Trente ans après : Les impostures du processus de paix au Moyen-Orient

mardi 30 novembre 2021.
 

Il y a trente ans, des représentants du gouvernement israélien et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se sont réunis à Madrid pour engager des négociations bilatérales. Censé aboutir à un avenir juste et pacifique dans le territoire entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain, le prétendu processus de paix au Moyen-Orient (PPMO), conçu lors de cette réunion, a consolidé une dure réalité pour les Palestiniens : l’occupation permanente par une puissance militaire nucléaire engagée dans une entreprise coloniale de peuplement en expansion perpétuelle.

Au long des 30 dernières années, les principaux parrains occidentaux du PPMO, à savoir les États-Unis et l’Union européenne, ont lancé à plusieurs reprises des initiatives politiques camouflées en « consolidation de la paix » plutôt que d’agir en faveur d’une solution mettant fin à des décennies d’exil, de domination et d’occupation.

Encore récemment, en 2020, l’ex-président des États-Unis Donald Trump a promu le plan appelé abusivement De la paix à la prospérité, lequel, en dernière instance, sauvegardait les intérêts d’Israël moyennant une série d’accords de normalisation avec plusieurs États arabes. Cependant l’enjeu fondamental, à savoir la défense des droits des Palestiniens face à des conditions persistantes d’occupation militaire et d’exil, est resté absent de l’ordre du jour des courtiers occidentaux.

Cette note de politique entend décrire les raisons décisives pour lesquelles la structure même des négociations bilatérales directes, appuyée sur le concept de négociation libérale qui sous-tend le PPMO entre Israéliens et Palestiniens, est profondément inéquitable et vouée à l’échec. Selon cette note, le PPMO a servi uniquement à consolider l’entreprise de colonisation de peuplement menée par Israël et à renforcer sa domination sur les Palestiniens. Elle formule des recommandations sur le soutien que la communauté internationale peut apporter aux Palestiniens dans leur lutte pour la libération en se référant à un cadre allant au-delà des négociations et des « pourparlers de paix ».

Le concept de négociation libérale dans le contexte de l’occupation militaire

Le concept de négociation libérale a dominé la politique étrangère des États-Unis dans la période post-guerre froide. Dans ce contexte, le PPMO a été proposé comme exemple par excellence de solution de crises politiques sans issue. Le concept de négociation libérale dans le contexte de la lutte de libération sous occupation militaire présente cependant de nombreuses difficultés qui aboutissent en dernière instance à son échec :

1. Le PPMO ne comporte pas de termes de référence communs, et ne s’appuie pas sur la bonne foi

Pour qu’une négociation importante parvienne à une solution équitable, il faut qu’il existe un intérêt commun dans la réalisation d’un accord entre deux parties égales. C’est ce qu’on appelle une « négociation de bonne foi » et, pour qu’elle débouche sur un résultat, la présence d’un fondement répondant à un accord partagé est nécessaire.

En 1991, quand ils ont invité les Palestiniens et les Israéliens à participer à la conférence de Madrid, les États-Unis se sont dits clairement prêts à les assister pour qu’ils atteignent un accord basé sur la Résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution avait établi les paramètres d’une solution dite « à deux États » et les termes de référence en vue de négociations bilatérales entre Israéliens et Palestiniens.

Le gouvernement israélien n’a accepté de s’asseoir à une table de négociation avec l’OLP que pour deux raisons essentielles. Le premier levier était la résistance palestinienne manifestée par la première intifada, qui a placé sur la carte du monde la lutte palestinienne pour l’autodétermination et a forcé Israël à réagir. Comme l’a déclaré de façon choquante l’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, « Je pouvais briser des os, mais seulement un certain nombre ».

Ensuite, Israël subissait la pression de l’ancien président des États-Unis George Bush, qui avait retiré 10 milliards de dollars en garantie de prêt, sollicités par Israël afin d’absorber des dizaines de milliers de colons juifs soviétiques venus en Israël (finalement, ils ont été installés principalement dans des colonies en Cisjordanie). De fait, c’est une des rares fois où les États-Unis ont exercé une pression conditionnelle sur Israël en échange d’une simple présence à la table de négociation.

