Tous les décideurs politiques devraient suivre et lire avec attention les études scientifiques.
Ils nous fournissent une matière fondamentale pour éclairer au mieux l’ère d’incertitude écologique globale dans laquelle nous sommes entrés.
Je m’y astreins donc au mieux. Il faut toutefois être honnête : le travail de synthèse et d’alerte mené par les associations environnementales est souvent un gain de temps précieux. l Ils nous fournissent une matière fondamentale pour éclairer au mieux l’ère d’incertitude écologique globale dans laquelle nous sommes entrés.
En résumé, les nouvelles ne sont pas très encourageantes depuis de nombreuses années. Mais ces derniers temps, elles s’empilent vitesse grand V. Tous les grands cycles de la nature sont perturbés. Nous sommes au seuil de multiples points de bascule. La concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint un taux qui n’a pas eu de précédent depuis 5 millions d’années. A terme, le risque majeur est celui d’une inversion du cycle du carbone. En effet, les principaux moteurs de la régulation climatique, appelés « puits de carbone », sont déjà au bord de l’asphyxie. Les forêts, « poumons verts » de la planète, comptent parmi les points de bascule potentiels majeurs. Ainsi, l’Amazonie brésilienne émettrait désormais plus de CO2 qu’elle n’en absorbe.
Mais l’état de nos poumons bleus – je parle des océans – est tout aussi préoccupant. « Nous sommes au bord du gouffre ». Voilà le résumé fait par un collectif de plus de 600 associations du monde entier sur l’état des océans. Ils ont produit fin avril un rapport de synthèse de la littérature scientifique récente en la matière. Toutes les études qu’ils recensent sont comme un faisceau d’indices concordants sur l’ampleur du désastre.
La surpêche n’est pas la seule cause du déclin de la vie marine. En effet, les océans sont devenus un déversoir de pollutions de toutes sortes : substances chimiques, pesticides, produits pharmaceutiques, métaux lourds ou encore déchets plastiques. L’ensemble de la chaîne alimentaire marine est contaminée. Au total, 690 espèces pâtissent du plastique, au point pour certaines d’être dénutries à force d’en ingérer. D’autres ne peuvent plus se reproduire ou changent de comportement sous l’effet des pesticides et perturbateurs endocriniens. Les effets se mesurent jusqu’à 10 kilomètres sous la surface et jusque dans les plus petits échantillons de krill de l’océan Austral. Dans certains cas, ils peuvent perdurer sur plusieurs générations d’animaux.
Or, tout ce qui se trouve dans la mer finit par nous revenir sous une forme ou une autre, sur nos plages, dans nos assiettes ou par la pluie sur nos têtes. D’autant que la concentration de ces polluants s’amplifie à mesure qu’ils remontent dans la chaîne alimentaire. Cela impacte déjà la santé humaine, notamment celle des habitants des petits États insulaires dont le régime alimentaire est riche en fruits de mer et en poissons gorgés de mercure. Par exemple, en 2017, les autorités américaines ont mis en garde les femmes en âge de procréer contre la consommation de certains poissons.
Mais la pollution des océans n’est que la moitié du problème. En effet, les conséquences concrètes du changement climatique affectent aussi la vie marine et la capacité des océans à stocker du carbone. Un rapport de l’Unesco estime que les océans risquent de bientôt contribuer à l’effet de serre.
Je résume le mécanisme simplement. D’une part, la composition chimique des océans se modifie à mesure que la concentration de dioxyde de carbone (CO2 ) dans l’atmosphère augmente. D’autre part, la hausse globale des températures accélère la fonte des glaces. Entre 1994 à 2017, la fonte des glaciers et banquises s’est accélérée de 65%. L’Antarctique pourrait même atteindre un point de non-retour en 2060. Cela fait monter le niveau de la mer et modifie la densité de l’eau. De fait, les courants océaniques, sortent de tapis roulants géants de brassage des eaux chaudes et froides, ralentissent. Ainsi, le Gulf Stream n’a jamais été aussi faible depuis 1 000 ans.
En conséquence du réchauffement climatique, les océans deviennent plus acides, plus chauds et leur teneur en oxygène diminue. Mécaniquement, le milieu devient plus hostile pour des milliers d’espèces. On observe déjà des « zones mortes » dépourvues d’oxygène. Surtout, ces changements de paramètres risquent d’amplifier les effets de la pollution. Selon le rapport, cela va augmenter l’exposition et l’accumulation des contaminants dans toute la chaîne alimentaire marine. En clair, pollutions et conséquences du changement climatique produisent un effet cocktail nocif. La boucle est bouclée.
Toutes ces données confirment le caractère global du cycle de l’eau. Ainsi, le peuple humain se définit par sa dépendance absolue à des biens communs au bord de l’asphyxie. Nous avons donc un intérêt collectif à agir pour défendre l’océan mondial. Sa préservation et sa dépollution illustrent concrètement le besoin d’une coopération mondiale et d’un droit international contraignant pour rompre avec les activités économiques dévastatrices. Tel est le sens de la diplomatie écologique universaliste pour laquelle je plaide.
La France pourrait jouer un rôle actif dans les négociations pour un traité international de protection des grands fonds marins. Elle pourrait aussi plaider pour la création d’un traité international de dépollution des océans. Au lieu de cela, Macron vante les mérites de la finance verte au Sommet Climat de Biden et la majorité LREM approuve une coquille vide en guise de loi Climat nationale dans laquelle le mot « océan » est absent. La nouvelle formule de la ministre Pompili résume à elle seule leur vision réduite aux petits gestes individuels et à la culpabilisation de tous ceux qui s’y refusent : « faire de l’écologie comme on achète sa baguette de pain ». La France et les océans méritent mieux.
Date | Nom | Message |