Agir en politique maintenant (Jean-Luc Mélenchon)

vendredi 10 avril 2020.
 

Dans la période récente j’ai consacré beaucoup de mon temps d’expression sur les questions de méthode de traitement concret du drame du coronavirus. Notre idée, parmi les insoumis qui animent le mouvement, est que ce moment particulier doit être davantage voué à créer des « causes communes » qu’à déclencher des zones particulières de conflictualité. Dans la période ordinaire, la conflictualité produit de la conscience. C’est sa fonction essentielle. L’action pour répandre nos idées s’appuie alors sur la focalisation sur des conflits précis dont le contenu et les formes représentent à nos yeux des exemples à suivre. Ce n’est pas de cette façon que se présente notre domaine d’action au moment présent. Pour autant, bien sûr il ne faut pas perdre des yeux un seul instant les situations de conflit sociaux qui pointent leur nez ici ou là dans le secteur de la santé, ici ou là dans les secteurs de la production où les salariés sont exposés sans protection et surtout sans raison. Et bien sur il faut y apporter tous les moyens de notre soutien.

Pour ce qui est de la prise de conscience il n’y a pas de déficit d’opportunité. Il va de soi que le contexte dans son ensemble représente à lui seule une véritable mise à nu de l’impasse dans laquelle le modèle néolibéral a plongé les sociétés. L’effondrement économique très prochain des États-Unis d’Amérique, le dérèglement économique généralisé qui surgit, la rupture sociale et donc, pour finir, au total, la commotion politique, viendront s’ajouter très bientôt au désastre sanitaire et à l’impasse écologique. La civilisation humaine est mise au pied du mur aussi rudement qu’elle l’a été chaque fois que le modèle de mondialisation a été mis en impasse comme ce fut le cas avec la Première Guerre Mondiale puis avec la Seconde, pour prendre des exemples récents. Le vingtieme siècle a commencé en 1914, le 21 éme commence sous nos yeux.

J’ai donc voulu dans les lignes qui suivent résumer quelques-unes des convictions qui me guident en tant que participant à l’animation d’un ample mouvement politique comme « les insoumis ».

Je le fais tel que je suis. C’est-à-dire pas seulement comme quelqu’un qui essaie de penser son époque ou même d’y trouver des réponses concrètes face aux situations auxquelles il se trouve confronté. Mais aussi du point de vue particulier de quelqu’un qui agit en accord avec la théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne. Selon cette théorie, nous vivons une bifurcation de l’histoire davantage qu’une « crise ». La crise suppose la possibilité d’un retour à l’état antérieur. Cette possibilité n’existe pas. Le futur à l’horizon se dessine dans une branche de l’alternative : ou bien des régimes autoritaires néolibéraux maintenant de force les relations sociales et économiques spécifiques de ce modèle et roulant en aveugle à l’effondrement écologique, ou bien le passage à un collectivisme écologiste avec tout ce que cela implique sur le plan de l’organisation des pouvoirs publics de l’économie et de la vie en société. Dans ce contexte la motivation de chacun d’entre nous doit être de bien comprendre ce qui se passe, y trouver sa place, et agir fermement et constamment pour atteindre nos objectifs. Nous ne devons chercher à nous substituer ni aux intellectuels qui nous aident à penser les événements, ni aux salariés qui agissent de leur propre chef. La place de militant politique est dans l’action politique, c’est-à-dire dans le travail pour offrir une alternative et en déblayer concrètement le chemin. Pour un tel militant il n’y a qu’un enjeu : comment se forme la conscience collective du grand nombre et comment faire pour l’influencer positivement.