Pendant les 20 mois qui ont suivi Madrid, les Palestiniens et les Israéliens ont tenu neuf cycles supplémentaires de pourparlers à Washington, D.C. Ils ont aussi engagé des discussions informelles, secrètes, à Oslo en janvier 1993, alors que les négociations formelles piétinaient. À ce jour, les accords d’Oslo, qui incluent la Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie (Oslo I) de 1993 — avec en préambule la lettre de reconnaissance entre Israël et l’OLP — et l’accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 (Oslo II), constituent le seul résultat répertorié de négociations bilatérales.

Pourtant, depuis le démarrage des pourparlers en 1991 jusqu’à la signature des accords d’Oslo et à leurs suites, il était déjà évident qu’une solution à deux États n’était pas la base sur laquelle travaillaient les représentants d’Israël. On voyait en fait clairement qu’ils envisageaient une forme limitée d’autonomie palestinienne, exposée dans le Plan Allon de 1967 et dans le Plan Drobles de 1978 qui a posé les fondations de l’entreprise de colonisation. Rabin a affirmé cette vision dans son discours à la Knesset de 1995 concernant les accords d’Oslo ; tout en mettant en avant le cadre d’une solution à deux États, il annonçait que la « solution permanente » comporterait « l’établissement de blocs de colonies en Judée et en Samarie ».

En réalité, à ce jour, Israël n’a pas reconnu l’existence des Palestiniens en tant que groupe national, d’où découlerait leur droit à l’autodétermination. Dans la lettre de reconnaissance de 1993, alors que l’OLP reconnaissait « le droit à l’existence de l’État d’Israël » et acceptait la Résolution 242 malgré ses termes vagues au sujet de la Nakba, des droits des réfugiés et du statut de Jérusalem, Israël se contentait de reconnaître l’OLP comme « représentant légitime du peuple palestinien ».

De plus, le processus des négociations n’a pas pris pour base les normes internationales en matière de droits humains, et les accords d’Oslo ne faisaient pas référence au droit international. En résultat, Israël a soigneusement évité tout terme de référence qui aurait pu le contraindre à répondre de ses violations des droits fondamentaux des Palestiniens. À ce jour, Israël n’a jamais reconnu comme occupées la Cisjordanie et Gaza. Au lieu de quoi il affirme que ce sont des « territoires contestés », refusant ainsi l’application de la 4e Convention de Genève.

Dans ce cadre, l’Autorité palestinienne (AP), née des accords d’Oslo, a été spécifiquement conçue pour jouer un rôle anti-insurrectionnel en pacifiant et en contrôlant les Palestiniens au lieu de les conduire vers la liberté et la souveraineté. L’OLP a troqué la lutte de libération palestinienne contre une forme limitée d’autonomie au sein d’un pays complètement assiégé par Israël, dont il dépend. Ce qui devait être un processus politique au cours duquel les Palestiniens garantiraient leur libération au moyen de négociations bilatérales s’est transformé en mécanisme renforçant l’occupation militaire par Israël avec l’aide d’une classe dirigeante palestinienne résolue à maintenir le statu quo, écrasant ainsi toute forme de résistance qui compromettrait son emprise limitée sur le pouvoir.

Comme l’a dit Edward Said en 1993 : « À son discrédit, Oslo n’a pas fait grand-chose pour changer la situation. [L’ancien président de l’AP] Yasser Arafat et ses soutiens de moins en moins nombreux sont devenus des agents de la sécurité d’Israël, tandis que les Palestiniens étaient contraints d’endurer l’humiliation de lamentables ‘territoires’ non contigus constituant environ 10 pour cent de la Cisjordanie et 60 pour cent de Gaza. »

Non seulement Said décrivait la mauvaise foi des Israéliens, mais il constatait aussi que l’OLP avait capitulé en acceptant une autonomie amoindrie. Alors que la communauté internationale et l’AP continuent à se lamenter devant l’agonie de la « solution à deux États », ou même sa mort, l’option d’un État palestinien n’a jamais existé, pas même au début. Le cadre des négociations veillait à ce qu’il en soit ainsi.

