“Voleurs de bébés” : un reportage de la BBC sur le trafic d’enfants choque le Kenya

samedi 28 novembre 2020.
 

Sept personnes sont poursuivies après la diffusion d’un documentaire révélant l’existence d’un large trafic d’enfants jusque dans l’un des plus grands hôpitaux de Nairobi.

La réaction des autorités n’a pas tardé. Premier à s’exprimer après la diffusion d’une enquête de la BBC sur les vols d’enfants à Nairobi, le ministre du Travail et de la Protection sociale kényan promettait en début de semaine la création d’une unité spéciale afin de lutter contre ce trafic “inacceptable”. Quelques jours plus tard, sept personnes sont déjà poursuivies, alors que la chaîne anglaise révèle notamment l’existence d’une filière jusque dans les couloirs d’un hôpital public.

Mis en ligne le 15 novembre,, Voleurs de bébés est le fruit d’une année d’enquête sur les disparitions d’enfants qui alimentent le marché de l’adoption clandestine au Kenya. Si aucune statistique officielle n’existe, la chaîne estime que des centaines d’entre eux sont vendus chaque année après avoir été volés dans la rue, négociés derrière les murs des cliniques clandestines ou enlevés dans les hôpitaux. Le prix de la vie : entre 350 et 2 300 euros selon la méthode.

Dans les bidonvilles de Nairobi, certains enfants sont arrachés aux bras des mères les plus vulnérables. C’est le cas de Rebecca. Un matin, cette mère sans abri s’est réveillée sans son fils à ses côtés. C’était il y a près de dix ans, il avait un an. Comme son fils disparu, environ 60 000 enfants vivraient dans les rues de Nairobi à la merci des trafiquants.

Certains maillons de la chaîne semblent à peine moins vulnérables que leur proie. Filmée en cachette par l’une de ses amies pour le compte de la BBC, Anita, dépendante à l’alcool et à la drogue, à la rue elle aussi, a déjà dérobé plusieurs enfants qu’elle revend 400 à 600 euros selon le sexe. Comme le raconte son amie, interviewée par la chaîne :

Parfois, elle commence par parler à la mère pour voir si elle se méfie. Parfois, elle drogue la mère avec des somnifères ou de la colle. Parfois, elle joue avec l’enfant. Pour Maryana Munyendo, à la tête de l’association Missing Child, l’ampleur du trafic s’explique en partie par la pression subie par les femmes qui ne parviennent pas à avoir d’enfants : “Nous sommes africains, notre culture veut que tu aies un enfant pour qu’un mariage fonctionne, de préférence un garçon. Sinon, tu retournes au village et on te traite de planche de bois sec, alors qu’est-ce que tu fais pour sauver ton mariage ? Tu voles un enfant.”

Achat à la naissance

Dans plusieurs bidonvilles de Nairobi, des cliniques clandestines proposent ainsi aux mères d’acheter leur nourrisson à la naissance. Mais les révélations les plus fracassantes du documentaire prennent place dans les couloirs de l’hôpital public Mama Lucy, où la BBC parvient à faire mine d’acheter un enfant promis à l’assistance publique. Sous les yeux d’un faux acheteur équipé d’une caméra cachée, un travailleur social chargé de veiller sur les enfants abandonnés avant leur transfert aux services sociaux “livre” un enfant pour 300 000 shillings, soit 2 300 euros.

Le fonctionnaire fait partie des sept personnes poursuivies pour trafic d’enfants, d’après le journal kényan The Standard. Depuis la diffusion du documentaire, les forces de l’ordre ont découvert que de “nombreux enfants” auraient été volés au sein de l’hôpital entre mars et juin derniers, d’après le responsable de l’enquête cité par ce même journal.

Courrier International


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