Le report des régionales sonnerait comme un aveu d’échec de la stratégie sanitaire du gouvernement

mardi 13 avril 2021.
 

Votera ou votera pas ? Prévues pour les 13 et 20 juin, les élections régionales (et départementales) sont toujours sur la sellette. Le Covid a bon dos quand il s’agit de reporter un camouflet électoral.

Nouveau coup de bluff d’Emmanuel Macron qui découvre soudainement les vertus de la concertation. La perspective de l’échéance électorale des départementales et les régionales, qui s’annonce catastrophique pour le pouvoir en place, semble inquiéter le président de la République. Et alors qu’il se trouve un large consensus politique en faveur du maintien du scrutin de juin prochain, à l’exception du Modem – parti allié des marcheurs – qui est favorable au report, le gouvernement a décidé d’engager une consultation des élus locaux via les préfectures. « Le Gouvernement orchestre une manœuvre de report des élections régionales ! C’est proprement scandaleux ! », a ainsi tweeté la cheffe de file de la gauche et des écologistes dans les Hauts-de-France, Karima Delli. Ce retournement de situation indigne l’opposition. Et à raison. Comme le communique l’Association des Maires de France (AMF) : « Cette consultation précipitée, du vendredi soir pour le lundi matin, ne nous paraît pas appropriée pour traiter une question de cette importance ».

En effet, comment comprendre ce retournement de situation alors que le gouvernement, dans le même temps, envisage une réouverture des écoles à la fin du mois d’avril ? Comment comprendre ce possible report d’une échéance électorale, d’un temps démocratique nécessaire, si la réouverture des lieux de culture, des cafés/restaurants et des commerces, est envisagée pour la mi-mai ? Enfin, comment comprendre cette nouvelle donne alors même qu’Emmanuel Macron s’est engagé à vacciner près de 30 millions de citoyens avant la fin du mois de juin ? Comme l’affirme le communiqué de l’AMF : « Un second report de ce scrutin scellerait un échec de la protection sanitaire dont l’État a seul la charge, comme il n’a pas manqué de le rappeler depuis le début de la crise ». En réalité, le gouvernement cherche à faire passer pour une mesure de protection sanitaire ce qui correspond à un agenda essentiellement politique, parce que les objectifs affichés en matière de politique sanitaire ne seront pas atteints en juin prochain. Sans doute le gouvernement espère-t-il tirer profit d’une situation sanitaire plus favorable à la sortie de l’été.

Pourtant, Emmanuel Macron ne ménage pas ses efforts pour nous assurer de sa combativité. Après le « vacciner, vacciner, vacciner » de l’allocution présidentielle du 31 mars dernier, voici venu le tour du « produire, produire, produire », comme il l’a tweeté ce week-end pour vanter le savoir-faire français et la nécessité de « renforcer notre souveraineté industrielle et sanitaire ». La logique n’eut-elle pas consisté à produire, produire, produire, avant de vacciner, vacciner, vacciner ? D’autant que comme le rappelle le commissaire européen, Thierry Breton, vendredi dernier au micro de France Info : « La difficulté, c’est la production industrielle ». Pourquoi ne pas l’avoir anticipé ? Nous n’en sommes plus à une incohérence près. Et pourtant, voilà bientôt plus de six mois que les oppositions de gauche appellent le gouvernement à mettre l’outil de travail au service de la production. Les syndicalistes de Sanofi en particulier n’ont cessé de le dire depuis plusieurs mois. Alors que leurs emplois sont menacés (400 emplois supprimés en France dans le secteur de la recherche), Jean-Louis Peyren (CGT Sanofi) prévenait dans #LaMidinale du 19 janvier dernier : « On a des capacités de production qui dorment et qu’il faut réquisitionner ». Qu’ont-ils attendu ?

Aux retards et autres erreurs de stratégie du gouvernement, il faut ajouter les impensés politiques et de communication. Alors que seulement 25% des vaccins AstraZeneca ont été livrés en Europe, l’Union européenne, par la voix de son commissaire français s’interroge, l’air niais. « Nous sommes en train de regarder pourquoi », lance Thierry Breton. Ce « nous sommes en train de regarder » tonne comme un aveu d’échec. Pire : une humiliation. Les laboratoires ont pris le pouvoir et laissent les États assurer le service après-vente d’un vaccin qu’il ne connaisse pas. Chacun y va de sa petite doctrine. Les règles et les usages d’application en fonction des âges, sont différents d’un pays à l’autre. Pas de quoi redonner confiance même si près de 40% des britanniques ont reçu leur injection d’AztraZeneca. L’Europe a cédé là où elle aurait dû imposer aux laboratoires d’engager leur responsabilité à la fois sur les protocoles d’utilisation mais aussi sur les effets indésirables des vaccins. Les États ont contribué financièrement à la recherche et au développement des vaccins et dans le même temps, c’est les États qui endossent les risques. Les labos se frottent les mains. Et s’en mettent plein les poches.

Reste qu’en France, alors que partout ailleurs les pays européens ont respecté leurs calendriers électoraux, c’est la démocratie qui risque s’en trouver plus affaiblie encore.

Pierre Jacquemain


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