2. Les négociations du PPMO sont déséquilibrées et ne comportent pas de chronologie précise

Clairement, dès le début, Israël n’était pas prêt à accepter la Résolution 242 comme base d’une issue du PPMO. Il était disposé, par contre, à transformer une période intérimaire en processus permanent lui permettant de poursuivre son entreprise de colonisation de peuplement. Plus précisément, la Déclaration de Principes des accords d’Oslo avait pour but de tenir des pourparlers initiaux en vue d’arrangements intérimaires d’autonomie sur cinq ans, après quoi, lorsque ces arrangements seraient en place, la Résolution 242 pourrait former la base d’obtention d’un accord sur le statut final concernant les questions primordiales — l’eau, les réfugiés, et Jérusalem. Mais le cadre ne fixait que des lignes directrices générales en vue de négociations futures, sans mécanisme en cas d’échec de la période intérimaire.

Sans chronologie claire, sans éléments incitant Israël à faire des concessions sur les questions relevant du « statut final », Israël a pris pour levier les enjeux de la période intérimaire, faisant traîner les négociations en les transformant en processus permanent. C’est ainsi qu’Israël a pu continuer la construction de colonies illégales, y compris pendant la période des négociations d’Oslo. Dans le vocabulaire de la négociation libérale, Israël comprenait que sa meilleure alternative à un accord négocié — ce qu’il pourrait maintenir ou gagner si les négociations échouaient ou n’aboutissaient pas — serait supérieure à toute offre que pourraient lui faire les Palestiniens et les courtiers.

De leur côté, les négociateurs palestiniens étaient mal équipés et mal préparés à faire en sorte que même une seule de leurs demandes soit acceptée. Khalil Tafakji, remarquable cartographe palestinien qui a fait « parler les cartes », raconte dans son livre qu’il a été recruté comme technicien par Arafat et les négociateurs palestiniens pendant la période des négociations d’Oslo, en 1993. Tafakji explique qu’il a essayé de leur montrer la réalité des négociations : « Je ne sais pas si quelqu’un vous a promis que vous auriez un État, mais je parle à partir des cartes, et, si l’on regarde les cartes, il n’y a pas d’État palestinien… Vous n’avez rien. »

Selon son récit, son avis, ainsi que celui d’autres experts, a été rejeté par la direction palestinienne qui a signé l’accord sans tenir compte des cartes de Tafakji qui mettaient en lumière l’expansion coloniale éhontée d’Israël. Au bout du compte, Tafakji avait raison : les accords d’Oslo ont fragmenté le territoire palestinien en zones A, B et C, ce qui a facilité l’hégémonie d’Israël sur la Palestine.

En 2011, Al Jazeera a divulgué 1 600 documents secrets relatifs aux négociations de 1999 à 2010. Les documents confirmaient que les négociateurs palestiniens avaient fait plusieurs concessions sans la moindre transparence à l’égard du peuple palestinien, sans son inclusion, sans son assentiment. Selon le témoignage d’un des négociateurs à l’origine de la fuite des documents :

« Les ‘négociations de paix’ étaient une farce trompeuse, permettant à Israël d’imposer de manière unilatérale des termes biaisés avec l’approbation systématique des États-Unis et des capitales de l’Union européenne. »

Bien qu’ils aient expiré en 1999, et malgré des menaces creuses de les annuler proférées par l’AP, les accords d’Oslo restent le seul cadre apte à dicter la dynamique politique, institutionnelle et économique entre la direction palestinienne et Israël.

