Trappes : la trumpisation de la droite française

lundi 22 février 2021.
 

Ce sont les effets collatéraux d’une polémique emplie de ressentiment : le maire de Trappes, Ali Rabeh, se trouve maintenant sous protection rapprochée, la cellule Pharos ayant identifié une menace d’attentat contre lui.

C’est l’histoire d’une instrumentalisation politique par la droite et d’un emballement médiatique, dramatiques pour les habitants de Trappes et pour la paix civile. Élue de Sevran, ville qui a souvent fait l’objet de caricatures et dont on ne parle dans les médias quasiment que sous un jour négatif, je sais combien ce regard stigmatisant, fait de mensonges et d’outrances, est contre-productif. Il accroît les maux au lieu de contribuer à les résorber.

Oui, il y a des difficultés à Trappes et la parole d’un enseignant qui se dit menacé doit être très sérieusement prise en compte, a fortiori après l’assassinat de Samuel Paty. D’ailleurs, le maire de Trappes, Ali Rabeh, a très tôt demandé la protection de ce professeur, Didier Lemaire. Il est également partenaire de l’État dans la lutte contre la radicalisation, contrairement à son prédécesseur, et a par exemple accompagné un magnifique projet, la lecture de « Lettre à Nour » de Rachid Benzine, qui raconte l’histoire d’une jeune fille partie faire le djihad, repentie avant de mourir. « On n’a jamais aussi bien travaillé qu’avec Ali Rabeh contre le salafisme » : ce n’est pas moi qui le dis mais le préfet des Yvelines. Celui-ci ajoute : « Nous faisons dans la dentelle et voilà que Monsieur Lemaire arrive avec un bulldozer et saccage tout ».

Depuis une semaine, nous avons vu éclore des débats délirants, comme sur l’absence de coiffeurs mixtes à Trappes, ce qui est parfaitement faux, ou d’enfants de maternelle refusant massivement de chanter, ce qui est tout aussi faux. Surtout, Ali Rabeh se trouve maintenant sous protection rapprochée, la cellule Pharos ayant identifié une menace d’attentat contre lui. La liste des propos haineux et menaçants qu’il reçoit fait froid dans le dos : « Nous viendrons vous couper vos têtes de lard », « des milices armées se mettent en place » ou encore « le 11.43 aura le dernier mot ». C’est sur jeuxvideos.com que l’attaque est la plus frontale et violente : « J’ai envie de cogner du musulman jusqu’à la mort » et « le maire de Trappes ne sera très bientôt plus ». En revanche, Didier Lemaire reconnaît désormais, dans les médias et auprès des enquêteurs, qu’il n’a jamais reçu de menace de mort précise. Je rappelle qu’il est membre du Parti républicain solidariste, proche de la mouvance du Printemps républicain et qu’il écrit dans Causeur, une revue réactionnaire.

À quoi joue Valérie Pécresse ?

Pourtant, devant cette situation, Valérie Pécresse et Renaud Muselier de LR s’en prennent au maire de Trappes pour exiger sa révocation ! Ce qui serait en cause, c’est sa présence dans l’établissement scolaire pour distribuer une lettre aux élèves. Je l’ai lue : elle vise à dénoncer les « faits alternatifs » abondamment émis sur Trappes et à apaiser la situation. Valérie Pécresse reproche une prétendue « intrusion » dans l’établissement pour distribuer un « tract » alors qu’elle-même a introduit dans tous les manuels scolaires un texte et une photo d’elle, et que chaque lycéen ouvrant l’ordinateur remis par la Région tombe sur une vidéo de Valérie Pécresse. Chacun observera les priorités de la droite et le « deux poids, deux mesures ».

J’ai également noté que la présidente de région s’en était prise à la Défenseure des droits en racontant qu’elle voulait « imposer » le burkini dans les bases de loisirs. Ce qui est faux, la Défenseure des droits a juste rappelé le droit : interdire le burkini constituerait une discrimination. Par ailleurs, commencer à interdire des tenues dans l’espace public pose toutes une série de questions juridiques en chaîne qui touchent à la liberté et que l’on ne peut balayer d’un revers de la main.

Ayant grandi à Trappes comme Omar Sy, Nicolas Anelka ou Sophia Aram, Jamel Debbouze interpelle avec justesse : « Vous ne vous rendez pas compte du mal que vous faites ». J’ajoute pour conclure que la trumpisation de la droite, la vulgarité en moins, est des plus alarmantes. Si le rapport aux faits, à la vérité, devient aléatoire et instrumentalisé, que va devenir la démocratie ?

La présidente de la région Île-de-France doit soutenir un maire qui agit concrètement contre la radicalisation islamiste et se trouve menacé de mort. Diviser le pays ne nous aide pas dans la lutte contre le terrorisme islamiste et l’intégrisme religieux. Nous devons penser et agir avec la raison et le respect de chacun.

Clémentine Autain


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