L’arrivée des langues indo-européennes en Europe

mercredi 2 juin 2021.
 

La paléogénétique et la linguistique assistée par ordinateur livrent de nouveaux indices sur la diffusion des langues.

Avant que les langues indo-européennes ne conquièrent l’Europe, on y parlait notamment une langue apparentée au basque actuel, le vascon. Ainsi, en Europe occidentale et centrale, beaucoup de fleuves portent des noms dérivés de termes basques. Mais quand et comment les langues indo-européennes ont-elles supplanté celles de l’ancienne Europe ? Comme nous le verrons dans cet article, des études récentes de génétique et de linguistique ont apporté de nouveaux éléments de réponse à cette question.

Longtemps a prévalu l’hypothèse de l’archéologue américano-lituanienne Marija Gimbutas (1921-1994), selon laquelle des peuples de cavaliers nomades originaires des steppes entourant la mer Noire et la mer Caspienne auraient commencé, il y a 6 000 ans au plus, à se répandre par vagues successives en Europe et en Asie. Quelques indices archéologiques en témoignent, mais ils n’ont pas apporté de réponse claire. En tout cas, ces peuples des steppes et leur culture patriarcale guerrière semblaient concorder avec certains éléments que l’on croyait connaître depuis le xixe siècle sur les anciens Indo-Européens et leur « patrie d’origine ».

L’archéologue britannique Colin Renfrew a élaboré à la fin des années 1980 une hypothèse concurrente, selon laquelle les Indo-Européens seraient originaires d’Anatolie. Ils seraient arrivés bien plus tôt, il y a plus de 8 000 ans, et ces colons auraient apporté l’agriculture à une Europe sauvage et faiblement peuplée.

La thèse de C. Renfrew est attrayante, parce qu’elle est simple : avec l’introduction de l’agriculture, l’Europe a connu sa plus grande révolution préhistorique et il tombe alors sous le sens de ramener la propagation des langues indo-européennes au même événement. Cela suppose toutefois que l’agriculture ait effectivement été introduite en Europe par l’immigration. C’est précisément ce dont doutent beaucoup d’archéologues. Selon eux, la population européenne ancestrale s’est convertie elle-même à un mode de vie agricole, contaminée en quelque sorte par le contact avec l’Anatolie, mais sans échanges importants de populations.

La génétique peut-elle nous aider à aller plus loin ? Depuis les années 1980, les chercheurs tentent de déduire les anciens mouvements migratoires de l’étude des gènes d’individus vivant aujourd’hui. En Europe, ils ont trouvé une diminution progressive de la fréquence de certains variants de gènes du Sud-Est vers le Nord-Ouest. On a supposé que cela représentait effectivement une vague d’immigration, mais il était impossible de dire quand elle aurait eu lieu.

De telles déductions sont incertaines. Supposons que vous deviez déduire du paysage politique actuel quels étaient les groupes parlementaires composant le parlement en 1848. Il y a peu de chance que cela donne un résultat exact. Il en va de même pour les généalogies génétiques : il existe toujours plusieurs scénarios historiques aboutissant à la répartition actuelle, et de nombreux détails du passé resteront inconnus à jamais. Les progrès réalisés ces dernières années dans la lecture de l’adn ancien représentent donc une aubaine.

Les hypothèses concurrentes relatives à la « révolution néolithique » en Europe, qu’il y ait eu immigration ou non, ne peuvent être testées directement que par des découvertes de fossiles.

Les chercheurs travaillant avec Barbara Bramanti, à l’Université de Mayence, ont isolé de l’adn mitochondrial (voir l’encadré page 38) sur 26 squelettes des premiers agriculteurs de l’Est de l’Europe centrale (il existe deux types d’adn, l’adn du noyau cellulaire et l’adn des mitochondrie ; ce dernier est transmis par les mères). Les agriculteurs appartenaient à la civilisation dite de la céramique rubanée (ou culture rubanée), qui annonçait il y a quelque 7500 ans l’époque agricole dans nos régions.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message