L’ultradroite : cette menace qui couve

samedi 25 septembre 2021.
 

Mardi 21 septembre, s’ouvre un procès inédit : un groupuscule terroriste lié à l’ultradroite est jugé pour « association de malfaiteurs terroriste ». Rassemblés au sein du mouvement OAS, les accusés projetaient des attaques contre des musulmans et des hommes politiques, dont Jean-Luc Mélenchon.

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Il regrette. Prétend s’être « déradicalisé ». Il en veut pour preuve ses amitiés avec des détenus « arabes », notamment un certain « Mohamed », qui lui aurait sauvé la vie en prison. Logan Nisin s’exprime ainsi dans une lettre manuscrite, dont des extraits ont été publiés par Marianne quelques jours avant l’ouverture de son procès. Des regrets qui ressemblent à une opération de communication quelques jours avant sa présentation devant les juges.

La prison ou la mort

Car, d’après nos informations, celui qui les exprime a montré un tout autre visage lors de sa comparution devant le magistrat devant statuer – encore une fois – sur son maintien en détention. Une comparution, là aussi quelques jours avant son procès, au cours de laquelle Logan Nisin se serait montré virulent, aurait confirmé son engagement idéologique, voire une certaine fierté s’agissant de ses projets. Un revirement tel qu’un témoin de la scène en est sorti « impressionné par son attitude. Il s’agit clairement d’un personnage hors norme ».

Des changements de posture qui rappellent aussi étrangement ses premières heures de garde à vue. Après son arrestation à Vitrolles, le 28 juin 2017, Logan Nisin clamait aux policiers qui l’interrogeaient : « Anders Breivik était contre le multiculturalisme, il a donné sa vie pour ses idées, il a toute ma sympathie », en référence à ce terroriste norvégien d’extrême droite, qui avait perpétré et revendiqué les attentats d’Oslo et d’Utoya, le 22 juillet 2011. 77 morts et 151 blessés. Quelques minutes plus tard, le militant d’extrême droite jurait pourtant vouloir tout arrêter, car « la seule issue, quand il y a un attentat, c’est la prison ou la mort ».

Logan Nisin, âgé aujourd’hui de 25 ans, est-il toujours habité par ces envies d’actions violentes qui le hantaient il y a quatre ans ? Le procès qui s’ouvre ce mardi devra répondre à cette interrogation et établir à quel degré d’implication et de détermination se trouvaient et se trouvent encore la petite dizaine de personnes mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste, dont trois, mineures au moment des faits, seront jugées par un tribunal pour enfants.

La valise ou le cercueil

Avec ce groupe – cinq seront à ses côtés dans le box des accusés –, Logan Nisin avait créé, en novembre 2016, un genre de milice au nom évocateur : OAS, pour Organisation des armées sociales – en référence à l’Organisation armée secrète, qui a fait plus de 2 200 morts en Algérie et 71 morts en France en 1961 et 1962.

Comme une sorte de filiation avec cette organisation politico-militaire clandestine, l’OAS de 2017 a pour « raison sociale » d’« enclencher la remigration basée sur la terreur ». En garde à vue, Logan Nisin s’était expliqué sur le choix de ce nom : « Quel meilleur nom possible quand il s’agit de provoquer la remigration des Arabes par la terreur ? Si l’on fait un certain nombre de massacres, ils penseront : “la valise ou le cercueilˮ. » Le petit groupe ainsi radicalisé a donc imaginé plusieurs attentats contre des musulmans – ciblant un projet de mosquée à Vitrolles (Bouches-du-Rhône) ou des restaurants à kebabs – ou contre des politiques comme Christophe Castaner et Jean-Luc Mélenchon.

Il avait commencé à se constituer un arsenal : armes d’épaule et armes de poing ont été retrouvées au domicile de Logan Nisin et de son « bras droit », Thomas Annequin, ancien employé de la mairie de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) – à l’époque où Christophe Castaner en était le premier édile. Thomas Annequin est alors membre actif du Parti de la France (PdF), fondé en 2009 par Carl Lang et plusieurs autres anciens du Front national, qui présente plusieurs candidats dans le Sud et appelle notamment à la constitution d’une garde nationale armée composée d’au moins 100 000 personnes. En somme, à l’armement des citoyens.

Logan Nisin l’a pris aux mots. Ce jeune militant, abreuvé de vidéos néonazies dès l’âge de 13 ans, a fréquenté très tôt les Jeunesses nationalistes, jusqu’à la dissolution, en 2013, de cette organisation et de L’Œuvre française – mouvement créé en 1968 par Pierre Sidos (1) et repris par Yvan Benedetti – à la suite de leur implication dans la mort du militant antifasciste Clément Méric.

Le Mouvement populaire nouvelle aurore (MPNA) reprend une partie du flambeau. Il est lancé par Olivier Bianciotto, le 7 mars 2014, sur le modèle du mouvement néonazi grec Aube dorée. Logan Nisin s’y inscrit pleinement. « Notre mouvement a une vision nationale du socialisme et est ethnodifférentialiste », peut-on lire dans un document de présentation. Son objectif : « l’établissement d’une population saine moralement et physiquement, d’ethnie européenne et d’opinion politique nationaliste et sociale ». Le MPNA se fait remarquer dès septembre 2014 dans une vidéo postée sur Facebook, qui fait scandale : le groupe se filme en train de couvrir le visage d’une statue de Missak Manouchian, résistant d’origine arménienne fusillé par les Allemands en 1944, qu’il qualifie de « terroriste communiste, tueur de Français ». La même année, deux membres sont arrêtés à la suite de l’évocation sur les réseaux sociaux d’une potentielle attaque contre une synagogue. Logan Nisin, actif dans le groupe, est fiché S dès juillet 2014.


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