Pourquoi l’opposition a disparu ?

mercredi 12 septembre 2007.
 

De toutes parts, l’affaire semble entendue. Les premiers pas de Sarkozy sont d’autant plus assurés que la principale formation de gauche, le parti socialiste, est incapable de s’opposer. Ce qui l’est moins, ce sont les causes d’une telle carence. Sont pointés le « sabir » abscons du PS, ses statuts laxistes, ses éléphants récalcitrants, l’âge du ou des capitaines, l’absence de travail sur les « vraies questions que se posent les Français »... Mais rien n’est dit du fait qu’un membre du gouvernement sur cinq avait au début de l’année sa carte du PS et déclare agir en conformité avec cet engagement. C’est pourtant un fait sans précédent sous la cinquième République. Il est connu de tous nos concitoyens. Il faut donc le comprendre.

Que sont-ils allés faire au gouvernement ? S’agissait-il -version policière- d’agents doubles, de traîtres à double face ? Ou encore -version hollando-autoritaire- d’opportunistes qui ont piétiné leurs convictions et leur parti pour satisfaire un intérêt personnel ? Voire, version royalo-charitable de cette même thèse, de brebis égarées qui ont cédé à la tentation mais qui bénéficieront du pardon si elles rentrent au bercail ? La liste considérable des personnalités socialistes impliquées dans l’ouverture, dont beaucoup occupaient des fonctions éminentes auprès de François Hollande, dément la thèse du dérapage individuel. Leur proximité idéologique aussi. Dès lors il faut admettre qu’ils agissent avec conviction. En intégrant le gouvernement mis en place par Nicolas Sarkozy ou en acceptant une mission confiée par ce dernier, ces « personnalités d’ouverture » sont sincèrement convaincues de rester fidèles à leur engagement pour la bonne raison qu’ils estiment ce dernier compatible sur plusieurs points essentiels avec les analyses de la droite.

Faut-il faire ici la généalogie de cette thèse ? La place manque pour décrire une orientation qui plonge ses racines dans la droite du parti démocrate américain, où sont nés dès les années 80 les appels à rompre avec les « clivages du passé ». À l’étranger, elles ont conduit le SPD à gouverner avec la droite. La France n’est pas à l’écart de ces débats et de ces influences. Elle y a même des relais de poids. Le vieux refrain des démocrates a été repris mot pour mot par la candidate socialiste à la présidentielle. « Je n’aime pas les étiquettes. La France souffre de ces logiques d’affrontement. Je suis dans le dépassement des clichés traditionnels ». « J’évite les formules dépassées, comme l’idée que tout ce que fait la gauche est bon et que tout ce que fait la droite est mauvais ». « La privatisation de GDF et la fusion avec Suez ? Ce ne sont pas des mesures de droite ou de gauche. Les enjeux ont changé ».

Il faut donc admettre que l’incapacité du PS à s’opposer renvoie à un problème d’orientation politique. Pour affronter le gouvernement, il faudrait en effet assumer le clivage droite-gauche, mettre sur la table la question du partage des richesses encore aggravé cet été, s’opposer au recul de l’âge de la retraite, à la casse des 35 heures ou à la libéralisation du gaz, rompre le consensus sécuritaire... Or chacun de ces points entre en contradiction avec l’orientation démocrate défendue plus ou moins ouvertement par le noyau dirigeant du PS.

Rien d’étonnant dès lors à ce que la contestation de Nicolas Sarkozy se limite pour l’essentiel à une critique de son style. La privatisation de GDF ? Un problème de transparence (Hollande). La harangue des ambassadeurs sur le choc entre l’Occident et l’Islam ? Un discours de bonne tenue mais des contradictions avec ses déclarations passées (Moscovici). Nicolas Sarkozy à l’université d’été du MEDEF qui se déclare favorable au « divorce par consentement mutuel en matière de contrat de travail » ? Cela manque de concret (Sapin). Les premiers cent jours de son gouvernement ? Annoncer la réforme, ce n’est pas l’accomplir : attention à l’immobilisme (Royal).

Il y aurait pourtant tant à dire ! Le gouvernement promet que la privatisation va faire baisser les prix du gaz ? Cela fait plusieurs années qu’ils augmentent dans cette seule perspective. Le « divorce par consentement mutuel en matière de contrat de travail » ? C’est le CPE pour tous, une incitation au harcèlement, le droit de répudiation donné aux patrons ! Le premier bilan de Sarkozy ? Une gigantesque opération de transferts de richesses des plus modestes vers les plus riches, du patrimoine public vers les fortunes privées.

Quant à la bataille politique contre le capitalisme de notre époque, elle n’est pas plus à l’ordre du jour chez ceux qui aspirent à l’accompagner. L’été aura été marqué par une crise financière qui révèle l’instabilité congénitale de la finance comme les dangers de l’endettement des ménages encouragé par Bush et défendu par Sarkozy. Les désordres climatiques auront remis en pleine lumière l’incapacité du marché à assurer la simple survie de l’espèce humaine. Les raisons d’être du socialisme étaient alors en pleine lumière. Mais ceci est tellement archaïque...


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