3. Le PPMO est dépourvu de courtier honnête ou de mécanisme d’obligation de rendre des comptes

Les États-Unis assument depuis longtemps le rôle de courtier indépendant au sein du PPMO, encore qu’ils ne puissent être un courtier honnête étant donné leur soutien de longue date et sans frein à Israël, sur les plans militaire et diplomatique. Non seulement les États-Unis n’ont pas imposé à Israël de rendre des comptes pour ses violations persistantes et graves du droit international — notamment du droit humanitaire et relatif aux droits humains— et pour ses crimes de guerre à Gaza, mais ils ont aussi utilisé à plusieurs reprises leur droit de véto au Conseil de sécurité des Nations unies pour empêcher d’autres États de le faire.

Pendant plus d’un siècle, comme Rashid Khalidi le détaille dans son dernier livre, une série d’approches partagées a continué à caractériser le soutien occidental au sionisme et à Israël. Depuis la Déclaration Balfour de 1917, les puissances occidentales ont refusé de façon active de reconnaître les Palestiniens en tant que peuple doté de droits nationaux, tout en accordant la priorité aux intérêts sionistes. En 2019, l’ancien ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, évoquait ses souvenirs sur la politique étrangère des États-Unis après Oslo : l’administration de l’ancien président des États-Unis Bill Clinton « brouillait la distinction entre les priorités et les intérêts américains et israéliens ». Il cite ensuite Dennis Ross, négociateur étasunien du PPMO pendant Oslo, selon qui « l’objectif principal était de veiller à ce que les intérêts d’Israël soient servis ».

Même quand Bush a utilisé la garantie de prêts comme moyen de faire pression sur Israël en 1991, il a néanmoins réaffirmé son engagement de préserver « l’avantage militaire qualitatif » d’Israël et une « Jérusalem non divisée », et n’a exprimé aucune objection à la progression de l’entreprise de colonisation. Globalement, les États-Unis n’ont jamais cessé de financer et de soutenir l’appareil militaire d’Israël et d’assurer son rôle dominant dans la région. Aujourd’hui, ce financement s’élève approximativement à 3,8 milliards de dollars par an.

L’existence d’un processus ouvert ne reposant pas solidement sur le droit international, ne débouchant pas sur une issue claire et équitable pour les Palestiniens, et n’incluant ni courtier indépendant et impartial ni mécanisme d’obligation de rendre des comptes, a, en dernière instance, servi les intérêts d’Israël et n’a guère protégé les droits des Palestiniens.

Préserver le PPMO pour consolider la domination systémique

Le maintien de la viabilité du PPMO a permis à Israël et à ses alliés de soumettre les Palestiniens et leur direction actuelle, en rendant possible la poursuite en toute impunité du programme israélien de colonisation de peuplement. Afin d’assurer la perpétuation de cette situation dans le contexte du PPMO, Israël a recours à trois stratégies : créer des faits sur le terrain, manipuler le discours et imputer les torts aux victimes, et enfin intimider la communauté internationale.

1. Créer des faits sur le terrain

Grâce aux accords d’Oslo, Israël a pu faire progresser son entreprise de colonisation de peuplement en étendant les colonies et en s’emparant sans obstacle de terres palestiniennes. L’entreprise de colonisation de peuplement et son infrastructure ont permis à Israël de consolider sa mainmise tout en asphyxiant et en fragmentant progressivement les Palestiniens, réalisant ainsi efficacement la doctrine « un maximum de terres avec un minimum d’Arabes ». Cela inclut la séparation entre Jérusalem et la Cisjordanie, le transfert forcé de Palestiniens, les encouragements à la croissance démographique des colonies. Pour concrétiser ces options, Israël a déployé des tactiques comme de créer des zones militaires et zones de tir sur des terres palestiniennes, d’empêcher l’accès de communautés rurales palestiniennes aux terres agricoles et aux sources, de démolir des maisons, de bâtir le mur de l’apartheid, et d’imposer un blocus complet à Gaza.

