La stratégie de Mme Le Pen et le pion Zemmour sur l’échiquier de l’incertitude.

** La progression électorale des partis d’extrême droite en Europe et notamment en France nécessite une analyse des stratégies politiques utilisées.

** Le site Acrimed a écrit un long article décrivant l’hallucinante flagornerie promotionnelle des médias en faveur d’Éric Zemmour.

Nous ne reproduisons ici que la fin de l’article qui nous a paru particulièrement intéressant lorsque les médias s’interrogent sur le Rassemblement National.

On peut lire l’article complet de Pauline Perrenot en utilisant le lien suivant :

https://www.acrimed.org/Blanchir-Ze...

Titre de l’article : « Blanchir Zemmour : mode d’emploi médiatique » par Pauline Perrenot, vendredi 8 octobre 2021

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… On en est là. Face à une telle radicalisation des médias, on ne s’étonnera pas que les conseillers en communication, déguisés en journalistes, s’inquiètent de l’image du RN et de sa stratégie.

Ainsi d’Yves Calvi à Laurent Jacobelli, porte-parole du parti : « Il y a un moment où il va falloir commencer à sérieusement vous inquiéter de ce qui se passe du côté d’Éric Zemmour non ? […] Vous n’êtes ni sourd ni aveugle, il y a peut-être une autre stratégie à mettre en place du côté de Marine Le Pen. » Voire à blanchir le parti, tout simplement : « Marine Le Pen n’a jamais véritablement eu de discours radicaux […]. Et c’est ça qui a ouvert cet espace. […] Moi, je n’ai jamais vu de propos racistes dans un meeting. » (Dominique Reynié, « C dans l’air », 29/09). Du coup, Caroline Roux s’inquiète : « Mais [sur l’immigration], elle est crédible à votre avis ? » (29/09) Ou encore cet autre blanchisseur (et ancien confrère d’Éric Zemmour) : « Marine Le Pen laisse un vide béant. […] Aujourd’hui vous voyez bien : elle ne parle plus du tout d’immigration ! Elle n’est plus du tout sur ses fondamentaux. […] Ce faisant, elle libère tout l’espace sur la thématique qui est chère à Éric Zemmour : l’immigration et la sécurité. » (Carl Meeus, « C dans l’air », 15/09). Et ce n’est pas fini. Aurélie Herbemont, journaliste politique à RTL : « En se banalisant, en se normalisant, en essayant de se présidentialiser, [Marine Le Pen] a laissé le créneau sulfureux qu’on avait généralement quand même souvent dans des campagnes présidentielles. […] On voit que pour cette dernière campagne, […] elle a voulu prendre des habits de future présidente de la République, et elle a laissé du coup un créneau à une radicalité et à un côté sulfureux ». (« C dans l’air », 29/09) Une position et des commentaires partagés jusque… sur France Inter.

Faisant réagir le numéro 2 du RN aux propos d’Arno Humbert, Nicolas Demorand se garde de préciser à l’antenne que ce dernier est un fervent soutien d’Éric Zemmour, webmestre de son site de « campagne » « Les amis d’Éric Zemmour ». Et la suite vaut le détour :

 Nicolas Demorand à Jordan Bardella : Une question tout de même pour savoir si vous balayez devant votre porte ou si vous faites des examens de conscience : Arno Humbert, délégué départemental des Deux-Sèvres, 14 ans de Front National puis de Rassemblement national, dit au Monde : « On nous a interdit d’aller à La Manif pour tous, puis de soutenir Génération identitaire. Marine Le Pen dit que le "grand remplacement" est complotiste, que l’islam est compatible avec la République, qu’elle ne sortira pas de Schengen ni de la Convention européenne des droits de l’homme… C’est une gauchiste qui a grandi dans un château et hérité de la succursale Le Pen. » Vous voyez bien la critique de fond ! La critique de fond, c’est : à force de vouloir banaliser votre discours, n’êtes-vous pas devenu banal ?

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Est-il besoin de résumer ? À la faveur de cette rentrée présidentielle, la banalisation d’Éric Zemmour et du RN – dont les journalistes reproduisent, amplifient voire blanchissent les discours – est devenu un phénomène médiatique systémique. Que ce soit par suivisme d’un agenda uniformisé ou pratiques routinières, que ce soit par dépendance aux contraintes éditoriales, que ce soit par aveuglement ou sympathie politique, les grands médias balisent objectivement la route d’un courant fascisant, et lui servent de caisse de résonance.

