Au Pérou, la rue empêche un coup de force et demande une nouvelle constitution

vendredi 20 novembre 2020.
 

La crise politique est ouverte : Martín Vizcarra a démissionné le 9 novembre 2020, après une procédure de destitution soutenue par un grand nombre de parlementaires. Il a été remplacé par le très contesté Manuel Merino qui a démissionné le 15 novembre 2020, sous la contrainte de la rue.

PAR MARION BEAUVALET

Une montée en puissance de la répression

Bryan Pintado Sanchez avait 22 ans et Inti Sotelo Camargo, 24 ans. Les deux jeunes manifestants ont été tués par des tirs de grenades des forces de l’ordre le 14 novembre 2020. Ils manifestaient pour demander le départ du président par intérim contesté Manuel Merino.

Samedi 14 novembre, l’épisode de répression policière a été d’une violence inouïe. Il reste encore des disparus. Ces manifestations ont fait perdre à Merino les quelques soutiens qui lui restaient. Il a été contraint de démissionner le dimanche 15 novembre 2020.

Retour sur une crise annoncée

Martín Vizcarra a été président du Pérou du 23 mars 2018 au 9 novembre 2020. Accusé de corruption à la suite de la diffusion d’un enregistrement, le Congrès a ouvert une procédure de destitution à son encontre le 11 septembre 2020. D’autres allégations sont tombées comme des versements de pots-de-vin qu’il aurait reçus en 2014 pour l’attribution de contrats publics. Son opposant Manuel Merino a alors pris la tête du mouvement qui défendait son inculpation. Le 9 novembre, 105 parlementaires ont voté sa destitution (19 étaient contre) et c’est Merino qui est devenu président par intérim.

Loin de satisfaire les péruviens, cette destitution qui a lieu seulement 5 mois avant les prochaines élections générales, a donné lieu à des manifestations massives et quotidiennes dans tout le pays et notamment à Lima. Les manifestants accusaient notamment Merino d’avoir organisé la procédure afin d’accéder au pouvoir, dans un pays où près de la moitié des parlementaires sont poursuivis pour corruption.

Cependant, la crise que traverse le pays est profonde et précède les élections législatives de janvier 2020. Le Parlement était alors par le parti fujimoriste Force populaire. Il s’agit d’un parti conservateur, anticommuniste et populiste de droite qui se revendique de l’héritage de l’ancien président Alberto Fujimori et qui a été fondé par la fille de ce dernier en 2010. Keiko Fujimori a été emprisonnée pour avoir reçu des pots-de-vin de la part d’une entreprise du bâtiment brésilienne (la fameuse Odebrecht qu’on retrouve dans de nombreux pays d’Amérique latine). Lors des élections législatives de 2016, ce parti avait obtenu 36% des suffrages, suivi avec 13,9% des votes par le Front Large, parti écosocialiste et féministe.

En 2020, lors des élections anticipées, le Parlement est morcelé mais ce sont les partis de centre-droit et de droite qui s’imposent, Force Populaire perdant 58 sièges.

De plus, la constitution néolibérale mise en place en 1992 par Alberto Fujimori ne permet pas aux Péruviens d’accéder à un bon système de santé ou encore éducatif. L’État est fragile et la corruption pose structurellement problème.

La gauche démocratique résiste et appelle le peuple à se soulever

Dans une interview accordée à El Dario, Verónika Mendoza, membre de la gauche péruvienne explique que « ce sur quoi tout le monde s’accorde, c’est l’espoir que le Pérou retrouve également sa démocratie et qu’un processus constitutionnel soit encouragé. C’est à nous, Péruviens, de le définir et de le promouvoir ». Cette crise profonde, qui est une crise sociale et politique trouvera peut-être une issue dans les prochaines élections. Pour l’heure, c’est un gouvernement perçu comme illégitime et contesté par le peuple qui s’occupe des affaires de l’État.

Les prochaines élections présidentielles péruviennes auront lieu le 11 avril 2021.

MARION BEAUVALET


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