1° Une période politique

Comment dire ceci avec force à mes amis qui me lisent ? Le moment que nous vivons ne doit pas être considéré ni traité de quelque façon que ce soit comme une mise entre parenthèses de la politique. Les jours, les semaines de confinement et d’omniprésence médiatique du thème de la crise sanitaire du coronavirus est un moment pleinement politique. Encore faut-il bien comprendre le sens du mot « politique ». Il ne s’agit pas ici de l’agitation, d’ailleurs assez insignifiante à cette heure, des différentes organisations politiques du pays. Je parle de « la politique » pour désigner tout ce qui touche à la formation d’une conscience commune dans la société. C’est-à-dire les choses qui paraissent évidentes à tout le monde, les besoins que chacun désigne comme légitime, les valeurs auxquelles le très grand nombre croit nécessaire de se référer.

Nous avons connu une ère d’hégémonie culturelle du néolibéralisme dans les années 90/ 2000. Ces idées ont été hégémoniques d’un point de vue de ce qui paraissait légitime au tout venant avec des phrases comme « libérer les énergies », « moins d’État, plus d’initiative individuelle », etc. Ces slogans ont paru « naturels » non seulement aux états-majors politiques qui les débitaient sans relâche mais aussi à de très amples secteurs de la société.

Bien sûr, comme d’habitude nous avons vu le retournement de tendance se produire d’abord dans la jeune génération. Elle contient aujourd’hui les secteurs les plus larges de refus du modèle dominant, de ses valeurs, de ses pratiques. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que ce soit à présent une nouvelle conviction hégémonique dans la société dans son ensemble. Mais la violence du choc du moment présent permet précisément que les valeurs et les solutions qui procèdent de la logique « collectiviste » fassent leur chemin de manière accélérée dans la société. Je ne dis pas qu’elles aient gagné. Je dis qu’elles progressent et qu’elles le font de façon accélérée, tant et si bien qu’à un moment ou un autre, la dynamique peut-être entièrement de ce côté-là, si nous travaillons bien.

C’est pourquoi le moment doit être traité comme un moment politique de haut niveau. Un moment comparable à celui que nous vivons dans ce pays lorsque se déroule l’élection présidentielle qui, dorénavant, concentre toute l’attention et la volonté politique du très grand nombre quand elle a lieu. Je ne cite l’élection présidentielle que pour désigner cet état d’esprit particulier que l’on rencontre à ce moment-là, et à aucun autre, dans un pays où la monarchisation des institutions a fini par rendre dérisoire tout autre rencontre politique. Je n’évoque donc pas ici la prochaine élection présidentielle, celle de 2022, dont plus que jamais il est impossible de dire quoi que ce soit compte tenu de la profondeur du désastre en cours de réalisation.

Dans ce contexte, un militant politique a une place et une opportunité particulière dans les événements. Une place qui peut être décisive. Il n’est pas question de pause dans l’action, ni de l’ajournement puéril du combat à un hypothétique jour j de sortie de crise pour proposer d’exercer le pouvoir à la place de ceux qui s’y montrent si désastreux. Le monde de demain se construit dès maintenant, dans les solutions du présent à la situation concrète du présent. Autant les contributions des intellectuels sur « le monde d’après » nous fournissent beaucoup de précieux outils de pensée, autant la dissolution des forces militantes dans l’espérance d’un colloque final de sortie de crise me paraît être particulièrement dangereuse. Car concrètement et au présent chaque jour les méthodes de régime autoritaire se déploient dans presque tous les pays et singulièrement là où le néolibéraux dirigent. La théorie du choc décrite par Naomie Klein fonctionne sous nos yeux jusqu’aux formes extrêmes qui s’observent au Brésil ou aux USA et dans combien de pays d’Afrique, au sud du Sahara.

