Nucléaire : Montebourg s’en prend à Mélenchon avec une fake news

dimanche 21 mars 2021.
 

Ce mardi 16 mars, Arnaud Montebourg, potentiel candidat à la présidentielle, a choisi d’attaquer le candidat le mieux placé à gauche pour 2022, Jean-Luc Mélenchon. L’ancien ministre de François Hollande a choisi pour ce faire de défendre le nucléaire… et de propager des Fake news.

En pleine semaine de commémoration des 10 ans de la catastrophe nucléaire de Fukushima, la veille de l’ouverture en France du procès d’un lanceur d’alerte sur le nucléaire, alors que cette énergie représente un danger et un coût exorbitant sur tous les plans pour notre pays. Notre article. Une attaque contre le candidat le mieux placé à gauche pour 2022

Arnaud Montebourg s’est pris les pieds dans le tapis. Heureusement, l’ancien ministre de François Hollande n’a pas trébuché sur des déchets radioactifs. L’un des potentiels candidats socialistes à la présidentielle a voulu se « payer » celui qui est aujourd’hui le mieux placé à gauche pour 2022 : Jean-Luc Mélenchon. Sujet de l’attaque ? Le nucléaire.

L’ancien ministre du redressement productif a choisi de relayer sur Twitter une attaque de la CGT Fessenheim contre le leader des insoumis, connu depuis des années pour son engagement contre le nucléaire. L’utilisateur du compte twitter CGT Fessenheim, du nom de la centrale nucléaire alsacienne, dont deux réacteurs ont été définitivement arrêtés l’année dernière, de menacer le Président des insoumis à l’Assemblée d’une coupure de courant.

Arnaud Montebourg a donc choisi de relayer l’attaque contre le leader des insoumis, en y ajoutant quelques caractères : « Nous avons fermé la centrale nucléaire de Fessenheim pour acheter de l’électricité aux centrales à charbon allemandes. L’urgence c’est l’extinction du charbon et pétrole pour diminuer les émissions européennes de CO2. Et nous avons besoin du nucléaire pour cela. ». Étrange timing choisi par l’ancien ministre de François Hollande pour faire du lobbying pro nucléaire. Arnaud Montebourg choisit la semaine des 10 ans de la catastrophe nucléaire de Fukushima pour… défendre le nucléaire

La semaine dernière avait lieu la commémoration des 10 ans de la catastrophe nucléaire de Fukushima, alors que les opérations de démantèlement de la centrale sont toujours en cours, la piscine numéro trois devant être démantelé ce mois-ci. On parle de la deuxième catastrophe nucléaire de l’histoire, ayant causé plus de 2 000 décès. Pas la peine de rappeler aux lecteurs de l’insoumission les images d’horreurs des corps radioactifs et des 60 000 décès suite à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Peut-être qu’Arnaud Montebourg et ses équipes pourraient regarder la série Chernobyl, pour se rafraîchir la mémoire sur l’horreur qu’ont enduré les habitants de la région.

Ce mercredi 17 mars 2021 s’ouvre également le procès de Gilles Reynaud, salarié sous-traitant du nucléaire. Interrogé le 17 mai 2018 par la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires de l’Assemblée nationale, Gilles Reynaud avait témoigné sous serment des conditions de travail dans cette industrie. À la suite de cette audition, Gilles Reynaud a été mis à pied par son entreprise, Orano. Motif ? Avoir mis en lumière les défaillances structurelles de l’industrie nucléaire. Les sous-traitants du nucléaire réalisent plus de 80% des activités de maintenance et de gestion des déchets, le nucléaire « low-cost » comme l’appelle Gilles Reynaud, et sont les plus exposés au risque de radioactivité. Ces sous traitants n’ont pas de convention collective ni aucune protection spécifique. Gilles Reynaud a saisi le Conseil des prud’hommes de Nanterre pour contester sa mise à pied. L’audience a lieu ce mercredi 17 mars.

Arnaud Montebourg reprend une Fake news du lobby nucléaire sur la fermeture de la centrale de Fessenheim

Le timing choisi par Arnaud Montebourg est donc pour le moins osé. Mais au delà de l’agenda politicien de cette attaque contre Jean-Luc Mélenchon, les arguments avancés par Arnaud Montebourg ne tiennent pas la route. L’ancien ministre de François Hollande affirme : « Nous avons fermé la centrale nucléaire de Fessenheim pour acheter de l’électricité aux centrales à charbon allemandes. L’urgence c’est l’extinction du charbon et pétrole pour diminuer les émissions européennes de CO2. Et nous avons besoin du nucléaire pour cela. » Pourtant, en Allemagne comme en Europe, ce sont bien les énergies renouvelables qui ont la priorité. En Allemagne, les énergies renouvelables ont déjà devancé le charbon. Une note du parlement européen établit même que le nucléaire produit un effet de dépendance au charbon. La construction de nouvelles centrales nucléaires conduit à un effet de dépendance au charbon sur 10 à 20 ans le temps que les nouvelles centrales remplacent celles au charbon. Coup dur pour Arnaud Montebourg.

