Bolivie : retour sur la victoire du Mas

mercredi 2 décembre 2020.
 

La victoire de Luis Arce et de David Choquehuanca en Bolivie est un véritable bol d’air pour les gauches internationalistes du monde entier. Coup de projecteur sur le contexte antidémocratique et violent qui a précédé cette victoire.

En octobre 2019, Evo Morales est réélu au premier tour président de l’État plurinational de Bolivie. Mais cette réélection se fait dans un contexte de grande tension, dont l’opposition profite pour provoquer une crise profonde.

Archéologie d’un coup d’État

En Bolivie, pour être élu dès le premier tour, il faut obtenir au moins 40 % des voix et plus de dix points d’avance vis-à-vis du second. Au soir du premier tour de l’élection d’octobre 2019, des résultats partiels confèrent à Morales un score supérieur à 40 %, mais indiquent que seul un écart de 9,7 % le sépare de son principal adversaire, le libéral Carlos Mesa. Cependant, il reste à dépouiller les votes des zones rurales et de l’étranger, favorables à Morales lors de tous les scrutins précédents. Deux jours plus tard, après avoir compté et recompté la totalité des voix, les résultats définitifs donnent Morales gagnant avec 47,1 %, contre 36,5 % pour Mesa.

Les jours suivants, l’opposition de droite avance que Morales et le MAS ont fraudé pour permettre sa réélection. Elle remet aussi en cause la légitimité de Morales à diriger le pays, le référendum qu’il a institué trois ans plus tôt pour avoir le droit de briguer un autre mandat s’étant conclu par un rejet de cette proposition. Et bien qu’une décision du Tribunal constitutionnel ait mis fin en 2017 à la limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs, cette idée fait son chemin, et amène la contestation, excitée par l’opposition, à s’exprimer toujours plus violemment.

Les golpistes sortent du bois

Cette violence monte d’un cran quand Patricia Arce, maire de Vinto et militante du MAS, est extirpée de sa mairie par des putschistes hystériques qui lui coupent les cheveux, la recouvrent de peinture rouge et la forcent à marcher pieds nus dans la boue sur plusieurs kilomètres, puis à signer une lettre de démission.

Ce climat délétère pousse Morales, trois semaines après sa victoire, à démissionner puis à s’exiler, un mandat d’arrêt ayant été émis contre lui. Les principaux élus du MAS à la tête d’institutions démissionnent ensuite, craignant pour leur vie et pour celle des membres de leur famille.

Par le jeu institutionnel, la centriste Jeanine Áñez se retrouve investie présidente par intérim, et débute un mandat marqué immédiatement et durablement par des violations de la Constitution bolivienne.

En brandissant la Bible lors de son intronisation, Áñez tourne tout d’abord le dos au caractère laïque que l’article 4 de la Constitution bolivienne confère pourtant à l’État plurinational de Bolivie. Puis, en occupant la présidence au-delà des 90 jours prévus en cas de situation intérimaire, elle viole une règle démocratique fondamentale en vigueur dans ce pays.

Fin de partie pour Áñez

L’armée et la police sont choyées par Áñez et son ministre Arturo Murillo, qui multiplient leurs budgets par 18 en les sommant d’être toujours plus autoritaires et violents avec ceux qui se montrent réticents vis-à-vis de leur politique, qui expriment des sympathies pour le MAS ou qui contestent l’existence d’une fraude électorale lors du scrutin d’octobre 2019. Elles s’exécutent avec zèle, et voient leur rôle être renforcé par la création de groupes paramilitaires, les unes et les autres se soutenant mutuellement dans leurs actes de répression.

Durant des mois, Áñez agit dans un silence assourdissant de la communauté internationale. Mais des associations internationales de défense des droits de l’homme se mobilisent ensuite peu à peu et dénoncent les actes répréhensibles des putschistes. En France, l’association Wiphala France se mobilise et réussit, notamment avec l’aide de la GDS, à obtenir l’aide et le soutien des autres forces de la gauche française et de leurs élus.

Cette solidarité internationale naissante redonne courage au peuple bolivien qui se mobilise en faveur de la candidature de l’ancien ministre de l’Économie Luis Arce, dont les compétences sont incontestées. Pour aboutir à la superbe victoire que l’on connaît, mais aussi à l’élection en tant que sénatrice de la digne et radieuse Patricia Arce.

Fethi Chouder


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