2° La dynamique populaire d’une telle situation

Chaque moment crucial de l’Histoire collective d’un peuple contient une dynamique particulière qui l’anime et organise la logique des évènements jusqu’au débouché qui permet de passer à l’étape suivante. La quasi-totalité des révolutions qui se sont observées dans l’Histoire, du Moyen Âge à la période des deux guerres mondiales, en Europe et partout ailleurs dans le monde, sont rarement les résultats de mobilisation idéologique ou d’adhésion à la doctrine d’un parti. La crise politique initiale commence en général avec l’incapacité du système en place à répondre concrètement à une demande devenue hégémonique dans la société. C’est le plus souvent dans des situations extrêmes : une famine, une cherté des prix insupportables, une guerre qui ne finit plus, une paralysie partielle ou totale du fonctionnement de la société dans ses besoins élémentaires. Je dis bien : besoins élémentaires. Des choses simples mais fondamentales. Des choses sans lesquelles on ne peut vivre ou bien dont on peut mourir. S’il est vrai que le coronavirus frappe davantage certains secteurs de la société pour des raisons sociales, il n’en demeure pas moins que tout le monde est menacé. Pire : dans une société où la classe moyenne était déjà dans une sérieuse mise à distance des « premiers de cordée », le fossé entre les milieux dirigeants et la masse de la société est plus profond. Le terrain est donc favorable à la contagion du refus de l’ordre politique actuel.

Dans l’Histoire, on observe chaque fois comment le déclenchement de la situation se fait par un événement fortuit, improbable, hors catégorie. Tel est le coronavirus sur une société qui a réuni toutes les conditions pour que cet impact soit foudroyant et désastreux. Mais ne perdons pas de vue à quel point il est profondément révélateur aux yeux du grand nombre de toutes les aberrations du modèle économique, social et politique qui constitue « l’ordre établi ». Au total, la dynamique des questions concrètes auxquelles le régime ne peut répondre se nourrit de la colère d’une base large et rencontre une construction pyramidale friable. Un contexte caractéristique de la vieille formule : « en haut on ne peut plus en bas on ne veut plus ». Comment sortir de la catastrophe sanitaire ? Comment honorer le pacte français « Liberté Égalité Fraternité » qui revient a l’ordre du jour dans chaque grande épreuve nationale ? Le pouvoir aimerait pouvoir répondre. Mais il ne sait comment. Cela se voit. Et l’omniprésent président bavard suivi de son intendant général qui compte les blouses manquantes, les tests inutiles, les masques superflus et ainsi de suite lassent à longueur de soirée télévisée. Personne ne supporte de dépendre des Chinois et des Cubains pour espérer s’en sortir.

3° Le caractère global du moment

Les caractéristiques du contexte sont bien sûr matérielles telles que l’on peut les connaître en analysant sérieusement tous les aspects de la situation. Mais un des facteurs essentiels reste la perception qu’en a la grande masse de la population. C’est dans la façon dont se forme cette perception, la façon avec laquelle elle s’entretient, les circonstances qui la nourrissent, que se joue l’élément décisif du consentement à l’ordre ou du refus de celui-ci. De telles situations ont un caractère politiquement global. À chaque instant, dans chaque aspect c’est la totalité de la situation qui s’incarne.

Ainsi, chaque soir à 20 heures des centaines de milliers de gens acclament le dévouement du personnel hospitalier. Il n’est une réunion ou une prise de parole officielle sans que des flots de paroles soient déversés dans cette direction. Mais dans le même temps les personnels hospitaliers de la première ligne se sentent totalement désarmés parce qu’ils ne voient pas venir ni les masques qui leur sont promis, ni rien de tout ce dont ils auraient besoin. Et ils le disent, le crient. Et cela par un très grand nombre de voix à tous les étages de la hiérarchie hospitalière. Le grand nombre l’entend et il en tire la conclusion que la parole officielle est une mystification. Il se dit que ceux qui prononcent les grands mots sont incapables de tenir leurs objectifs.

Deux questions surgissent alors et se disputent l’avant-scène. « Comment en est-on arrivé là ? », « Que faudrait-il plutôt faire pour se tirer d’affaire ? ». La première question se convertit sous la forme d’une défiance abyssale, la seconde est le véritable enjeu pour la conquête des consciences. C’est là que le collectivisme doit faire son travail : prouver qu’il porte des méthodes plus efficaces, plus démocratiques, plus honorables et morales que celle du pouvoir néolibéral. Le caractère global des enjeux du moment se révèle à la conscience de chacun chaque fois que commence à être tiré le fil de la question « Comment en est-on arrivé là ? ». Ce n’est pas seulement une affaire de responsabilité ou même de culpabilité individuelle. Quoique la question soit posée de tous côtés.

