Crise du coronavirus et défiance politique des Français

vendredi 8 mai 2020.
 

Afin de mesurer l’impact sur l’opinion de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, une vague spéciale du Baromètre de la confiance politique présenté chaque année par OpinionWay, le Cevipof et la Fondation Jean-Jaurès a été réalisée en avril. Quels sont les grands enseignements de cette enquête ?

Extraits

Afin de mesurer l’impact sur l’opinion de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, une vague spéciale du Baromètre de la confiance politique présenté chaque année par OpinionWay, le Cevipof et la Fondation Jean-Jaurès a été réalisée en avril. Quels sont les grands enseignements de cette enquête, qui permet notamment de comparer la confiance des Français avec celle des Britanniques et des Allemands ? Quel impact a cette crise sur la perception des inégalités, des tensions sociales ? Quelles sont les différences majeures avec nos voisins ? Gilles Finchelstein, Directeur de la Fondation Jean Jaurès, répond aux questions d’Émile et nous livre son analyse des résultats.

La méfiance à l’égard de la mondialisation déjà conséquente avant l’arrivée de la crise s’est-elle aggravée ? Qu’en est-il dans les autres pays européens ?

Dans notre enquête menée avec OpinionWay, on voit une nouvelle fois des singularités françaises. Exemple ?

Sur l’intensité de leur volonté de changement par rapport au système capitaliste : le pourcentage en faveur d’une réforme en profondeur du système capitaliste est de 45% en France (+6), de 21% en Allemagne (=) et de 19% au Royaume-Uni (-2)

Vous venez de publier avec le Cevipof et Opinion Way les résultats de la vague d’avril 2020 du Baromètre de la confiance politique des Français qui mesurent l’impact sur l’opinion de la crise actuelle liée au coronavirus. Quels sont les principaux enseignements de cette enquête ?

Cette enquête a une double spécificité qui la rend particulièrement précieuse : d’une part, elle est la réplique d’une vague que nous avions déjà faite en février, permettant ainsi de mesurer ce qu’a été l’impact de la crise du Covid-19 ; d’autre part, ce n’est pas une enquête franco-française mais une enquête étendue à deux de nos principaux voisins, qui ont par ailleurs adopté des stratégies très différentes dans la gestion de la crise, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

La première chose qui m’a frappé, ce sont les différences dans les conditions concrètes de confinement. Ainsi, et cela contredit peut-être des idées préconçues, quand on regarde le pourcentage de la population de chacun des trois pays qui vit le confinement dans une surface inférieure à 60 mètres carrés, on constate que cela concerne plus de 40% des Britanniques, près de 30% des Allemands et… 20% des Français (sachant que 63% d’entre eux sont confinés dans une maison). Ainsi encore, quand on regarde le pourcentage de la population de chacun des trois pays qui est confiné tout seul, on note une différence majeure entre l’Allemagne d’un côté (36%) et la France et le Royaume-Uni d’un autre côté (20%) – ce qui, en période de crise épidémique, constitue un avantage pour l’Allemagne, trop rarement souligné, dans la maîtrise de la circulation du virus.

La seconde chose qui m’a frappé, c’est l’évolution très différenciée du climat. Lorsque l’on regarde les quatre qualificatifs qui correspondent le mieux à l’état d’esprit dans les trois pays, il y en a trois de positifs en Allemagne, deux au Royaume-Uni et aucun en France. Dans notre pays, le mot méfiance reste en tête (32%), suivie par la morosité (28%, +6), la lassitude (28%) et la peur (27%, avec une progression de 17 points depuis janvier). En Allemagne, la sérénité reste en tête (39%, avec quand même une baisse de 9 points), suivie par le bien-être (27%, -4), la confiance (18%, +2) et la peur (18%, mais avec une progression de seulement 9 points). Au Royaume-Uni, enfin, la sérénité reste également en tête (35%, en dépit d’une chute de 11 points), suivie par la lassitude (27%, +8) la peur (25%, +18) et le bien-être (16%, -5).

Beaucoup de voix s’élèvent pour reprocher au gouvernement le manque d’anticipation dans la gestion de cette crise sanitaire sans précédent. Quel jugement portent les Français sur l’action de leurs dirigeants ?

D’un côté, les principales mesures sont approuvées et même massivement approuvées, qu’il s’agisse du confinement du 16 mars ou, plus largement, des principales mesures de soutien à l’économie comme le chômage partiel ou les avances de trésorerie. Il y a en moyenne entre 80% et 90% des Français qui approuvent ces mesures – et la liste n’est pas exhaustive.

D’un autre côté, la confiance globale envers le gouvernement a beaucoup chuté depuis le début de la crise : ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, dans le baromètre quotidien que réalise l’institut BVA[1], il y avait 55% des Français qui faisaient confiance au gouvernement dans la gestion de la crise le 19 mars, il n’y en a plus qu’aux alentours de 33% depuis maintenant plus de quinze jours. Cette faiblesse est plus éclatante encore lorsque l’on compare avec nos voisins. Dans l’enquête réalisée par OpinionWay, l’idée que le gouvernement a « dans l’ensemble bien géré la crise » n’est partagée que par 39% des Français quand elle est partagée par 74% des Allemands et 69% des Britanniques.

On comprend les raisons de cet écart entre pays[2] en analysant les mots les plus associés aux différents gouvernements : il y a une petite différence sur l’impréparation (terme cité par 38% des Français, contre 33% des Britanniques, et 26 % des Allemands) ; il y a surtout de grosses différences sur l’incompétence (terme cité par 31% des Français, contre 16% des Britanniques et 12% des Allemands) et sur l’opacité (respectivement 21%, 10% et 6%).


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