Les Bulgares se mobilisent contre la corruption mais personne n’en parle

vendredi 6 novembre 2020.
 

En mai 2020, un vice-ministre bulgare a été arrêté pour trafic de déchets, précédé par le ministre de l’Environnement. Des photos montrent le Premier ministre endormi avec des liasses de billets autour de lui. Non ce n’est pas Scarface mais le gouvernement bulgare.

Depuis l’été 2020, la population est mobilisée pour dénoncer la corruption de l’establishment politique. Les manifestants déplorent également le silence de l’Europe qui ne réagit pas.

100 jours déjà que les Bulgares défilent quotidiennement pour dénoncer la corruption de leurs élites… On n’en parle guère dans les media français, ça peut se comprendre, c’est loin, c’est un petit pays… Et qui a le mauvais goût d’accumuler corruption et pauvreté… Le mauvais élève de l’Europe en quelque sorte… Pourtant, les citoyens bulgares, en désespoir de cause, c’est vers l’Europe qu’ils se tournent : c’était encore le cas de la manifestation qui les a réunis devant le siège de la représentation de l’UE le 16 octobre.

Aveugles, sourds et muets les Européens ? Ma foi, c’est sans doute vrai, mais c’est bien plus que de la maladie. A preuve cette charge virulente de l’euro-députée irlandaise Clare Daly, de la GUE, pour défendre une résolution qui condamne l’Europe pour atteinte aux droits fondamentaux (résolution qui, malgré les pressions du premier ministre sur la droite du parlement européen, a été finalement votée.

Traduction de l’intervention de Claire Daly

Je dois dire, Commissaire, que j’ai été un peu surprise par le ton et le contenu de votre contribution.

Je pense qu’elle est complètement en contradiction avec la réalité du terrain en Bulgarie. Et si la commission pense que l’évolution a été positive sur les 13 dernières années, et bien ma conclusion sera que soit vous êtes grossièrement incompétent soit vous êtes complètement assujettis aux intérêts de Borissov à cause de ses liens avec certains groupes d’influence dans ce parlement.

Je veux dire que cet individu a été assez intelligent pour ne pas cibler les minorités de la même manière qu’en Pologne ou en Hongrie, et a pour cela échappé à la colère alors qu’il préside l’état le plus corrompu de l’Union européenne et une population qui en est la plus pauvre.

Nous avons la preuve irréfutable de ses liens et complicité avec le procureur Gechev, quand il donne des ordres sur qui doit être poursuivi, qu’il couvre les accusations à son encontre sur le blanchiment d’argent en Espagne et quand enfin il harcèle les juges.

Maintenant les gens sont à genoux, nous avons des arrestations en masse de gens battus et gazés par la police anti-émeutes sans motif identifié, des membres respectables de la société emprisonnés en grève de la faim… Et nous parlons de surveillance et de progrès !

J’ai mentionné l’année dernière le racket en cours dans des zones comme les stations balnéaires où des ressortissants de mon pays ont acheté des propriétés et où, même pendant la pandémie, on leur a refusé l’accès à leur appartement. Ils sont allés devant les tribunaux, ils sont allés voir la police, ils n’ont pu obtenir justice. Et des gens comme Boyan Bonev, qui gère cette station, s’en sortent. Et. Je suis sûr que ces individus sont en train de regarder ce programme, Gechev, que nous avons invités ici l’an dernier, et sont en train de rire des procédures de l’Union Européen qui sont si loin de la réalité.

Maintenant nous avons un mécanisme de coopération et de vésication sur ces questions.Les gens dans la rue aujourd’hui à Sofia veulent savoir si vous allez plaider pour une imposition stricte du mécanisme de surveillance, mais ils veulent aussi savoir si nous allons arrêter de financer ces pourparlers. Parce que l’argent européen enhardit ces gens et leur permet de s’engager dans la corruption à grande échelle, ce qui revient à pénaliser les citoyens bulgares.Je dois dire que je pense que c’est une honte absolue que la commission soit indécise à ce sujet.

Analyse de Nadège Ragaru

Dans un article du centre de recherches internationales de Sciences Po, Nadège Ragaru décrit ainsi la nature des manifestants : “En deux mois de mobilisation, le profil des contestataires a évolué. Quelques lignes force se dégagent toutefois : la première concerne la présence de jeunes manifestants, souvent des Bulgares vivant à l’étranger, rentrés chez eux pour les vacances. Une partie d’entre eux considère avoir été contraints à l’exil parce qu’il leur était impossible de se réaliser professionnellement et personnellement dans un Etat corrompu.

A ce noyau dur sont venus s’ajouter des Sofiotes de tous âges, pour certains sympathisants de la petite coalition de droite, Bulgarie démocratique, fondée en avril 2018 sur un programme d’assainissement de la vie public. Un troisième groupe de protestataires est composé de sympathisants du Parti socialiste, actuellement dans l’opposition. Enfin, aux cortèges se sont joints des citoyens qui ne se reconnaissent que marginalement dans l’offre électorale actuellement disponible et souhaitent exprimer leur indignation, leur lassitude aussi, devant l’accaparement des ressources publiques et privées par d’étroits segments de la société, l’impunité dont jouissent certains proches du pouvoir et l’approfondissement des inégalités sociales. Les contestataires couvrent ainsi un très large éventail de sensibilités politiques et de profils sociaux. “

Malgré l’inquiétude de Nadège Ragaru, “Cette configuration rend faiblement probable le renouvellement en profondeur des élites et des pratiques décisionnelles espéré par les manifestants.“, concluons sur une note plus positive en donnant la parole au journaliste de Биволъ, Bivol, Ivo Alexiev, “Comment alors ne pas rêver et ambitionner une nouvelle époque, qui coupe une bonne fois pour toutes, et à jamais, le cordon ombilical avec avec l’état totalitaire ?“


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