Le grand nombre interroge tout le système qui a produit ce résultat. Il ressent avec amertume à quel point les innombrables sacrifices sociaux qui ont été demandés jusqu’à une période récente n’avaient d’aucune façon pour objet la satisfaction d’un intérêt général. Les gens comprennent que ce fut le contraire. Mais les mots que nous employons concernant la planification, les réquisitions l’idée d’une coordination générale de la production au service du règlement du désastre sanitaire, tout cela est entendu avec faveur. Je n’apprendrai rien à mes lecteurs en disant qu’avec les mots viennent la grammaire et la syntaxe. La construction d’une nouvelle hégémonie culturelle dans le pays peut s’ancrer dans l’épisode que nous vivons, mieux qu’avec des milliers de tracts. Plus les mots se répandent, mieux il est compris que la crise écologique aussi bien celle qui a rendu possible le coronavirus que celle qui va venir avec les événements du changement climatique, tout cela, le néolibéralisme est incapable de le gérer au profit de tous.

C’est à ce niveau qu’il faut situer l’intervention politique. D’un côté les réponses concrètes inspirées de la méthode du collectivisme, de l’autre les valeurs morales et philosophiques qui accompagnent ces méthodes. C’est une perte de temps de s’acharner de façon négative sur la faillite du régime. Leur déroute est inscrite dans la logique de situation aussi bien par leur incapacité à régler avec des méthodes néolibérales le problème posé que par les comportements des personnages qu’ils ont recrutés pour mettre en œuvre leurs politiques. Le préfet Lallement, les responsables de l’ARS de l’est en plein désastre sanitaire mais qui continuent à planifier des suppressions de lits d’hopitaux, pour ne citer que ceux-là, font plus et mieux que n’importe laquelle de nos dénonciations. Bien sûr, nous devons aussi être les porte-paroles de la colère. Mais l’essentiel est pour nous de proposer des « causes communes ». C’est-à-dire proposer des moyens concrets empruntés aux programmes et aux méthodes de « L’Avenir en commun » pour tirer le pays d’affaire.

4° La révolution citoyenne et le moment

Les événements que nous vivons, considérés du point de vue des prises de conscience politiques qui s’opèrent dans le grand nombre, ne peuvent pas être séparés des séquences qui les ont précédés. L’influence de l’action des gilets jaunes et de leurs méthodes, les mobilisations de la période de la réforme des retraites, tout cela forme un labour qui prend sa place dans l’état d’esprit du présent. Il en va de même d’ailleurs sous bien des latitudes et des pays. Mais le plus important est que la direction dans laquelle les peuples se dirigeront nous confortent dans ce que nous avons appris de la théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne. Oui, c’est bien par les réseaux collectifs, par l’urbanisation et par la globalisation que la crise est née et qu’elle s’est propagée. Et, partout, d’ici peu, devant la faillite concrète des pouvoirs en place c’est la volonté d’autocontrôle, cette essence de la citoyenneté active, qui sera la ligne de déploiement des événements sociaux et politiques.

Dans cette perspective il faut tenir compte du fait que le désastre va s’avancer sous plusieurs formes. Son aspect sanitaire est assez évident. Mais l’effondrement économique qui va résulter du désastre sanitaire aux États-Unis d’Amérique ne fait que commencer. Les États-Unis d’Amérique sont les premiers partenaires commerciaux de l’Europe dans l’ordre économique actuel. Avec le dollar, ce pays est l’emprunteur final du monde entier. La circulation monétaire de sa monnaie se réalise sans que ce pays produise les valeurs matérielles correspondantes. Je viens de résumer les failles béantes qui menacent le centre du monde.

