Allocution présidentielle – Vaccination : Macron manie la carotte et le bâton – Un exercice d’autosatisfaction.

jeudi 15 juillet 2021.
 

Le président de la République a annoncé, lundi soir, la vaccination obligatoire pour tous les professionnels de santé d’ici au 15 septembre, ainsi que l’extension du passe sanitaire à l’essentiel des activités sociales (cinémas par exemple le 21 juillet, bars début août, etc). Il a aussi défendu son bilan et la volonté de relancer dès que possible des réformes pourtant très contestées.

Plusieurs annonces, mais avant toute chose : un exercice d’autosatisfaction. Lundi 12 juillet au soir, dans une allocution d’une trentaine de minutes, Emmanuel Macron s’est longuement félicité de sa gestion de la crise sanitaire et de son pendant économique et social, avant d’entrer dans le dur du sujet. Évoquant l’apparition du variant Delta et la possibilité que d’autres surgissent dans les mois à venir, le président de la République a insisté sur la vaccination, qualifiée d’« atout maître ».

« Nous devons aller vers la vaccination de tous les Français car c’est le seul chemin vers un retour à la vie normale », a-t-il indiqué, en confirmant que cette dernière serait rendue obligatoire « sans attendre » pour tous les professionnels de santé, soignants et non soignants, ainsi que pour tous ceux travaillant, bénévolement ou non, au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile. Les concernés ont jusqu’au 15 septembre pour se faire vacciner, sans quoi ils seront soumis à des sanctions, qui n’ont pas été détaillées.

Elles l’ont été, quelques minutes plus tard, sur LCI où était interrogé le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, lequel a tout simplement expliqué que les soignants non vaccinés « ne pourront plus travailler et ne seront plus payés » à compter du 15 septembre. Au même moment, la plateforme de prise de rendez-vous Doctolib annonçait sur les réseaux sociaux une explosion des demandes et la saturation de leur site.

Le chef de l’État a également affirmé qu’« en fonction de l’évolution de la situation, nous devrons sans doute nous poser la question de la vaccination obligatoire pour tous les Français ». « Mais je fais le choix de la confiance, a-t-il ajouté, et j’appelle solennellement tous nos concitoyens non vaccinés à aller se faire vacciner dès aujourd’hui au plus vite. » Pour ce faire, l’exécutif a surtout fait le choix de l’obligation qui ne dit pas son nom, en subordonnant la vie sociale au passe sanitaire. Ce dernier sera étendu aux lieux de loisirs et de culture, le 21 juillet.

Puis, début août, il concernera les cafés, restaurants, centres commerciaux, hôpitaux, maisons de retraite, ainsi que les voyages en avion, en train et en car longue distance. Le 29 avril pourtant, Emmanuel Macron avait assuré dans la presse quotidienne régionale que « le passe sanitaire ne [serait] jamais un droit d’accès qui différencie les Français » : « Il ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis », avait-il promis, avant que le variant Delta ne surgisse en France.

Outre un renforcement du contrôle aux frontières et un « isolement contraint pour les non vaccinés », le président de la République a également annoncé que les tests PCR seront « rendus payants à l’automne, sauf prescription médicale ». Le projet de loi portant ces dispositifs serait examiné par le Parlement, en session extraordinaire, à partir du 20 juillet. L’état d’urgence sanitaire doit être prononcé dès mardi prochain pour la Martinique et La Réunion. Deux territoires d’outre-mer qui seront également soumis à couvre-feu.

Le président de la République a défendu ses choix, en dépit du coût humain qu’ils ont engendré.

Le chef de l’État a suivi l’avis rendu par le Conseil scientifique le 6 juillet. Dans un document intitulé Réagir maintenant pour éviter une deuxième vague associée au variant Delta, ce dernier appuyait la recommandation d’une autre structure, le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, d’aller « vers une obligation vaccinale des soignants ». Il évoquait également la possibilité d’étendre cette obligation aux « aidants » et autres professionnels en contact avec des personnes fragiles. C’est désormais chose faite.

Un avis partagé par la Haute Autorité de santé (HAS), mais aussi par l’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale de pharmacie qui ont récemment estimé que « le principe d’une vaccination fondée sur le volontariat [révélait] aujourd’hui ses limites ». « Si la liberté individuelle doit être respectée, elle est toutefois limitée lorsqu’il y a danger pour autrui, ont-elles écrit dans un communiqué publié le 9 juillet. Face à la Covid-19, la vaccination n’est pas seulement un geste civique, c’est un impératif éthique. »

Avant de décliner ces nouvelles annonces, Emmanuel Macron est longuement revenu sur ses choix, à commencer par celui pris, en janvier, de repousser le confinement de plusieurs semaines. « Je veux vous dire ce soir que nous avons eu raison collectivement de rechercher sans cesse l’équilibre entre la protection et la liberté ; raison, au début de cette année, de protéger la vie sans pour autant refermer le pays », a-t-il martelé, en dépit du coût humain qu’a engendré cette décision : plus de 14 000 décès, selon une première estimation publiée mi-juin dans Le Monde.

Il nous faudra travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard.

Dans la deuxième partie de son allocution, le président de la République s’est ensuite penché sur les quelques réformes qu’il entend relancer avant la fin de son quinquennat. À commencer par celle de la réforme de l’assurance-chômage dont il a dit qu’elle « sera pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre », alors même que le Conseil d’État l’a suspendue fin juin. Un tel calendrier supposerait que la plus haute juridiction administrative rende sa décision sur le fond d’ici l’automne ou que le gouvernement publie un nouveau décret à la fin de l’été.

Le chef de l’État est aussi revenu sur l’épineuse réforme des retraites. « J’ai toujours tenu un langage de vérité », a-t-il assuré, avant de renier sa promesse de campagne de ne pas repousser l’âge de départ. « Il nous faudra travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard », a-t-il insisté, précisant toutefois que cette réforme ne sera pas lancée « tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée ». Or, comme il l’a dit lui-même, nous allons « vivre avec le virus », tout au long de l’année 2021 et « sans doute pour plusieurs mois de l’année 2022 ».

En attendant, Emmanuel Macron avait invité lundi soir les parlementaires de la majorité à l’Élysée, afin d’échanger sur les quelques mois qui le séparent de la présidentielle de 2022. Un sujet qu’il a évidemment pris soin de ne pas évoquer face caméra, mais sur lequel il est revenu une fois devant ses troupes. Selon des élus sur place, le président de la République leur a enjoint de reprendre les porte-à-porte dès la rentrée afin de défendre sur le terrain un bilan dont il est visiblement très fier.

Ellen Salvi


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