Débat du PCF : Pour un parti anticapitaliste qui remplacerait le Parti Communiste

jeudi 6 septembre 2007.
 

« Un chapitre de l’histoire du communisme français s’est terminé. »

Dans plusieurs contributions (Hayot, Martelli, Bessac, Lefort, Boccara ) revient l’appréciation que nous sommes arrivés à la fin d’un cycle politique qui aurait débuté selon les uns en 70 et pour d’autres en 80. Ce cycle d’alternance gauche/droite a été marqué par l’hégémonie du PS au sein de la gauche française, par les échecs successifs du programme commun, de la gauche plurielle et évidemment par la dégringolade électorale du PC. Sa délimitation temporelle mérite d’être interrogée car il n’est que la conséquence logique des fondamentaux qui ont été progressivement établis au sein du mouvement révolutionnaire au cours des 30 années qui suivirent la fin de la deuxième guerre mondiale (en France, les trente glorieuses). Ce cycle court s’inscrit en fait dans un cycle historique allant de 1945 au début des années 2000. Sous réserve que cette présentation diachronique soit validée, je crois donc beaucoup plus pertinent de prendre en compte une plus longue période et de retenir l’avis de MGB « qu’un chapitre de l’histoire du communisme français s’est terminé ».

Un cycle historique qui s’achève

Au cours de ce long cycle, les communistes ont d’abord puisé dans le marxisme de la révolution d’octobre puis dans ses formes les plus dévoyées, en particulier celle stalinienne : rôle dirigeant de la classe ouvrière considérée comme seule classe révolutionnaire jusqu’au bout ; parti communiste à l’avant-garde de cette classe ; capacité affirmée de ce parti à définir une orientation juste grâce à une théorie déclarée scientifique ; centralisme démocratique au sein de cette avant-garde politique pour en assurer l’unité et l’efficacité ; conception téléologique de l’histoire avec la succession mécaniste des modes de production ; suppression tendancielle des contradictions dans la société socialiste ; irréversibilité du socialisme (pas de retour en arrière) s’accompagnant de la fusion à terme dans un parti unique du réformisme et de la révolution, sous la houlette des communistes. C’est au cours de cette longue période que sous l’influence du marxisme d’Etat, notre pensée a été influencée par : l’étatisme, le collectivisme, le nationalisme et le productivisme. Ce cycle a été celui de l’échec historique du « socialisme réel » et c’est durant cette longue période que nous avons d’abord nié le totalitarisme stalinien puis sous estimé gravement les traces profondes qu’il avait laissées dans toute la société soviétique, avant d’en prendre tardivement conscience et enfin d’avoir été pris de court par l’implosion de ce système. Il existe sur ces sujets une abondante littérature avec des travaux de chercheurs aucunement suspects de malveillance à l’égard du PCF.

Des tendances lourdes

C’est au sein des ces tendances lourdes que s’inscrit le déclin électoral du PCF que Le Pollotec Yann analyse très en détail. Ce déclin aurait-il été inéluctable quoiqu’aient pu faire les directions successives du parti ? Je suis bien incapable de répondre à cette question. Ce dont je suis sur en revanche, c’est que les directions ont contribué à accélérer ou ralentir le processus de dégradation. De ce point de vue, l’aire Marchais a été calamiteuse, suivie de la tentative avortée de rebondir au cours de la période Hue en raison d’une propension prononcée à se limiter au relookage. Enfin, une plus seine réaction avec l’équipe menée par MGB, fondée sur un authentique travail de rénovation théorique. Mais il était trop tard, ce qui explique peut-être la gestion paniquée de l’épisode antilibérale.

3 attitudes possibles

Face à ce constat, 3 réactions sont prévisibles :

1- La tentative révolutionnaire serait désormais vouée à l’échec. Il faudrait s’en tenir à la contestation de la part la plus sauvage du capitalisme. Nous pourrions exister au mieux comme une tendance de gauche du PS. Il ne faudrait pas que les communistes qui se laisseraient tenter par cet abandon s’obstinent à interférer dans le débat.

2-la négation et le refoulement. C’est une réaction courante lorsque confrontés à de pénibles réalités on cherche à se protéger en recourant à des diversions : tout s’expliquerait par les erreurs des directions et les dérives idéologiques. Il faudrait revenir au corpus théorique, pratique, historique du communisme. L’expression la plus caricaturale de cette attitude est donnée dans le texte L’avenir du PCF : réformisme ou marxisme - La Riposte, mais chez André Gérin (Gérin André) ce n’est pas mal non plus. Je conçois qu’on puisse ainsi conserver un potentiel de militants déterminés qui contestent intelligemment l’ordre social dominant. C’est ce que font avec une efficacité certaine les militants de la LCR. Mais, plus question dans ces conditions d’espérer pouvoir changer la société. Ce que je crains, c’est que beaucoup de communistes s’accrochent par nostalgie à cette bouée de sauvetage factice et que le débat finisse par s’enliser.

