Dupont-Moretti ministre... Une erreur de casting !

jeudi 10 juin 2021.
 

Député insoumise de l’Ariège, Bénédicte Taurine participait à une action organisée par la confédération paysanne à pôle emploi. En l’apprenant, le cabinet du préfet de police Lallement pris directement en main la conduite des opérations sur le terrain. Un « policier » se senti autorisé à (obligé de ?) brutaliser plus spécialement la députée insoumise en la jetant à terre. Puis d’autres la frappèrent. Impossible pour eux de ne pas avoir su de qui il s’agissait. Au demeurant, elle était ceinte de son écharpe tricolore. C’est un signal parfaitement connu et reconnu. D’ailleurs les commissaires de police en ont l’usage comme les parlementaires et les élus locaux. Le procédé barbare consistant à frapper une député femme pour la jeter à terre ne sera pas davantage enquêté ni suivi d’aucune sanction, si minime soit-elle, comme l’ont été auparavant les 32 éborgnements provoqués par des tirs tendus de grenades policières.

L’impunité de l’antiparlementarisme actif des milieux policiers vient de haut. Interrogé par Eric Coquerel, le garde des Sceaux Dupont-Moretti lui a répondu que les députés n’avaient « aucun droit d’entraver une action de police ». On reconnaît le bravache à ses peurs. Dupont-Moretti craint les organisations policières. Il a d’ailleurs été contraint d’introduire en dernière minute dans sa prétendue loi pour établir la confiance dans la Justice des dispositions directement tirées du catalogue de revendications anti-justice de ces organisations. Il a craqué. Il est vrai que la manifestation des factieux devant l’Assemblée venue là parce qu’il présentait sa loi sur la Justice était glaçante, comme a dit madame Pulvar. Au point de lui faire oublier un point de droit très banal : dans la hiérarchie des normes, un policier n’a aucun droit d’entraver l’action d’un parlementaire. Mais Dupont Moretti fait-il encore du droit ? En a-t-il jamais fait ?

Il faut lire l’appréciation qu’en a donné son collègue François Saint-Pierre, avocat depuis 1985, dans une interview au journal Marianne.

Marianne : Quel regard portez-vous sur Éric Dupond-Moretti ?

François Saint-Pierre : (…) En choisissant Éric Dupond-Moretti garde des Sceaux, Emmanuel Macron a fait un choix dangereux et purement politique. Il parie sur le fait que la figure de « beauf » de Dupond séduira les électeurs de Marine Le Pen… Mais le poste de ministre de la Justice est un poste à très haute responsabilité ! Il est le garant de l’indépendance de la Justice, il est celui qui promeut l’institution judiciaire et c’est lui qui défend les droits fondamentaux. Emmanuel Macron aurait dû se poser la question : Éric Dupond-Moretti en est-il capable ? À mon sens, il ne coche aucune des cases pour remplir ces missions…

Quelles « cases » ?

D’abord, il ne coche pas la case « compétence ». Tous les avocats comme moi qui l’ont fréquenté de près le savent bien. Dupond est un bon plaideur d’assises, mais il n’a tout simplement pas le niveau en droit. Il n’y connaît rien en droit public, rien en droit civil… Et finalement pas grand-chose en droit pénal. Il ne coche pas non plus la case « comportement ». Le sien est totalement inapproprié. À mes yeux, sa grossièreté est incompatible avec sa fonction.

Avez-vous un contentieux avec lui ?

Non. Pas plus que d’autres. Quand il était avocat, il faisait ce qu’il voulait, se comportait comme il voulait, cela ne me gênait pas, le métier d’avocat est un métier de liberté. Mais ministre, un tel personnage est impossible. La dernière fois que je me suis retrouvé dans un prétoire avec lui, je défendais des policiers et lui d’autres policiers au procès les opposant à Jean-Luc Mélenchon à la suite de la perquisition mouvementée au siège de la France Insoumise. À la barre, Mélenchon s’est défendu avec vigueur et fermeté. Dupond, lui, s’est emporté. Ses propos m’ont choqué : « mes couilles », « tête de nœud », « pauvre con », disait-il en s’adressant à Mélenchon. À mon sens, un avocat qui se comporte de cette façon ne peut pas devenir ministre de la Justice. C’est aussi simple que cela.

Une erreur de casting…

Oui, le jour de sa nomination, j’ai tout de suite pensé à l’erreur de casting. Je me suis tout de suite dit, le connaissant, c’est une aberration. Dans un premier temps, il a essayé de lisser un peu son image, de faire attention, mais le naturel a très vite repris le dessus. Il est capable de gros dérapages. Au Parlement, rares sont ceux qui osent s’y frotter. Ceux qui s’y sont risqués, comme Laurence Rossignol ou Ugo Bernalicis, ont écopé en retour de propos d’une grossièreté inacceptable. (…) Au fil des années, il a fini par se croire tout permis. Cela a façonné son personnage.

Comment jugez-vous son action de garde des Sceaux ?

Une succession d’échecs. Depuis qu’il a été nommé, tous ses textes ont été recalés. Le Conseil constitutionnel a annulé ses bracelets électroniques pour les terroristes libérés, puis le conseil d’État a rejeté ses propositions de visioconférence pour le procès Charlie Hebdo. Il a aussi touché à la grande loi de 1881 sur la liberté de la presse en voulant faire passer en comparution immédiate les auteurs de propos racistes et homophobes. Si en matière de délits de presse, la loi de 1881 prévoit que ces délits ne doivent pas être jugés en comparution immédiate, c’est qu’il y a de bonnes raisons à cela ! Ce gouvernement porte gravement atteinte aux libertés individuelles. Dupond, reniant tout ce qu’il a toujours dit qu’il était, s’est parfaitement aligné dans l’axe de Darmanin et Lallement… À eux trois, ils font trois bonnes raisons de ne plus voter Macron (…)


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