En créant ces faits sur le terrain, Israël maîtrisait la politique du fait accompli qui donne à certaines réalités un aspect irréversible. Après que Mahmoud Abbas, président de l’AP, a lancé à Israël un ultimatum exigeant le retrait des territoires occupés en 1967, Benny Gantz, ministre israélien de la Défense, a déclaré récemment : « Personne ne va nulle part ». Il est donc peu vraisemblable — à vrai dire, absurde — de s’attendre à ce que les Palestiniens négocient leur liberté et leurs droits fondamentaux alors qu’Israël continue la colonisation et donne à l’apartheid le caractère d’un fait accompli.

2. Manipuler le discours et imputer les torts aux victimes

Israël a également maîtrisé la tactique de la manipulation narrative, et il est parvenu à imputer aux Palestiniens l’échec des négociations et les violences qui leur sont infligées. D’ailleurs, l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, disait ceci en 1973 : « Les Arabes ne manquent jamais une occasion de manquer une occasion. » Depuis lors, cette phrase est devenu de la part d’Israël et de ses alliés un slogan anti-palestinien banal, les Palestiniens étant dépeints comme ceux qui rejettent perpétuellement les offres de paix.

Ce discours a aussi été adopté par les nouveaux alliés d’Israël dans le Golfe pour justifier la signature d’accords avec Israël. En 2018, Mohammad Bin Salman, d’Arabie saoudite, aurait dit ceci : « Depuis plusieurs décennies, la direction palestinienne a manqué toute une série d’occasions et rejeté toutes les propositions de paix qui lui ont été faites. Il est vraiment temps que les Palestiniens reçoivent ces propositions et acceptent de se présenter à la table de négociation, ou qu’ils se taisent et cessent de se plaindre. »

Cette imputation des torts aux victimes ne résiste pas à l’examen des faits. Au long de plusieurs décennies marquées par différents sommets et tables rondes, l’OLP a accepté de nombreux compromis et propositions. Elle l’a fait sur la base de la solution à deux États, conformément à la Résolution 242. Israël, en revanche, n’a jamais fait de compromis.

Pourtant ce récit continue à dominer le discours occidental, en particulier dans le contexte de l’échec des accords de Camp David, en 2000, où Arafat, selon une croyance communément répandue, aurait rejeté une offre très généreuse de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak. Cependant, comme l’ont raconté en 2001 des négociateurs : « À proprement parler, il n’y a jamais eu d’offre israélienne. Déterminés à préserver la position d’Israël en cas d’échec, les Israéliens s’arrêtaient toujours à un ou même à plusieurs pas de la proposition. »

De mauvaise foi, violant les accords existants et le droit international, Israël condamne en outre systématiquement toute tentative des Palestiniens pour défendre leurs droits et caractérise tous les efforts allant dans ce sens en dehors du cadre déficient des négociations bilatérales comme des mesures « unilatérales » qui « nuiraient à la paix. »

3. Intimider la communauté internationale

Non seulement Israël s’en prend aux Palestiniens dès qu’ils tentent de défendre leurs droits, mais il s’en prend aussi à la communauté internationale chaque fois que des protestations s’élèvent contre les violations par Israël des droits des Palestiniens. En fait, Israël a mis sur pied une vaste campagne afin de délégitimer la lutte des Palestiniens pour leurs droits, et d’échapper à l’obligation de rendre des comptes pour les violations commises. D’une part, il a, dans ce but, assimilé faussement la lutte palestinienne à l’antisémitisme, tout en criminalisant les mouvements et individus solidaires ; d’autre part, il a accusé faussement les défenseurs des droits humains palestiniens de terrorisme.

