Pandémie (France) : Derrière la 3e dose, les non-dits de Macron sur la 5e vague de Covid

mardi 16 novembre 2021.
 

Dans son discours, le président a insisté sur le rappel vaccinal pour les plus âgés, mais est surtout vite passé sur les autres actions plus importantes pour endiguer l’épidémie.

La 5e vague a commencé en Europe et si la situation en France est plus favorable, “l’augmentation de 40% du taux d’incidence et la hausse des hospitalisations sont des signaux d’alerte” face à l’épidémie de Covid-19. C’est ce qu’a affirmé Emmanuel Macron dans une allocution prononcée ce mardi 9 novembre.

Face à ce risque, le président de la République a appelé les personnes vulnérables, notamment les plus âgés, à réaliser leur dose de rappel. À partir du 15 décembre, une 3e dose de vaccin sera nécessaire aux plus de 65 ans pour bénéficier du pass sanitaire. Quinze jours plus tôt, les plus de 50 ans auront la possibilité de prendre rendez-vous pour cette injection de rappel.

Si l’utilité de cette 3e dose pour les personnes âgées fait aujourd’hui plutôt consensus dans la communauté scientifique, il est loin d’être certain qu’elle suffira à éviter un nouveau débordement des hôpitaux par le Covid-19. Mais sur les autres options à notre disposition pour limiter la propagation du coronavirus, Emmanuel Macron a été peu disert. Des silences qui en disent long sur les choix du gouvernement.

Une 3e dose limitée

Ces derniers mois, plusieurs études ont montré qu’un rappel vaccinal avait des vertus face au Covid-19 chez les personnes âgées. En effet, on sait que l’immunité des vaccins classiques avec deux doses semble se réduire dans le temps. Dans une récente étude analysant une cohorte américaine, des chercheurs ont montré que l’efficacité du vaccin contre l’infection diminuait avec le temps, passant de 88% à 48% en moyenne entre février et octobre. Le vaccin continue de fortement diminuer le risque de maladie grave, même si la protection baisse également : 70% pour Pfizer, 52% pour Janssen et 75% pour Moderna chez les plus de 65 ans.

Dans le même temps, plusieurs études ont montré qu’une troisième dose augmentait à nouveau l’immunité, notamment chez les personnes âgées. “Face à cette immunité qui baisse, on essaye de la faire remonter quelque peu afin d’atteindre 90% de protection contre les formes graves”, détaille au HuffPost Morgane Bomsel, spécialiste en virologie à l’Institut Cochin.

“Il n’y a plus de débat sur l’utilité de la troisième dose chez les plus âgés ou chez les personnes atteintes d’immunodéficience”, affirme au HuffPost Antoine Flahault, médecin épidémiologiste à Genève et directeur de l’Institut de santé globale. À l’inverse, “l’utilité d’une troisième dose généralisée à l’ensemble de la population, c’est une autre question”, précise-t-il.

En effet, sur les plus jeunes, l’efficacité contre les formes graves reste très importante, même six mois après l’injection. On pourrait certes se dire qu’une dose de rappel baisserait le risque d’être infecté et donc d’infecter une personne fragile. Mais si Israël, qui a massivement vacciné avec une dose de rappel sa population, “bénéficie d’une accalmie, reste à savoir si celle-ci sera temporaire”, met en garde l’épidémiologiste.

“Le risque d’une telle stratégie serait d’avoir une sorte de fuite en avant, en se focalisant sur cette dose de rappel qui pourrait nous détourner d’autres actions plus importantes à mener pour endiguer l’épidémie”, estime Antoine Flahault.

Un simple “esprit de responsabilité”

“La première, c’est de vacciner tout le monde et cela demande beaucoup d’efforts. La deuxième, c’est de limiter la contamination, notamment par la ventilation, l’aération des locaux recevant du public”, détaille l’épidémiologiste. “Avec cette 3e dose, on ne met plus l’importance sur les mesures permettant de lutter contre la propagation du coronavirus”, abonde Morgane Bomsel.

Si Emmanuel Macron n’a pas circonscrit la lutte contre l’épidémie de Covid-19 à cette 3e dose, on ne peut pas dire qu’il ait été très offensif sur ces autres actions à notre disposition.

Aux 6 millions de Français qui n’ont encore reçu aucune dose de vaccin, le président a simplement lancé un appel à leur “esprit de responsabilité”. Mais il serait étonnant que ce vœu pieux suffise à vacciner les 13% de plus de 80 ans qui n’ont toujours pas sauté le pas. Un chiffre bien plus élevé que chez certains de nos voisins.

Certes, le pass sanitaire a permis de relancer la campagne de vaccination, mais le “aller vers” visant à cibler les populations isolées ou récalcitrantes a eu un effet plutôt mitigé. “La stratégie “d’aller vers” ne suffit plus pour cette population en partie réfractaire au vaccin”, écrit le conseil scientifique dans un avis publié mardi 5 octobre. Et les initiatives en place, tels les numéros verts, ont leurs défauts.

Quant aux mesures visant à empêcher la propagation du virus, le discours d’Emmanuel Macron n’a rien apporté de neuf, expliquant simplement qu’il ne fallait attendre “aucun assouplissement”. Le port du masque à l’école reste de mise, les gestes barrière doivent faire l’objet d’une “attention accrue” et les contrôles du pass sanitaire seront “renforcés. Des mesures certes utiles, mais qui ne semblent plus suffire pour contrôler le virus avec l’arrivée de l’hiver.

Il y aurait pourtant des choses à faire, à en croire Antoine Flahault : “Il n’y a pas de norme sur la ventilation des lieux clos accueillant du public, alors que l’on sait que la transmission se fait par aérosol”.

L’esprit de responsabilité des Français sera peut-être suffisant pour tuer dans l’oeuf la reprise épidémique. Mais si ce n’est pas le cas ? “Nous continuerons à adapter nos décisions en fonction de l’évolution de l’épidémie”, a rappelé le chef de l’État. Il n’y a plus qu’à espérer qu’une dixième allocution ne soit pas nécessaire.

Grégory Rozières


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