marges. Les étés les plus chauds de l’histoire humaine ont tous eu lieu entre 2010 et 2021. Chaque été, la surface de la calotte de glace du Groenland se couvre d’innombrables lacs d’eau de fonte et des torrents d’eau coulent vers l’Océan, par dessus, par dessous, et au travers de tunnels que l’eau creuse dans la glace.

Sur les marges du Groenland, libérées par le retrait du glacier, Ô extraordinaire, des petites forêts ont poussé et cet été passé, 2021, il y a eu des incendies de ces forêts car la sécheresse est intense : au Groenland, habituellement, il ne pleut ni ne neige.

Il semble bien qu’au Pliocène, le Groenland était libre de glace sauf un reste de glacier sur sa face Est.

Des forages à travers la glace ont révélé dans la roche sous-jacente du Groenland des fossiles témoignant d’une toundra, soit une pelouse arctique sur le sol gelé en profondeur, le permafrost. Comme 2500 km plus au Sud, au Nord du Canada.

Mais si la glace du Groenland fond et se désagrège ces prochaines années, cette débâcle, au sens originel du mot, additionnée à celle de l’Antarctique Ouest, va faire monter le niveau des océans de 3m à 12 mètres, selon les estimations.

Mais comme l’eau de fonte est de l’eau douce, elle va faire baisser la salinité de l’Atlantique Nord. L’eau douce est plus légère que l’eau salée de la mer. L’eau moins salée va freiner la plongée de l’eau salée dans les profondeurs au Nord de l’Atlantique. Or, ce brassage en profondeur tout au Nord de l’Atlantique est le moteur du courant marin du Gulf Stream, l’eau chaude du Golfe du Mexique qui coule vers les Îles britanniques en réchauffant le climat de l’Europe occidentale à des latitudes où en Amérique du Nord, il fait beaucoup plus froid. C’est grâce au Gulf Stream qu’il fait plus chaud à Paris qu’à Québec, deux villes qui sont pourtant à la même latitude.

Ainsi la fonte de la glace du Groenland peut, paradoxalement, induire un refroidissement dramatique de l’Ouest de la France, des Îles britanniques, des Pays-Bas et de la façade occidentale du Danemark.

3-La toundra de la Sibérie, du Canada et de l’Alaska, possède ce sol gelé sur plusieurs mètres de profondeur qu’on appelle le Permafrost. Ce sol gelé contient de grandes quantités de végétaux et d’animaux incomplètement décomposés, isolés de l’atmosphère depuis 650’000 ans environ. C’est là que les habitants de la Sibérie ont déterré depuis des siècles ces cadavres de Mammouths, et surtout leurs défenses, qui ont alimenté le marché de l’ivoire de la Chine jusqu’à nos jours.

Ce permafrost a commencé de fondre. S’il fond, formant une boue liquide couvrant des surfaces immenses, toute cette matière organique entre en contact avec l’air, s’oxyde, et pourrit enfin. Cette décomposition, outre qu’elle consomme des grandes quantités d’oxygène de l’air, dégage des quantités astronomiques de CO2 et aussi du méthane, le gaz naturel, qui est aussi un puissant gaz à effet de serre, même s’il a une durée de vie dans l’atmosphère beaucoup plus courte que le CO2 .

Là aussi, plus de chaleur => plus de CO2 et de méthane libérés dans l’atmosphère => plus d’effet de serre => plus de chaleur et de hausse de la température.

26 novembre 2021

Robert Lochhead


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