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Pauline Perrenot

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Autres articles

Mise en examen de Marine Le Pen en 2018

https://www.lemonde.fr/politique/ar... publics_5368540_823448.html *

Le procès qui menace Marine Le Pen en 2022 https://www.le jdd.fr/Politique/le-proces-qui-menace-la-candidature-de-marine-le-pen-en-2022-3945492

** Commentaires HD : quelle stratégie met en œuvre le RN pour gagner en 2022 ?

Il serait illusoire de penser que le FN puis le RN est un parti dont les adhérents et les sympathisants présentent une idéologie parfaitement homogène.

Il suffit de consulter l’article de Wikipédia sur l’extrême droite en France et son histoire pour se rendre compte que celle-ci est traversée par différents courants. Son électorat relativement homogène jusque dans les années 1990 s’est ensuite diversifié s’étendant à une partie des couches populaires.

Nous allons montrer quel est le rôle dévolu à Éric Zemmour. Pour cela il faut rappeler les différents agrégats de l’idéologie d’extrême droite.

La matrice psycho idéologique commune est le manque de confiance envers les autres. Cela peut aller de la simple méfiance jusqu’à la xénophobie.

Cette idée implique que les humains ne peuvent s’organiser eux-mêmes et que la présence d’un chef doué naturellement d’une capacité de commandement est nécessaire pour construire et garantir l’ordre social.

On comprend ainsi pourquoi les thématiques « le chômeur qui ne veut pas travailler », la fraude sociale, immigrés qui profitent abusivement des prestations sociales sont des thèmes de prédilection pour le RN. Cette méfiance qui devient peur de l’autre alimente alors un réflexe identitaire d’appartenance à un système relativement clos, avec un intérieur et un extérieur, celui-ci pouvant être un clan, une ethnie, une nation, une sphère religieuse, une sphère culturelle, système toujours menacé d’explosion, de disparition au gré de multiples influences extérieures.

D’où le caractère clanique maintes fois décrit du FN RN, la référence à l’ethnicité pour définir la nation, le nationalisme, la peur de l’islam devenu deuxième religion en France, la peur de l’immigration pouvant aboutir au « grand remplacement » anéantissant ainsi notre identité nationale, culturelle, religieuse etc.

Ce réflexe identitaire a engendré et engendre encore la peur de la mixité raciale qui est plutôt devenue maintenant la peur de la mixité culturelle. Pierre-André Taguieff dans son ouvrage « la force du préjugé » a montré que l’une des causes principales du racisme est la peur du métissage. Cette obsession identitaire peut investir le domaine biologique : le droit du sang devrait remplacer le droit du sol.

D’ailleurs, l’organicisme c’est-à-dire la comparaison du fonctionnement de la société avec le fonctionnement d’un organisme vivant se retrouve dans le discours d’extrême droite. On retrouve bien la division intérieure/extérieur. Le délinquant, l’immigré, le communiste, l’islamiste peuvent être considérés comme des corps étrangers qu’il faut combattre avec des anticorps appropriés : divers dispositifs d’interdiction et d’expulsion, forces de l’ordre, etc. on retrouve aussi l’idée de contamination avec la contamination des esprits, de la culture,… par des éléments extérieurs au corps social. Cette matrice idéologique où règne la peur est anxiogène et favorise le sentiment d’une insécurité généralisée.

Celle-ci se trouve renforcée avec l’instabilité structurelle et conjoncturelle du fonctionnement capitaliste et mondialiste de la société. La désignation d’un bouc émissaire est un exutoire pour juguler cette peur et évite, par son simplisme, tout effort intellectuel pour analyser les véritables causes des difficultés économiques et sociales du moment.

D’où la centralité du thème de l’insécurité et do propos de la sécurité dans le discours d’extrême droite.

Remarquons que les thèmes de l’antiparlementarisme et de l’anti intellectualisme se sont quelque peu affaiblis dans les discours de l’extrême droite.

Il est vrai que maintenant le RN compte dans ses rangs un certain nombre d’intellectuels et de parlementaires !

La presse locale avec ses faits divers relatant presque journellement les actes de délinquance et la presse et les médias nationaux relayant les thématiques à populariser à une vaste échelle cette matrice idéologique.

