Scandale de l’AAH : le symbole de l’inhumanité en marche

samedi 26 juin 2021.
 

Il y avait eu le refus de prolonger le nombre de jours de congés pour un parent lors du deuil de son enfant, il y aura désormais le refus de déconjugaliser l’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Ce jeudi 17 juin 2021, le groupe parlementaire de La République en Marche (LREM) a une nouvelle fois étalé son inhumanité à l’Assemblée nationale. Seul contre tous les autres groupes parlementaires, LREM a imposé la procédure du vote bloqué passant en force contre le consensus de l’ensemble des groupes de gauche, de droite et du centre. Un scandale démocratique et moral. L’inhumanité en marche. Déconjugaliser l’allocation adulte handicapé (AAH) pour permettre aux personnes en situation de handicap ou atteintes du VIH de retrouver leur autonomie financière

L’Assemblée nationale examinait ce jeudi 17 juin 2021 en deuxième lecture une proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Parmi ces mesures, l’article 3 prévoyait la « déconjugalisation » de l’allocation adulte handicapé (AAH). Actuellement, les personnes en situation de handicap ou atteintes du VIH qui sont en couple doivent renoncer à leur allocation d’autonomie. Ce système les place en situation de dépendance financière par rapport à leur conjoint ou leur conjointe.

Déconjugaliser cette allocation, c’était permettre aux personnes en situation de handicap ou atteintes du VIH de pouvoir retrouver leur autonomie financière, et s’émanciper. Personne ne devrait avoir à choisir entre son autonomie financière et sa vie de couple, renoncer à se marier ou à se PACSer de peur de perdre ses ressources financières. C’était donc le sens de cette proposition de loi, issue d’un travail du groupe Libertés et Territoires, qui avait été adoptée en première lecture le 13 février 2020 par l’Assemblée nationale contre l’avis du gouvernement, puis le 9 mars 2021 par le Sénat.

La discussion au Sénat puis à l’Assemblée de la déconjugalisation de l’AAH est le fruit d’une mobilisation très importantes des associations. Une pétition citoyenne portée par les associations et les personnes concernées, relayée par La France insoumise, avait recueilli 108627 votes au Sénat et 30858 votes à l’Assemblée, forçant la macronie à se positionner sur cette mesure de justice sociale soutenue dès 2017 dans le programme de La France insoumise.

Le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) a donc repris à son compte ce texte en espérant qu’un vote conforme permette son adoption rapide à l’occasion de sa journée de niche parlementaire qui avait lieu ce 17 juin 2021, seule journée de l’année où un groupe parlementaire peut défendre ses propositions de loi en hémicycle. Mais dès le passage du texte en commission le 9 juin, le scandale s’avance. Le gouvernement introduit en effet en commission un amendement pour enlever du texte la déconjugalisation de l’AAH et la remplacer par un abattement forfaitaire. Un amendement adopté contre l’avis de… l’ensemble des autres groupes parlementaires. « L’informatique ne le permet pas »

La justification de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, est kafkaïenne : « l’informatique ne le permet pas ». On ne pourrait pas déconjugaliser l’Allocation Adulte Handicapée parce que… « informatiquement, on n’est pas prêts ». Une pirouette d’une incroyable lâcheté de la part de la secrétaire d’État censée défendre l’intérêt des 12 millions de personnes en situation d’handicap dans le pays.

Ce 17 juin, jour de la niche du groupe communiste, les députés étaient venus en nombre sur les bancs de l’hémicycle. Alors que l’examen du texte débutait à peine, Sophie Cluzel a provoqué une déflagration dans l’hémicycle en annonçant que le gouvernement demandait une réserve de vote sur cet article 3. Cette procédure permet au gouvernement de reporter à plus tard un vote : les amendements sont débattus, mais votés ultérieurement (au plus tard au moment du vote sur l’ensemble du texte). Une procédure permettant aux députés LREM d’éviter une série de scrutins publics leur demandant de s’afficher concrètement contre la déconjugalisation de l’AAH. « Une atteinte très grave à la démocratie parlementaire », « un portefeuille à la place du coeur » : tollé à l’Assemblée, l’ensemble des groupes quittent l’hémicycle

Quelques minutes plus tard, la secrétaire d’État annonce que l’article 3 fera l’objet… d’un vote bloqué. Cette procédure, prévue à l’article 44 de la Constitution, permet au gouvernement de verrouiller le contenu d’un article ou d’un texte. Il n’y a qu’un seul vote « package » : le gouvernement fait son marché et choisit les articles et éventuels amendements qu’il accepte. En l’espèce, sur l’article tel que voté en commission (avec l’abattement forfaitaire) non amendé. Contre l’avis de l’ensemble des groupes parlementaires de gauche, de droite et du centre.

C’est le tollé général sur les bancs de l’Assemblée. « S’il y avait un débat parmi les assos, une controverse parmi les personnes handicapées, on pourrait comprendre. Mais il y a pas de débat ! Pas de controverse ! Il y a l’unanimité ! Alors vous êtes qui pour parler à leur place ? » tacle le député Stéphane Peu (PCF). La révolte est partagée de l’autre côté de l’hémicycle sur les bancs de la droite : « Vous essayez de défendre l’indéfendable. Opposer la solidarité familiale à la solidarité nationale est inacceptable, des milliers de familles attendent la déconjugalisation de l’AAH » tance de son côté le député Ian Boulard (LR).

Le député insoumis François Ruffin (LFI) laisse lui aussi éclater sa colère : « Vous supprimez l’ISF, pérennisez le CICE, des dizaines de milliards pour les gâtés par la vie, c’est de « l’investissement ». Les 730 millions de l’AAH ? Ca devient « un coût très important ». Voilà la vérité nue : votre philosophie, c’est un portefeuille à la place du cœur ». Le Président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, André Chassaigne, s’emporte dans une colère noire « Vous êtes en train de porter une atteinte très grave à la démocratie parlementaire et j’en ai honte pour vous ». L’ensemble des groupes se lève. Scène suffisamment rare pour être soulignée : les deux côtés de l’hémicycle debout ensemble pour dénoncer l’inhumanité du gouvernement. Avant de quitter tous ensemble l’hémicycle. Laissant seuls les députés macronistes. Seuls face à leur inhumanité.

Par Pierre Joigneaux.


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