En décembre 2019, Danny Danon, ambassadeur d’Israël aux Nations unies, a accusé la Cour pénale internationale (CPI) de capitulation face au « terrorisme diplomatique » des Palestiniens quand elle a décidé de mener une enquête sur l’éventualité de crimes de guerre commis par Israël en Palestine. Pendant l’offensive la plus récente menée par Israël contre Gaza en mai 2021, la communauté internationale a dénoncé son recours disproportionné à la force. Israël a riposté en accusant le gouvernement chinois et le ministre pakistanais des Affaires étrangères « d’antisémitisme flagrant. » Il a également réprimandé l’ambassadeur de France en Israël parce que le ministre français des Affaires étrangères avait dit à propos d’Israël : « … le risque d’apartheid est fort ». Il a aussi fait pression sur une université étasunienne pour qu’elle renvoie une étudiante qui avait critiqué Israël dans sa salle de classe.

Les États-Unis participent eux aussi à ces manœuvres d’intimidation. Leur soutien sans faille à Israël a contribué à faire dérailler toute tentative par la communauté internationale d’amener Israël à répondre de ses violations du droit international. De 1972 à décembre 2019, rien qu’au Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis ont opposé leur veto à 44 résolutions visant à condamner des actes illégaux commis par Israël. Cela a contribué à la culture de l’impunité dont Israël bénéficie aujourd’hui.

Les hommages verbaux rendus au prétendu processus de paix, aux négociations, et à la « solution à deux États » blanchissent simplement les violations d’Israël et rejettent comme unilatérales toutes les mesures imposant à Israël de rendre des comptes. Le piège des négociations bilatérales a permis à Israël de « faire réduire le conflit » en mettant en avant des mesures économiques ou « concrètes » qui n’ont fait qu’approfondir la dépendance de l’AP envers l’hégémonie d’Israël, facilitant ainsi l’apartheid et l’entreprise de colonisation de peuplement.

Rompre avec le cycle de négociations du PPMO

Il est plus que temps que la communauté internationale reconnaisse que les Palestiniens ne renonceront pas à leurs droits fondamentaux ancrés dans les valeurs universelles de liberté, de justice et de dignité. Fondamentalement, la communauté internationale doit reconnaître que sans un tournant radical dans la dynamique de pouvoir existante, toute tentative d’amener les parties à la table de négociation ne fera que perpétuer l’agenda ethno-nationaliste d’Israël et la dépossession continue infligée aux Palestiniens.

Pour rompre ce cycle, la communauté internationale doit :

Reconnaître la vacuité et l’inadéquation du cadre du PPMO, et opter en lieu et place pour un processus politique centré sur la réalisation des droits humains pour tous et toutes. Pour le peuple palestinien, cela inclut les droits à l’autodétermination et au retour, ainsi qu’à la sécurité face aux violations israéliennes constantes.

Soutenir les efforts du peuple palestinien pour rentrer en possession de son système politique, notamment par l’intifada de l’Unité, récemment lancée, afin de réaliser une construction du consensus entre toutes les composantes de la société, avant-coureuse de la libération palestinienne.

Soutenir les Palestiniens pour faire revivre et transformer l’OLP en tant que mouvement de libération doté d’une présence diplomatique dans le monde entier. Cela inclut le soutien à la dénonciation des accords d’Oslo, et le départ de l’AP en tant que représentant politique du peuple palestinien.

Contraindre Israël à répondre de ses graves violations du droit international, y compris le droit humanitaire et le droit relatif aux droits humains. Elle doit, pour ce faire, imposer des conditions et mettre fin à l’aide militaire à Israël, mettre fin au commerce des produits et services provenant de colonies israéliennes — y compris en exerçant des pressions sur d’autres États et entités pour qu’ils le fassent — , soutenir l’enquête de la CPI sur les crimes de guerre, et appeler à la fin du blocus d’Israël contre Gaza.

Rejeter l’amalgame entre toute critique d’Israël et l’antisémitisme. Cela inclut le rejet des tentatives d’Israël pour accuser de terrorisme les organisations de la société civile qui œuvrent pour défendre les droits des Palestiniens, et des pressions à son encontre pour qu’il annule ces désignations.

Rejeter les accords de normalisation entre Israël et certains États arabes, destinés à maintenir l’avantage militaire qualitatif d’Israël dans la région.

Traduction SM pour l’Agence Média Palestine

Source : Al-Shabaka


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