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Cet espace idéologique projeté sur le plan électoral va être traversé par deux axes le rendant plus hétérogène : un axe sociétal allant du libertaire à l’autoritaire et un axe économique allant du libéralisme au dirigisme d’État.

Cela résulte de l’effondrement électoral idéologique et électoral du parti socialiste et ses satellites et de l’effondrement idéologique électoral de la droite classique. Cet effondrement a laissé place à une fusion partielle de ces deux électorats avec le macronisme, une augmentation de l’abstention mais aussi une récupération idéologique par le FN – RN d’un électorat désorienté sensible pour une part aux valeurs sociales de gauche et d’autre part aux valeurs traditionnelles d’autorité et d’ordre

Le processus de récupération par le RN s’est progressivement développé avec la convergence des options économiques du PS avec celle de la droite libérale.

Marine Le Pen depuis 2011 développe une stratégie tendant à conserver la matrice centrale en la complétant par un axe gauche – droite tant sur le plan économique que sur le plan sociétal. D’un côté un libéralisme économique pour son électorat de chefs d’entreprise et petits commerçants d’autre part un État stratège et protecteur pour son électorat d’ouvrier et d’employé mais aussi pour les cadres moyens.

Selon cette idéologie, l’État social est menacé de désagrégation par l’immigration et par la mondialisation nécessite une politique autoritaire et protectionniste.

D’où la référence à un capitalisme patriote et social ».

En même temps, la petite bourgeoisie notamment la partie de son électorat ayant un niveau d’études supérieures au baccalauréat demande une politique relativement libertaire dans le domaine sociétal. Ce n’est pas par hasard que le thème de la Liberté a pris une telle ampleur pendant la crise. Une Chaîne YouTube d’extrême droite a d’ailleurs pris le nom de TV liberté. Remarquons que Marine Le Pen a voté contre le passeport sanitaire à l’Assemblée nationale Mais en même temps, pour conserver son électorat de policier, elle a voté pour la loi sur la sécurité globale.

Mais l’adjonction de ces deux axes se heurte à un problème : comment rallier l’électorat de la grande bourgeoisie ?

La grande bourgeoisie pourrait alors faire apparaître un troisième axe : société ouverte – société fermée. Économie ouverte – économie fermée.

La grande bourgeoisie héritière de la bourgeoisie du commerce maritime d’antan est favorable à la mondialisation, à une économie très ouverte. Une autre partie de la grande bourgeoisie est plus territoriale, et plus ancrée dans l’État-nation ce qui ne signifie évidemment pas qu’elle ne pratique pas le libre-échange. Pour ne pas effrayer cette grande bourgeoisie dont l’un des membres a légué à sa famille le château de Montretout, Marine Le Pen a été conduite à remettre en cause ses positions contre l’union européenne ultralibérale.

Il est bien évident qu’une telle stratégie électorale induisant un ratisser large, très large, ne va pas sans contradiction et provoque des dissensions au sein de son parti (d’où le départ de Florian Philippot) et un affaiblissement numérique possible de son électorat le plus conservateur.

Comment donc réunifier re fidéliser son électorat en interrogation ?

Alors, le Zorro Zemmour est arrivé !

Ainsi, Éric Zemmour a deux missions :

Éventuellement faire le grand remplacement de Marine Le Pen à l’élection présidentielle si celle-ci a été condamnée comme inéligible suite à sa mise en examen.

Si Marine Le Pen a sa candidature confirmée, Éric Zemmour invitera ses sympathisants le moment venu, à se rallier à sa candidature. Il permet ainsi au RN de récupérer tout son potentiel électoral et de rendre de la sorte possible la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022

En laissant penser qu’il pourrait être candidat à la présidentielle, Éric Zemmour et ses amis du RN sèment dans le poulailler médiatique une multitude de petites graines que les poussins, poules et coqs de la volaille médiatique viennent picorer à l’endroit et au moment voulu. C’est tout le mérite d’Acrimed d’avoir bien décrit cette agitation frénétique, gourmande et volatile de médias en déshérence. **

Annexe

Expliquer les succès électoraux de l’extrême droite. Une Étude multifactorielle de sociologie politique. . https://www.cairn.info/revue-franca...

Quels sont les 21,4 % qui ont voté pour Marine Le Pen en 2017 ? https://www.liberation.fr/les-idees... ** Hervé Debonrivage