Et ce ne sont pas les disciples de Pierre Bourdieu qui tapent (« l’opinion publique n’existe pas »). Juste des gens qui font des maths ou de la sociologie et trouvent peu acceptable le numéro auquel se livrent les deux comiques sondagiers.

2022 : quand l’IFOP s’appuie sur une hypothèse de participation de… 55% ! Soit 23 points de moins qu’en 2017

IFOP cache d’abord la version intégrale de sa notice technique. Nous alertons la commission nationale des sondages. Une heure plus tard, la page manquante est publiée. C’est justement celle qui donne le taux d’abstention « évalué » par ces étranges statisticiens. Entre temps « France-Info » a eu le temps de répéter sans recul ni réserves ces élucubrations. Les bourreurs de cranes gouvernementaux ne sont jamais en dessous de la main.

Pour IFOP (opif), personne ne vous dira que son enquête s’appuie sur une hypothèse de participation à l’élection présidentielle de 55%. Vous avez bien lu ! 23 points de moins qu’en 2017 ! 25 points de moins qu’en 2012. Trop fort ! Et pas un commentaire sur ce niveau d’abstention qui est pourtant la vraie information spectacle de ces farceurs. Au passage petit règlement de compte avec LFI ou l’on reconnait les grands esprits.

40% des jeunes iraient voter le dimanche, 87% le lundi : quand l’IFOP contredit… l’IFOP

Mais le vrai grand comique de la semaine restera IPSOS. C’est tellement ballot ! IPSOS publie une enquête d’opinion qui contredit une autre enquête d’opinion de… IPSOS. En effet, celle-ci déclare que 87% des jeunes ont l’intention d’aller voter. Pourtant le même institut publie des sondages d’intention de vote de la population générale qui disent tout autre chose. Ils sont relayés sans commentaire ni le moindre recul technique par France Inter. Et cette fois-ci encore, même s’ils se contredisent entre eux. En effet quand on a la curiosité de lire les notices techniques on découvre une étonnante contradiction.

Les sondages IPSOS publiés habituellement par France Inter sont basés sur une hypothèse de participation globale de 50%. Curieux écart ! D’autant plus curieux que la situation devait même être pire chez les jeunes selon le même IPSOS dans ses autres enquêtes. Selon elles, seuls 40% des jeunes iraient voter. 40% le dimanche, 87% le lundi !

Quand est-ce vrai chez IPSOS et France Inter ? Dimanche ou lundi ? Ou bien est-ce tout bidouille ? Mais sans doute tous ceux qui les publient n’y croient pas eux-mêmes. Comment croire que des grands professionnels de l’info limitent leur rôle à recopier sans vérifier d’après la source elle-même ? Qui pourrait croire que leur effort se limite à produire un titre au-dessus de copié collé de la notice pondue par le directeur des études de « l’institut ».

La morgue de caste contre les « mauvais » jeunes, ceux qui habitent dans les quartiers populaires et qui ne sont pas sûr d’aller voter

Bref : France inter claironne : « preuve que l’élection présidentielle attire les électeurs, 87% des jeunes sondés ont de « grandes chances » ou sont « certains » d’aller voter. Ils sont seulement 4% à se dire certains de ne pas aller voter ». On voit vite de quel côté est le bien. C’est d’ailleurs fortement précisé : « La majorité des jeunes qui ont répondu « oui » sont des habitants de grandes métropoles, des diplômés, issus de famille de classe moyennes ou supérieurs. À l’inverse, ceux qui n’ont pas forcément d’attente de la futur élection présidentielle sont, pour 40% d’entre eux, habitants de zones rurales, de catégories populaires, et qui ont un diplôme inférieur au Bac. »

La morgue de caste se sent à plein nez. Vous pensez peut-être que c’est tellement caricatural que ce n’est pas possible. Vous n’avez pas encore tout lu. Le meilleur est dans la conclusion politique : « Emmanuel Macron, le candidat qui répondrait le mieux aux attentes des jeunes » Aaaaaah ! Ouf ! « Les résultats ne sont pas forcément encourageants pour la classe politique.

