La Chine, 71 ans après 1949 La construction d’un Etat orwellien

samedi 10 octobre 2020.
 

Derrière la continuité nominale du pouvoir en Chine (dite République populaire), incarnée par le Parti communiste chinois (PCC), se cache de profondes transformations. La direction du parti est aujourd’hui sous le contrôle de très grandes fortunes et les inégalités sociales ont explosé dans un pays devenu une grande puissance capitaliste.

Jusqu’au début du 19e siècle, la Chine était considérée comme l’empire le plus puissant du monde. Elle avait ensuite perdu cette place sous les coups de boutoir du capitalisme occidental. L’obsession de Xi Jinping est que la Chine redevienne l’« Empire du milieu ».

Cette lutte pour l’hégémonie sert de toile de fonds aux prises de bec actuelles entre les présidents étatsunien et chinois.

Maintenant que la Chine est devenue une puissance économique de premier plan (1), les dirigeants chinois estiment ne plus avoir besoin de faire de courbettes devant des pays industrialisés vieillissants. Ils n’hésitent pas à fouler aux pieds les textes rassurants que leurs prédécesseurs avaient signé en 1984 en échange de la rétrocession de Hong Kong.

La construction d’un État orwellien

Les néo-libéraux occidentaux avaient affirmé que la conversion de la Chine à l’économie de marché s’accompagnerait d’une extension des libertés. C’est l’inverse qui s’est produit, en particulier depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Une modification de la Constitution doit lui permettre de régner à vie sans partage et de choisir ses héritiers au sein de sa clique. Le caractère répressif du régime s’est considérablement renforcé, notamment pour tout ce qui touche aux droits d’expression et d’organisation, dont ceux des salarié.es et des femmes.

Le processus d’assimilation forcée s’accentue au Tibet, Xinjiang et Mongolie intérieure. Pékin a brutalement accéléré cette politique à Hong Kong et rêve de l’étendre à Taïwan.

Le PCC présente volontiers le régime en place comme « un socialisme aux caractéristiques chinoises ».

Ce que ce régime présente comme des « caractéristiques chinoises », intègre des éléments de culture politique antérieure à la Chine impériale, comme en témoigne le discours de Xi Jinping de 2017 sur la nécessité de transmettre le pouvoir aux personnes ayant des « gènes rouges » (c’est-à-dire la deuxième génération d’enfants de dirigeants).(2)

Comme l’écrit Au Loong Yu, "derrière la foi du pouvoir en ces valeurs pré-modernes, se cache aussi une chose très moderne, très matérielle, à savoir l’intérêt fondamental de ce régime. (...)

Le régime en place "combine à la fois le pouvoir coercitif de l’État, disposant des armes et des technologies les plus modernes, et la puissance de son capitalisme industriel et financier.

Il parvient à ses fins en s’appuyant simultanément sur deux ensembles de règles, d’une part la loi, d’autre part les règles cachées de la bureaucratie qui l’emportent toujours sur la loi.

Ses dirigeants trouvent que ce régime sert bien leurs intérêts. Du sommet au niveau local, les responsables du Parti se sont énormément enrichis grâce à lui. Plus le système fonctionne ainsi, plus de sales secrets s’accumulent que les responsables du Parti ont besoin de dissimuler. C’est en soi une des raisons pour laquelle ils ne peuvent tolérer les opinions dissidentes. Le Parti a besoin de la construction d’un État orwellien sur le continent et, impérativement, celui-ci doit s’étendre également à Hong Kong".(3)

Notes :

1. Les points de faiblesses de la Chine font que devenir durablement « la première » puissance mondiale est un enjeu plus qu’une donnée.

2. Dans la Chine impériale, il n’y avait pas de légitimation « sanguine » du pouvoir. Le féodalisme chinois est antérieur à l’Empire.

3. Entretien avec Au Loong Yu http://www.europe-solidaire.org/spi...


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