Les deux piliers du pouvoir nord-américain sont l’armée et la monnaie. L’armée n’échappera pas au coronavirus. La monnaie dollar a une circulation étroitement liée non seulement au commerce matériel mondial mais avant toute chose au règlement de la matière première numéro un du monde contemporain : le pétrole. À 20 $ le baril, tout le système plonge. Une partie des exploitations qui avaient rendu leur indépendance aux États-Unis d’Amérique ne sont plus viables à ce tarif. Elles chuteront. Leur chute aura son effet domino. Les pays du golfe qui voient leurs ressources effondrées font savoir qu’ils peuvent trouver un intérêt à la valorisation de leur monnaie. C’est la raison pour laquelle ils envisagent de se faire payer en monnaie nationale. En effet, c’est la seule et unique manière qui leur permet de compenser ce qu’ils perdront, ce qu’ils sont en train de perdre, avec le cours actuel du baril de pétrole.

10 millions de chômeurs supplémentaires en 10 jours aux États-Unis d’Amérique ! Des morts déjà par milliers. Mais si les Français font des provisions de produits alimentaires et de papier hygiénique, les nord-américains ont fait la queue pour se procurer des armes. La déchéance morale de ce pays est stupéfiante. On devine ce qui est à la clé de tels comportements collectifs. En toute hypothèse, la commotion sociale viendra parce qu’il n’existe pas d’êtres humains qui acceptent de se faire dépouiller de tout et abandonnés à la mort sans essayer de se frayer un chemin de sortie d’une telle situation. Et il va de soi que la seule méthode envisagée jusqu’à présent, c’est-à-dire la répression brutale, trouvera rapidement ses limites. Une des raisons de cette limite est que les forces de répression elles-mêmes sont sujettes à la maladie et leurs familles au désespoir social. C’est de cette façon que se construisent pour finir les ruptures politiques. Ces enchaînements, cette transcroissance des situations qui passent d’un point à un autre, non pour des raisons idéologiques mais du point de vue des dynamiques de contexte, c’est ce que décrit la théorie de la révolution citoyenne.

Encore une fois la clé n’est pas dans le futur mais dans le présent. Dans le livre « L’Entraide » de Pablo Servigne, celui-ci décrit assez bien la situation qui résulterait d’un retard de la conscience sociale et civique sur la dynamique de l’effondrement des institutions de la société. Je partage son idée : si nous entrons dans le paroxysme de la « crise » avec la mentalité, les principes d’action et les valeurs d’égoïsme social et d’indifférence aux autres dont le néolibéralisme nous a infectés, la violence de la catastrophe sera beaucoup plus grande que si nous y entrons avec les valeurs et principes d’action de l’entraide et de l’action collective. Au total, le moment actuel fusionne en un processus unique des exigences philosophiques, morales et sociales qui sont au cœur de l’humanisme sur lequel est fondé le concept « insoumis ». Le refus de se soumettre aux normes de ce monde et de ses règles du jeu est le levain du monde d’après. Mais encore une fois, il doit faire son œuvre à présent sous formes de méthodes concrètes (réquisitions, nationalisations, démocratisation) pour qu’il puisse se prolonger après.

