« Un débat d’intérêt général majeur » : poursuivie pour diffamation envers des gendarmes, Assa Traoré a été relaxée

mercredi 7 juillet 2021.
 

Dans une tribune intitulée « J’accuse », la sœur d’Adama Traoré accusait nommément les trois gendarmes entre les mains desquels son frère est mort.

La nuit, Assa Traoré entend la voix de son frère. Dans ses rêves, Adama l’appelle pour lui donner des nouvelles des autres, ces absents qu’il a rejoints, leur père, leur cousine : « Il me dit que tout le monde va bien. » Le jour, Assa Traoré est la porte-parole lumineuse d’une famille « nombreuse et soudée » qui demande « justice et vérité » pour celui qui manque. De Lille à Reims, en passant par Rennes ou Le Havre, elle raconte l’histoire de son petit frère, Adama, mort asphyxié un soir de canicule, jour anniversaire de ses 24 ans, dans la cour de la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise, ventre à terre, mains menottées dans le dos.

Assa Traoré l’avait dit à la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le 7 mai dernier : « Ce texte, je l’assume. » Elle le peut d’autant plus que la justice le lui permet, en la relaxant ce jeudi 1er juillet, en considérant que cet écrit n’avait rien de diffamatoire. Une lettre qu’elle avait publiée sur Facebook en juillet 2019, trois ans après la mort d’Adama Traoré sur le sol de la gendarmerie de Persan, où elle faisait la liste de tous ceux qui avaient entravé la justice sur le chemin de la vérité. Les gendarmes, qui n’avaient pas apprécié de voir leurs noms cités, avaient déposé plainte pour diffamation contre la jeune femme de 36 ans, mère de trois enfants.

Le « J’accuse… ! » d’Assa Traoré devant le tribunal de Paris

Le tribunal a estimé lui, que le sujet traité par « les propos litigieux » est « d’intérêt général », puisqu’il touche « à la question du fonctionnement des institutions et des services publics ». L’objet de la tribune, construite sur le modèle du texte d’Emile Zola, « dans son ensemble et au-delà même des accusations portées contre les gendarmes, étant de critiquer les méthodes policières et d’assistance aux personnes puis le déroulement de la procédure judiciaire destinée à faire la lumière sur les circonstances du décès d’Adama Traoré », expliquent les juges dans leur motivation.

« Une dimension dépassant le cas particulier »

Les magistrats ont rappelé aussi que le combat d’Assa Traoré n’est pas seulement celui d’une famille, mais qu’il embrasse bien une cause : "« Il convient de préciser à cet égard qu’au moment où Assa Traoré publie son texte, en juillet 2019, à la date anniversaire de la mort de son frère, qui correspond aussi à la date de sa naissance, cette affaire avait déjà pris une dimension dépassant le cas particulier, au vu de son retentissement national et international. »"

Assa Traoré, une « machine de guerre » pour Adama

Adama Traoré, 24 ans, est mort le 19 juillet 2016 lors de son interpellation à Beaumont-sur-Oise. Quatre ans après, sa grande sœur Assa continue de porter le combat. Revenue dans la lumière avec la gigantesque mobilisation devant le TGI de Paris, « l’Obs » republie son portrait réalisé en 2016.

Elsa Vigoureux


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