Un jean « made in France » ? Ça existe et Jean-Luc Mélenchon a visité l’entreprise qui les produit

mardi 25 août 2020.
 

88 millions. C’est la quantité de jeans qu’achètent chaque année les Français. Un nombre incroyable qui représente près de 1,5 jeans par an et par habitant dans notre pays. Or, pour l’essentiel, ces jeans sont produits à l’étranger, dans des conditions sociales (travail des enfants, horaires de travail épuisants, bas salaires) et environnementales (utilisation très importante d’eau et de polluants) intolérables.

C’est d’abord pour faire face à cette situation que Thomas Huriez, a décidé de fonder l’entreprise « 1083 ». « 1083 » comme « 1083 kilomètres », c’est à dire la distance maximale qui sépare les deux villes françaises les plus éloignées l’une de l’autre. Autrement dit : produire en France. Et le succès est au rendez-vous. En 7 ans, l’entreprise, installée à Romans-sur-Isère, est passée de 2 employés et d’un chiffre d’affaire de 200 000 euros à 70 salariés pour un chiffre d’affaire de 8 millions d’euros. Et pour faire face à la demande croissante, l’entreprise ne cesse d’embaucher tout en tissant des liens avec de nombreux sous-traitants sur tout le territoire national.

Le « coût du travail » ? Un « faux problème » selon le patron de 1083. C’est pour étudier ce petit miracle productif que Jean-Luc Mélenchon a voulu faire le déplacement pour rencontrer Thomas Huriez et visiter l’entreprise. Il était accompagné des députés européens insoumis Manuel Bompard et Leila Chaïbi. Pendant plus de deux heures, le président du groupe insoumis à l’Assemblée nationale a pu échanger avec le fondateur de 1083 sur de nombreux points, validant plusieurs des options économiques proposées dans « L’Avenir en commun », le programme des insoumis.

Ainsi par exemple de la question du prix du travail. Thomas Huriez l’affirme clairement : la différence de prix entre des jeans produits dans les mêmes usines à l’autre bout du monde n’est pas une question de « coût du travail » mais de marges que réalisent sur leurs marques les entreprises qui les vendent. Le choix du fondateur de 1083 a donc été simple : rogner autant que possible sur les marges de l’entreprise et utiliser l’argent dégagé pour embaucher et investir plutôt que pour payer de gros salaires aux cadres dirigeants. Bilan : dans l’entreprise, l’écart de salaire entre le moins payé et le mieux payé est de moins de 1 à 2 ! De quoi passer pour des ultras-radicaux à côtés des insoumis qui proposaient un écart de 1 à 20 maximum dans leur programme.

« Un ouvrier, c’est celui qui fait une oeuvre » : retrouver la fierté du travail industriel Au fil de la visite, la discussion s’élargit sur de nombreux sujets. Par exemple celui-ci : la relocalisation de la production est – aussi – une question culturelle. Ainsi, Thomas Huriez explique que la génération des moins de 40 ans dont il fait partie a été baignée dans l’idée que la France serait maintenant un pays de services et non un pays industriel. Cela fait que le travail ouvrier a été dévalorisé au fil des ans. Il explique ainsi qu’en usine on parle maintenant d’« opérateur » plutôt que d’« ouvrier ». Un mot qui, à ses yeux, pose problème : « Dans “ouvrier”, il y a “oeuvre”, il y a l’idée d’une qualité du travail ; cette idée, on ne la retrouve pas avec le mot “opérateur” qui est déshumanisante ».

Ça n’a l’air de rien mais ça a de l’importance. Thomas Huriez explique ainsi qu’il manque de bras pour développer l’activité de 1083. Il a pourtant investi dans la formation. Mais le métier de couturier fait moins rêver que celui de « designer », explique-t-il… Et pourtant, quand les gens visitent l’entreprise, c’est bien la salle où se fait la couture qui intéresse le plus, jusqu’à susciter des vocations. Thomas Huriez soulève un point important : pour réindustrialiser le pays, il ne faudra pas seulement mettre en place la politique économique adéquate… il faudra aussi redonner envie aux gens d’avoir des métiers ouvriers, donc revaloriser ce travail qui a été tant dévalorisé par les bureaucrates et les libéraux.

« L’Europe ne protège pas son industrie » Autre point d’accord entre Jean-Luc Mélenchon et Thomas Huriez : la question du protectionnisme. « L’Europe ne protège pas son industrie » explique le fondateur de 1083. Une position partagée par le député insoumis, qui proposait dans son programme présidentiel, « L’Avenir en commun », la mise en place d’un protectionnisme solidaire pour préserver et développer notre industrie à l’aide de barrières douanières sociales et écologiques.

Sortir de la logique du « consommer-jeter »et dégager les libéraux 1083 essaie également d’avancer sur un autre point : le recyclage du textile. On l’a dit : 88 millions de jeans sont achetés chaque année. Ils finissent la plupart du temps par être jetés. L’un des objectifs de Thomas Huriez est maintenant de les recycler. Il explique ainsi que si son but est d’une part qu’on en achète moins (afin d’en jeter moins) et d’autre part qu’on développe la capacité à récupérer ceux qui sont usés afin de réemployer le textile. Il existe déjà des techniques mais d’autres pourraient être inventées à l’avenir pour atteindre cet objectif.

Au total, cette visite qui « donne la pêche » selon le mot de Jean-Luc Mélenchon permet de faire la démonstration qu’une relocalisation de la production industrielle – y compris textile – est possible. On voit aussi combien elle serait plus facile à mettre en oeuvre avec un État-stratège et un gouvernement qui l’appuierait par un ensemble de mesures : augmentation des salaires pour acheter des produits de meilleure qualité, mesures protectionnistes, financement de l’économie réelle, fonds de solidarité inter-entreprises pour permettre aux TPE et PME de se développer, etc. Mais pour cela, il est désormais évident qu’il sera nécessaire de dégager les libéraux de tous poils au pouvoir. Et le plus tôt sera le mieux.

Par Antoine Léaument


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