L’ancien ministre de François Hollande reprend une Fake news du lobby nucléaire : « Nous avons fermé la centrale nucléaire de Fessenheim pour acheter de l’électricité aux centrales à charbon allemandes ». Le lobby nucléaire suggère en effet que Fessenheim serait « remplacée » par la centrale à charbon de Datteln 4 en Allemagne, fraîchement inaugurée, jouant sur le cliché des Allemands qui quitteraient le nucléaire pour « relancer » le charbon. La mise en service de la centrale de Datteln est en réalité l’arbre qui cache la forêt de l’évolution du paysage énergétique allemand et européen, où le charbon est désormais largement devancé par les renouvelables. Une vingtaine de projets de centrale à charbon ont été annulés outre-Rhin et les énergies renouvelables, qui représentaient déjà 43% du mix électrique en 2019, y remplacent progressivement non seulement le nucléaire, mais aussi les fossiles. Le nucléaire, une énergie extrêmement coûteuse sur tous les plans

Au-delà de l’interaction charbon-nucléaire, l’ancien ministre du redressement productif oublie : le coût faramineux que représente le nucléaire, le dangereux vieillissement du parc nucléaire français, l’immense problème des déchets radioactifs ou encore la perte drastique d’efficacité des centrales nucléaires du fait du réchauffement climatique. Le simple entretien des centrales existantes représenterait 100 milliards d’euros, sans compter les gabegies financières que représentent à eux seuls des fiascos comme l’EPR de Flamanville. Bouygues a été condamné pour travail dissimulé pour l’emploi de 460 travailleurs détachés polonais et roumains sur le chantier du réacteur. Un désastre humain et industriel sous perfusion d’argent public, taclé dans un rapport au vitriol de la Cour des Comptes. Orano a ainsi été renfloué à hauteur de 4,5 milliards d’euros par l’État, ED à hauteur de 3 milliards d’euros. Le coût de production de l’électricité produite par l’EPR s’établirait entre 110 € et 120 € le mégawattheure. Un prix deux fois supérieur à celui de l’électricité produite par les réacteurs nucléaires existants. Et trois fois supérieur au prix de l’électricité qui sera produite par le parc d’éolien en mer de Dunkerque (44 € / MWh). Autant d’argent qui n’est pas investi dans le développement des énergies renouvelables. La France est en retard dans le développement des énergies renouvelables : elle l’avant-dernière au niveau UE. Pour 2020, elle avait un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale alors que cette part n’atteignait que 17 %.

Autre point, et pas des moindres, l’épineux problème des déchets radioactifs. Aucune solution viable n’a été trouvée à ce jour. Le coût du projet de stockage des déchets nucléaires CIGEO est chiffré à 35 milliards. Du fait de cette addition salée, les énergies renouvelables coûtent aujourd’hui le même prix sinon moins cher. En effet, les coûts moyens du solaire photovoltaïque ont été divisés par 10 depuis 2009, ceux de l’éolien par 3,5. Autre problème fondamental : l’impact du réchauffement climatique sur le rendement des centrales nucléaires. Les arrêts de réacteurs se multiplient à cause des températures élevées et du débit insuffisant des fleuves. Le nucléaire devient de fait intermittent. D’autant que les pertes de production des centrales nucléaires sont considérables : leur rendement est seulement de 35% environ. Autrement dit, deux tiers de l’énergie produite réchauffent les fleuves, les mers et l’atmosphère.

Enfin, n’oublions pas non plus que contrairement à ce qu’affirme le lobby du nucléaire, nos centrales ne rendent pas à la France sa souveraineté énergétique : l’uranium est importé. Arnaud Montebourg peut choisir de fermer les yeux sur les conséquences de l’exploitation par nos multinationales de l’uranium sur le sol étranger. Mais la réalité est là : d’un côté les 3,5 milliards d’euros que représentent les exportations d’uranium par les deux filiales d’Areva au Niger, de l’autre le montant du PIB d’un des pays l’un des plus pauvres du monde : 5 milliards de dollars. L’économie du Niger repose à 49 % sur l’agriculture, ses exportations ne représentent que 756 millions de dollars, sa principale industrie est l’uranium… pillé par une multinationale française pour faire tourner nos centrales.

Voilà la triste réalité du nucléaire : une énergie extrêmement dangereuse, extrêmement coûteuse, rendue de plus en plus inefficace par le réchauffement climatique, par le vieillissement de nos centrales, reposant sur le pillage des pays les plus pauvres du monde. Il est grand temps de planifier la sortie du nucléaire.

Par Pierre Joigneaux.


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