5° Le rôle du mouvement insoumis

Dans ce contexte, si l’action politique est essentielle, il faut en décrire les conditions primordiales. En France, nous sommes une opposition politique avec des groupes parlementaires au cœur des institutions qui organisent la démocratie. Il ne saurait être question de renoncer à ce rôle sous prétexte « d’union sacrée » et de toutes les déclinaisons d’un concept dont nous savons très bien que, pour le pouvoir actuel, il signifie essentiellement : « silence dans les rangs ». Opposants nous sommes et le restons. Et cela d’autant plus que c’est une condition pour empêcher l’enfermement dans lequel progressivement les néolibéraux ont plongé les sociétés qu’ils dirigent.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les méthodes qu’ils avancent à propos du désastre sanitaire sont celles qui leur conviennent qu’il y ait désastre ou pas. On a connu la méthode déjà. L’état d’urgence contre le terrorisme a été prolongé six fois jusqu’à ce que le régime macronien décide que « pour sortir de l’extraordinaire » on fasse entrer l’essentiel des mesures correspondant à l’état d’urgence dans le droit ordinaire. On a vu ensuite le prix qu’il a fallu en payer pour les citoyens engagés dans des luttes écologiques et sociales. La loi sur les mesures d’urgence sanitaire, que les parlementaires insoumis ont repoussée en votant contre, n’était pas encore adoptée que déjà la suite nous était annoncée. Stanislas Guérini coordinateur du mouvement « La République en Marche » nous annonçait en plein hémicycle que, le moment venu, il faudrait penser à faire rentrer dans le droit commun ordinaire les mesures d’exception de cet état d’urgence sanitaire. Ce n’est pas rien au plan social. Mais l’état d’urgence sanitaire comporte de nouveau un ample volet liberticide qui cherche chaque jour à s’étendre par de nouvelles trouvailles comme cette idée du contrôle individualisé par surveillance téléphonique…

Pour un mouvement comme le nôtre, la tâche essentielle est de coller au terrain et à toutes ses capacités d’auto-organisation. Encore une fois nous ne sommes pas un parti ni une avant-garde. Mais des éclaireurs et des déclencheurs. La première tâche consiste à réanimer l’espace politique. Je viens d’y consacrer le début de cet article en disant ce que cette expression signifie. Pour l’essentiel : valoriser les méthodes et les solutions concrètes du collectivisme. C’est-à-dire la planification, les réquisitions et la démocratisation de la réplique populaire à la crise sanitaire dans les entreprises. Il faut donc agir. Stimuler les consciences, proposer de l’action politique dans le registre qui est le nôtre, c’est-à-dire le discours politique sur l’organisation de la société et de la réponse concrète au désastre sanitaire.

Nous nous déployons donc dans plusieurs directions. J’ai publié un petit post sur ce sujet. Il fait le bilan de tout ce qui est entrepris par le mouvement Insoumis. Ici je ne viens que sur un point. Je veux parler de la manif en ligne que nous avons organisée samedi 4 avril. Elle a provoqué une riposte des trolls de « La République en Marche ». Cela a bien stimulé notre propre mobilisation. Avec 100 000 participations, nous estimons avoir construit un succès et apporté la preuve que la méthode avait son efficacité. C’est pourquoi nous pouvons penser que notre proposition de recommencer cette manifestation samedi prochain soit partagée. Oui, dès la semaine prochaine nous voulons réussir une nouvelle manif en ligne. Un bon signal a été donné par des personnalités et l’organisation politique « Génération.s » qui ont partagé l’initiative chacune avec leurs mots. Cette méthode radicalement ouverte est la nôtre. Nous la combinons avec l’idée de la « manifestation au balcon » qui invite chacun à afficher sur son balcon les mots d’ordre ou l’humour qu’il juge nécessaire dans le contexte.

Notre ennemi c’est l’inertie, la résignation, l’absorption aveuglée du discours du pouvoir. En prouvant l’existence d’un ample secteur critique de la société, nous donnons du poids aux propositions alternatives qui viennent du terrain. Nous obligeons le pouvoir à ne pas s’étourdir de ses propres paroles. Je crois que nous avons fait œuvre utile en lançant lundi dernier le thème du déconfinement. En effet c’est une opération extrêmement compliquée à organiser pour la réussir. Il faut mettre en œuvre tous les moyens qui ont manqué au moment de l’entrée dans la crise. C’est donc une occasion pour tout le monde de bien faire, de mieux faire, de faire efficace. De cette manière il se construit une conscience commune de la situation et des tâches à accomplir. C’est 100 % positifs. 100 % propositionnels. 100 % concrets et immédiats. C’est sur ces fondations que nous construirons la suite.


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