3- La seule démarche qui selon moi soit porteuse d’espoir serait de construire une nouvelle cohérence autour de deux principes fondateurs : le dépassement du capitalisme (abolition/remplacement) et l’articulation du combat anticapitaliste aux luttes contre toutes les formes d’exploitation, d’oppression, de domination et d’aliénation. C’est délibérément que je ne retiens pas le vocable « communiste ». Je sais que pour certains, elle aurait l’avantage de bien signifier la radicalité de la suppression. Je crois au contraire qu’elle est contre-productive. Bien que par essence « le dépassement » au sens marxiste du terme soit révolutionnaire, on peut, si c’est vraiment utile, accoler les deux mots en précisant bien qu’il s’agit d’un processus graduel et non univoque (accélérations, reculs, seuils et ruptures) de transformations révolutionnaires, pacifiques et démocratiques. J’insiste sur les deux derniers termes car ils renvoient à la question des pouvoirs et à leur accession par un « processus conscient et majoritaire dont les formes ne peuvent pas être définies à l’avance » (33ème congrès).

Le nœud du débat

Pour construire cette nouvelle cohérence, je crois qu’il faut puiser dans plusieurs sources et faire appel à plusieurs expériences. Il y a les apports théoriques d’un communisme refondé et d’une histoire des communismes totalement réinterrogée, la culture de paix et de non violence des pacifistes, le féminisme militant, la radicalité anticapitaliste, le pragmatisme du socialisme de gauche et républicain, les contestations vivifiantes des altermondialismes, les questionnements inédits de mouvements écologistes et anticonsuméristes. Il ne s’agit pas pour autant de réaliser un métissage idéologique indifférencié mais de mettre en cohérence cet ensemble hétéroclite et donc de faire des choix en fonction des deux principes fondateurs énoncés plus haut. Je ne prends qu’un seul exemple : Autant je crois nécessaire de critiquer les logiques productivistes qui sont consubstantielles à l’essor du capitalisme et qui furent à l’œuvre au sein du « socialisme réel », autant les théories de la non-croissance formulées par certaines mouvances alternatives me semblent irrecevables. Ce qu’il faut approfondir c’est le concept de développement soutenable, durable et solidaire. Des considérations analogues s’appliquent à la question des énergies, où les a priori antinucléaires ne devraient pas avoir leur place. Je vois aussi des débats sur les questions du marchand et du non-marchand (en particulier la gratuité), de l’appropriation sociale et non étatique, du partage et de la création de nouvelles richesses à des fins sociales, du rapport entre économie administrée (secteurs publics nationalisés) et économie sociale et solidaire, des articulations entre : global/local, pouvoirs institutionnels/contre-pouvoirs, individu/collectif,. Et certainement, bien d’autres questions qui m’échappent.

Rouge est notre couleur

Compte tenu des problématiques que pose la construction de cette nouvelle cohérence révolutionnaire, ce travail ne peut pas être réalisé par le seul parti communiste. A cela il faut ajouter l’état dans lequel nous nous trouvons (déclin électoral, pertes militantes, crédibilité gravement amoindrie). Alors comment faire ? En l’état des débats, c’est encore assez confus pour moi. Est-il possible que nous prenions l’initiative de proposer des modalités pour accomplir ce travail ? Ce pourrait être des espaces de confrontation où chacun viendrait disposant des mêmes droits qu’il soit mandaté ou pas par une organisation. Cette construction devrait déboucher sur un parti car en l’état actuel cette forme reste selon moi la plus efficace. Ce parti remplacerait le parti communiste actuel. Ce serait un parti de gauche anticapitaliste, un parti révolutionnaire excluant toute alliance électorale avec le centre et le social-libéralisme mais ouvert à d’éventuel accords avec la frange ( ?) social-démocrate traditionnelle. Si nous voulons agréger des (et pourquoi pas « les ») : communistes, pacifistes, féministes, socialistes de gauche et républicains, altermondialistes, écologistes, il faut immédiatement annoncer la couleur et dire que ce sera toujours le R.O.U.G.E (révolution, ouverture, unité, gauche, espoir), sans pour autant que ce parti s’appelle communiste.

Roger Hillel, communiste des Pyrénées-Orientales


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