Cette lutte des classes au cœur de la pandémie

samedi 18 avril 2020.
 

Les douloureux événements que nous traversons, aussi singuliers soient-ils, ne laissent rien présager de l’avenir. Une violente lutte est engagée en ce moment même par les forces de l’argent et leurs valets politiques pour tirer avantage de la situation. Vite, il convient d’aider toutes celles et ceux qui, hier qualifiés de «  rien  », sont «  au front  » et d’investir cette lutte sous peine de laisser se déployer la voracité redoublée d’un capitalisme sanitaire, numérique et financier. Il en a déjà été ainsi lors des précédentes crises de 1997 à 2008. Il serait illusoire de penser que M. Macron changera. Mandataire des forces qui l’ont porté au pouvoir, il continuera à satisfaire leur rapacité. Il suffit d’écouter les abjects propos du président de l’ARS de la région Grand-Est sur l’objectif de réduction de postes à venir ou de lire cette note commandée par le pouvoir à la Caisse des dépôts visant à marchandiser plus encore la santé.

Puisque les travailleurs font tourner l’économie, le pouvoir doit leur revenir. Mais, aujourd’hui, les témoignages abondent de salariés mis sous pression dans la grande distribution ou l’automobile. Nombreux sont celles et ceux qui contractent le virus et certains en meurent… Des millions de travailleurs invisibles, notamment dans l’intérim, sont condamnés aux travaux imposés sans la moindre protection. Dans certains secteurs, des entreprises cherchent à prendre un avantage concurrentiel en pressurant plus violemment encore la force de travail grâce aux ordonnances de l’état d’urgence permettant d’augmenter la durée de travail et de limiter les congés payés. Les géants du numérique espèrent profiter du confinement pour élargir leur domination sur nos vies, nos besoins, nos imaginaires. Des gouvernements se saisissent du moment pour mettre à l’épreuve un contrôle poussé et numérisé de la population et faire passer des lois liberticides. De son côté, la Banque mondiale, en spéculant sur le malheur populaire, met en circulation des prêts usuraires destinés aux pays pauvres, appelés «  pandemic bonds  ». Le capital est bel et bien partout à l’offensive.

Pour autant, les forces d’argent ont dû concéder d’importants reculs  : les critères de Maastricht et le traité budgétaire européen ont volé en éclats, les dividendes sont contestés, des nationalisations envisagées, les contre-réformes sur les retraites ou l’assurance-chômage suspendues. Le saccage de l’hôpital public et de tous les services publics à coups de haches austéritaires, les délocalisations pour exploiter une main-d’œuvre mondiale et pressurer les salaires grâce au chômage de masse, le désastre écologique davantage encore mis en relief par l’arrêt d’une grande partie de la production, apparaissent crûment aux yeux des populations. Bref, le capitalisme est mis en accusation par les opinions publiques. Certains de ses soutiers le sentent au point de vouloir calmer les ardeurs, comme l’indique une note récente du groupe Natixis anticipant la «  crise du capitalisme néolibéral  ».

L’épidémie a ainsi contraint l’État, du moins dans les discours, à prendre ses distances avec les logiques brutales du capital. Jusqu’ici, le premier mettait sa puissance, ses lois, ses normes, au service du second. Désormais, la pression populaire oblige l’État à donner le sentiment qu’il serait disposé à renouer avec sa vocation sociale. Le président de la République et le premier ministre usent et abusent de paroles laissant croire que «  des biens et des services… doivent être placés en dehors des lois du marché  », ou célébrant «  la souveraineté  » et «  l’indépendance nationale  ». M. Macron a bien compris la nécessité de déployer, à défaut d’actes, un vocabulaire protecteur. M. Sarkozy s’y était également employé en 2008. On sait ce qu’il en advint et l’on constate que les personnels soignants, s’ils sont couverts d’éloges mérités, ne voient toujours rien venir. Ce n’est ici que la manifestation de tâtonnements politiques sous forte pression populaire.

Ce moment de fragilité est un moment propice pour une contre-offensive. Dans les interstices créés par la situation doivent se développer un projet social, écologique et démocratique, des initiatives citoyennes, des mises en commun d’idées, de projets, d’actes nouveaux à réaliser avec les travailleurs et les citoyens. Bref, une démarche d’initiative communiste, au sens premier du terme. D’autres l’appelleront sûrement autrement.

La majorité de nos concitoyens attende désormais des actes de rupture. Cela doit commencer maintenant. Ainsi, les salariés dont tout le monde vante l’utilité sociale et le courage pour assurer les besoins essentiels doivent bénéficier d’une hausse de salaire inscrite dans la durée. L’État doit être mis à disposition d’une appropriation sociale et démocratique des grands moyens de production et d’échange. Et le dogme de la propriété privée doit laisser place à un développement de la propriété commune. L’heure est à la promotion d’une «  sécurité sociale élargie  » pour progresser vers une «  sécurité humaine  » à rebours de l’insécurité permanente et de l’imprévoyance de la société capitaliste. Tout commande d’engager dès maintenant, et sans attendre un hypothétique «  jour d’après  », un redressement économique social et écologique. Si le capital cherchait à regagner ses marges vaille que vaille, et dans l’urgence, il ne le pourrait qu’au prix de nouveaux désastres écologiques et d’une exploitation plus féroce de la force de travail.

Et, puisqu’on écoute des médecins et des chercheurs durant cette épidémie, écoutons et prenons enfin en compte ce que disent les biologistes et les ouvriers, les climatologues et les paysans, les physiciens et les caissières, les philosophes de la pensée alternative comme les agents de la propreté. Bref toutes celles et ceux qui ne cessent d’alerter sur la catastrophe qui vient. Celle dont on ne se remettrait pas. Il est temps.


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