Dans ce sondage, les jeunes étaient invités à noter sur 10 les différents candidats ou probables candidats à la présidentielle. À la question : « selon vous, X ou Y sera capable de répondre aux attentes et aux aspirations de votre génération ? », c’est le président Emmanuel Macron qui recueille la meilleure note. Hélas il faut aussitôt nuancer cette excellente nouvelle qui avait réjoui toute la rédaction. Sortez les mouchoirs « Mais il n’atteint pas la moyenne avec 4,2/10. Il est suivi de Jean-Luc Mélenchon et Xavier Bertrand (3,9/10), quand Marine Le Pen et l’écologiste Yannick Jadot sont notés 3,8/10. La moins bonne note est attribuée au polémiste Éric Zemmour.

Exquis. La radio gouvernementale ne met même plus de conditionnel pour Xavier Bertrand et Jean-Luc Mélenchon devant l’énigmatique note de 3,9 en écart de 0,3 point (non, il n’y a même pas de pluriel à « point ») avec le « président Emmanuel Macron qui répond le mieux aux attentes des jeunes ».

Le Pen et Jadot sont eux aussi à égalité avec un terrible écart de 0,4 point (toujours pas de « s »). Bien sûr il est précisé que « les résultats ne sont pas forcément encourageant pour la classe politique ». On a compris. Mais sont-ils « encourageants » pour la crédibilité de la « classe médiatique » qui titre sur une info démentie par son propre outil de sondage ?

45% des jeunes placent en 1ère préoccupation les écarts de revenus, 19% l’immigration

La classe médiatique est-elle encouragée de voir titrer sur cette info plutôt que sur les autres « leçons » du sondage ? Celle-ci méritaient mieux que la seule apologie du président (Emmanuel+0,3). Comme par exemple celle qui affirme que 45% de ce « panel de jeunes » classe en première préoccupation les écarts de revenus et de patrimoine ! Bolcheviques !

Et seulement 19%, en huitième et ante pénultième place « le niveau de l’immigration » ? Islamo-gauchistes ! Et cette jeunesse classe en première position (55%) des « causes de fractures de la société française » les différence de patrimoine et de revenu ! Ingrats ! Et seulement en seconde position (40%) « les fractures identitaires, en fonction de la religion ou de l’origine » sans qu’on sache si c’est parce qu’il les constatent ou les déplorent ?

La crédibilité des médias au plus bas

La classe médiatique biaisant le regard sur des sondages déjà eux-mêmes biaisés et contradictoires. Il faut donc chercher ailleurs. Le sondage annuel 2019 publié par le journal « La Croix » avait été sévère : « Baromètre médias : les journalistes sommés de se remettre en question. Dans le 32e Baromètre de la confiance des Français dans les médias réalisé par Kantar pour La Croix, la crédibilité accordée aux différents supports et la perception de l’indépendance des journalistes sont au plus bas. »

Je ne crois pas que la classe médiatique se soit amendée depuis comme le montre le commentaire de ce sondage IPSOS. D’ailleurs « France Info » avait reconnu le problème à la lecture du sondage pour l’année 2020, le dernier paru. « Un point important de ce baromètre concerne l’indépendance des journalistes : les chiffres montrent que la défiance du public vis-à-vis de la profession reste élevée. Les personnes interrogées sont 63% à penser que les journalistes ne résistent pas aux pressions des partis politiques et du pouvoir. Aussi, 59% estiment qu’ils ne résistent pas non plus aux pressions de l’argent ». Bigre ! C’est accablant.

Mais il en faut davantage pour décourager le service public gouvernemental qui avait quand même trouvé alors un motif de satisfaction dans cette bérézina morale : « Il y a tout de même un léger motif de satisfaction par rapport à 2019 où 68% des personnes sondées pensaient que les journalistes n’étaient pas indépendants des partis politiques et du pouvoir contre 63% en 2020, un gain de 5 points ».

Des pressions de l’argent, il n’est rien dit. Pour finir, si ce post vous a mis en appétit, et si vous voulez lire une analyse savoureuse et argumenté de ce sondage là, vous trouverez ici même un lien utile.

Par Alfred Platano