Enceinte, Déborah perd son bébé après une interpellation policière

mardi 26 janvier 2021.
 

Déborah, 23 ans, porte plainte contre une policière, après une interpellation pour non-port du masque, le 10 décembre dans un centre commercial de Garges-lès-Gonesse. La jeune femme en est certaine : c’est la violence de l’opération qui lui aurait fait perdre son bébé, alors qu’elle était enceinte de 4 mois.

Lundi 18 janvier, une conférence de presse est organisée à Paris, dans le cabinet de l’avocat de Déborah, Maître Vincent Brengarth. L’objectif ? Celui d’annoncer le dépôt d’une plainte, pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une mutilation permanente », avec constitution de partie civile contre les forces de l’ordre.

Face aux journalistes, aux côtés de son avocat et d’une des ses proches, Déborah prend la parole et amorce son déroulé des faits qui ont eu lieu à Garges-lès-Gonesse, le 10 décembre 2020 : « En se dirigeant vers la sortie du centre commercial, nous avons rencontré deux policiers qui nous ont dit de mettre le masque. Nous avons obéi tout de suite, mais la policière conteste et nous verbalise », raconte celle qui était accompagnée de sa cousine au moment des faits.

Une ITT de huit jours au lendemain de l’interpellation

Les policiers les laissent alors partir, mais d’après la jeune femme enceinte au moment des faits, la policière en question revient vers elles en prétextant un outrage et menace de les interpeller. Déborah et Céline ne sont pas d’accord. « Elle a plaqué ma cousine au sol. Ils sont venus à plusieurs sur elle. J’ai paniqué. Une policière m’a poussée contre le mur trois fois violemment. Une autre policière a assisté à la scène et s’est interposée », déclare la plaignante.

Attrapée par le bras, Déborah affirme avoir été tirée à l’extérieur du centre commercial, sommée de s’excuser, et secouée brutalement par la policière. Malgré le fait que Déborah clame qu’elle est enceinte, cela n’aurait pas calmé l’agent. D’après son récit, de nombreuses personnes ont filmé la scène.

La gynécologue m’a dit que tout allait bien alors que j’étais en train de perdre mon bébé.

Déborah et Céline sont ensuite placées en garde à vue. Déborah y reste de 17h30 jusqu’à 21h30. De retour chez elle, la jeune femme commence à ressentir des douleurs. « Le lendemain matin, je suis partie voir un médecin généraliste à côté de chez moi, qui m’a conseillé de voir un gynécologue. Mais, malheureusement, je ne suis pas allée dans une très bonne clinique parce qu’on ne m’a pas vraiment rassuré. La gynécologue m’a dit que tout allait bien alors que j’étais en train de perdre mon bébé », raconte-t-elle au bord des larmes, celle qui s’est pourtant vue accorder une ITT de huit jours.

Sur recommandation de la gynécologue, elle rentre chez elle, mais les douleurs reviennent, encore plus intenses. Vers 4h du matin, elle réveille sa cousine qui l’emmène directement aux urgences du Blanc Mesnil .

« Les médecins m’ont dit que la première gynécologue n’aurait pas dû me lâcher. Ils m’ont tout de suite hospitalisé en m’expliquant que mon col de l’utérus s’était ouvert et que la poche du bébé avait glissé dans mon vagin. » Elle reste hospitalisée pendant dix jours, du 12 au 22 décembre aux urgences. Elle accouche finalement le 21 décembre,d’un bébé mort-né. Déborah considère que l’agression de la policière a causé la mort de son enfant : « J’allais très bien avant tout ça. J’avais vu mon gynécologue une semaine auparavant. Mon col était très bien fermé. »

Maître Vincent Brengarth, son avocat, relève que la brutalité de l’intervention policière rejaillit à travers différents témoignages. Celui de Déborah, de Céline, mais aussi d’autres personnes présentes sur place. « On sait que Déborah a été projetée à plusieurs reprises par cette policière. Il y avait une intensité de gravité du comportement qui est objective qui ressort des témoignages. Elle se déduit aussi du certificat médical d’ITT de 8 jours dès le lendemain. Il y est indiqué que la durée prévisible des soins est de 15 jours. »

Pour Maître Brengarth, tous ses éléments permettent de conclure qu’il y a un lien de causalité évident entre l’intervention policière et la perte du bébé. Il explique que Déborah a porté plainte, une première fois, seule, le 23 décembre dernier, pour violence volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique.

Une plainte déposée pour violence volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une mutilation permanente

Cette plainte a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire. L’avocat note que : « la procédure fait abstraction de la perte du foetus. Comme si finalement dans la réalité et juridiquement, il n’existait pas, et comme si on venait nier la perte de cet enfant. C’est pourquoi la plainte a été déposée pour violence volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique, mais surtout ayant entraîné une mutilation permanente. »

« Cette mutilation permet d’accéder à la désignation d’un juge d’instruction pour que l’enquête soit menée par un magistrat indépendant, ce qui n’était pas le cas du procureur de la république qui était saisi jusqu’à présent de ce dossier », poursuit Maître Brengarth.

La procédure vient de débuter. La policière responsable du contrôle de la plaignante a porté plainte contre elle, et sa cousine pour outrage à agent. Déborah sera ainsi convoquée le 6 juillet prochain pour être entendue par la justice au Parquet de Pontoise. L’enquête administrative a été confiée à l’IGPN.

Les vidéos des témoins ont été récupérées pour être versées au dossier et une autopsie du foetus a été demandée par la famille. Son avocat évoque la possibilité que le gynécologue qui la suivait soit entendu, ainsi qu’une confrontation avec les agents de police responsables de l’agression de la jeune femme, toujours bouleversée et qui n’a plus qu’un seul souhait : « Je veux la justice pour ma fille ».

Hervé Hinopay


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