Covid-19 : aux États-Unis, des chiffres en trompe-l’oeil. Analyser le rapport complexe entre nombre de cas et de morts

jeudi 16 juillet 2020.
 

Les cas de Covid-19 recensés explosent aux Etats-Unis, mais pas dans tous les Etats. Le nombre de morts, lui, reste faible, mais cela risque de ne pas durer.

Les États-Unis ont connu, ce jeudi 25 juin, un nouveau record avec plus de 41.000 nouveaux cas quotidiens de coronavirus, confirmant bien que l’épidémie de Covid-19 était en train d’exploser dans le pays.

Selon le New York Times, la Maison Blanche a annoncé une réunion de la “task force coronavirus”, la première en près de deux mois. Mais Donald Trump a tenu à rassurer les citoyens américains, affirmant que cette hausse des cas, qui a débuté le 15 juin, était due à des “braises”, ou des “poussées” qui “seront éteintes”. Et de claironner que “les morts du coronavirus sont en baisse, notre taux de mortalité est un des plus faibles au monde”.

Si le président des États-Unis a en partie raison, il faut bien souvent se méfier des chiffres bruts de l’épidémie de Covid-19. Certes, le nombre de morts continue de baisser, mais cela pourrait être un effet d’optique. Et les braises sont en réalité de nouveaux incendies qui touchent des lieux jusque-là épargnés.

Une vague qui traverse le pays

L’idée mise en avant par Donald Trump fait penser que le coronavirus fait une simple résurgence. Pour autant, on voit bien que la courbe suit une croissance exponentielle similaire à ce que l’on a vu par le passé et qui fait bien penser à une deuxième vague.

Même si en réalité, il faudrait peut-être plutôt parler d’une première vague qui continue à déferler sur le pays, comme nous l’expliquions déjà quelques jours avant que les chiffres ne repartent à la hausse. Le 12 juin, alors que l’épidémie semblait stagner aux États-Unis, l’analyse détaillée des 50 États montrait au contraire que si certains avaient totalement endigué la propagation du Covid-19, le coronavirus semblait au contraire de plus en plus actif dans d’autres.

Depuis, ces éléments se sont amplifiés. Près de la moitié des 50 États américains ont connu une augmentation du nombre de cas au cours des deux dernières semaines, et certains, comme le Texas, la Floride et la Californie, affichent désormais des records quotidiens dans le nombre de cas recensés.

À tel point que New York et le New Jersey, des États très durement touchés en début d’épidémie, mais qui ont réussi à endiguer le virus, ont décrété une quarantaine pour les personnes venant de certains États où la pandémie accélère.

Une baisse des morts à prendre avec des pincettes

L’autre étrangeté des États-Unis, c’est la baisse du nombre de morts alors que le nombre de cas explose à nouveau.

Si cette baisse continue est une très bonne nouvelle, rien ne garantit qu’elle va se poursuivre. D’abord, car il y a un délai à prendre en compte. On ne meurt pas instantanément du Covid-19. Le docteur américain Craig Spencer rappelle sur Twitter qu’entre l’exposition au coronavirus et la mort, il se passe en moyenne deux à quatre semaines.

Mais la réalité dépend beaucoup de nos capacités de dépistage. Si l’on teste toute la population de manière très rapide, dès les premiers symptômes, voire avant grâce au contact tracing, le délai sera plus important que si les tests sont réalisés en majorité sur des personnes hospitalisées, comme c’était le cas pour la France au début de l’épidémie. D’ailleurs, si l’on compare les courbes françaises, on voit qu’il n’y a que 7 jours entre le pic des cas confirmés et le pic des décès. Cela veut dire que le réel pic épidémique a possiblement eu lieu plus tôt, mais qu’il était invisible du fait de nos faibles capacités de tests à l’époque.

Aux États-Unis, pays qui a le plus de tests par habitant disponibles, un deuxième effet pourrait être à l’œuvre également, rappelle Craig Spencer : la proportion des jeunes parmi les infectés est de plus en plus importante. En Floride, l’âge médian des personnes positives est passé de 65 ans en mars à 35 ans aujourd’hui, rapporte le New York Times.

Peut-être parce que les jeunes sortent plus dans les restaurants et bars. Peut-être aussi parce qu’au début de l’épidémie, ces jeunes, peu ou asymptomatiques, étaient peu diagnostiqués, du fait du manque de tests. Quoi qu’il en soit, le taux de mortalité chez les jeunes est beaucoup plus faible que chez les personnes âgées. Cela pourrait donc aussi expliquer le décalage entre cas confirmés et morts. Mais le risque, c’est que “les jeunes infectent les plus âgés et vulnérables”, rappelle Craig Spencer.

Le virologue Florian Krammer a évoqué sur Twitter des hypothèses similaires en prenant comme un exemple l’un des seuls autres pays à avoir vu une véritable reprise de l’épidémie après avoir réussi à la contrôler : l’Iran. “On m’a expliqué que maintenant, les jeunes étaient principalement infectés”, explique le chercheur. Alors malgré une hausse en forme de deuxième vague du nombre de cas démarrée le 1er mai en Iran, le nombre de morts continuait de baisser... pendant trois ou quatre semaines. Depuis le 25 mai, les décès quotidiens augmentent eux aussi régulièrement.


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