Darmanin utilise "la drogue" pour communiquer

mercredi 23 septembre 2020.
 

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, veut exister. On l’a bien compris. « La France est malade de son insécurité », avait-il lancé il y a quelques semaines. « Les trafiquants de drogue vont arrêter de dormir », avait-il même juré.

La consigne est passée. Et depuis quelques jours, à défaut d’avoir stoppé le grand banditisme, mis la main sur les grands réseaux de trafic de drogue, les préfectures jouent la communication. Les comptes Twitter des préfets diffusent tous azimuts, photos à l’appui, les trouvailles du jour. Et quelles trouvailles ! Quelques grammes de cocaïne, de résine ou de cannabis. Voilà qui semble suffire aux policiers pour montrer qu’ils sont sur le terrain et que leur présence paye. Des opérations de communication que n’ont pas manqué de moquer les utilisateurs du réseau social. Ridicule.

Ridicule, mais pas assez pour freiner celui qui se rêve déjà à Matignon. Voire à l’Élysée. Parce que dans la catégorie « maintien de l’ordre », c’est un autre dossier que Darmanin veut ouvrir. Celui des manifestations. Les manifestants n’ont qu’à bien se tenir. Les journalistes aussi. Ceux-là aussi pourraient bien arrêter de dormir tranquillement. Jeudi dernier, la place Beauvau a publié un texte de 29 pages pour réglementer la gestion des manifestations. Et quelques lignes de ce texte ont suffi pour alerter les associations de défense des libertés. Le texte prévoit que les journalistes seront autorisés « à porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ou provocation ».

« Toutes les mentions, dans ce schéma, consiste à dire qu’il faut contrôler les journalistes. Le ministre de l’Intérieur bafoue la liberté de la presse », a aussitôt déclaré Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ). Autre point clivant que n’a pas manqué de relever Pradalié, c’est l’obligation faite pour toutes personnes – morale ou physique – extérieure à la manifestation, en sa qualité d’observateur parmi lesquels des journalistes ou des membres d’ONG, d’obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre. Une injonction qui contrevient notamment au droit des journalistes qui n’ont d’autres vocation qu’à informer ce qui se joue et ce qui se passe dans une manifestation. Des slogans scandés par les manifestants aux tirs de LBD tirés par la police.

Darmanin semble avoir été fâché par certaines révélations issues de manifestations précédentes, celles de journalistes indépendants, parfois non titulaires de la carte presse, qui ont pu mettre l’accent où ça fait mal : les violences policières. Bouhafs, Dufresnes, Nnoman : combien de journaliste ont été empêchés, intimidés et mis en garde à vue pour avoir exercé leur métier ? Gaspard Glanz en a encore fait les frais lors de la manifestation de jeudi dernier. Contrôlés par douze policiers, matériel saisi, conduit au poste de police. « On assiste au rêve de Gérald Darmanin qui veut embarquer les journalistes là où il veut », poursuit Dominique Pradalié. Après les journalistes, les ONG, les manifestants seront-ils à leur tour dans le viseur de la place Beauvau ? Faudra-t-il bientôt un permis de manifester ?

Allô la République, c’est pour un signalement : atteinte aux libertés fondamentales.

Pierre Jacquemain


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