RMI, RSA ? C’est l’emploi qui n’est pas assez rémunéré pour pouvoir vivre dignement. (Christophe Cavard Vice Président du Conseil Général du Gard Délégué à l’insertion)

dimanche 29 juillet 2007.
 

Alors augmentons les salaires, et sécurisons les parcours professionnels, plutôt que de toujours démanteler un peu plus le droit du travail avec pour conséquence sa précarisation.

D’après Martin Hirsch, « en France, les bénéficiaires des minima sociaux ont souvent intérêt à ne pas travailler pour ne pas perdre les revenus de la solidarité nationale ». C’est ainsi qu’il justifie la création du Revenu de Solidarité Active afin de « passer d’un système dans lequel on peut soit relever des prestations de l’assistance, soit entrer dans le monde du travail sans garantie de sortie de la pauvreté, à un système permettant de combiner revenus du travail et revenus de solidarité". N’est ce pas là un aveu terrible : le travail ne permettrait pas, pour de très nombreuses personnes, de vivre des revenus de son activité ! Comment ne pas être interpellé par ce phénomène, et comment s’en accommoder aussi vite grâce à des mesures telles que le RSA visant à l’institutionnaliser ?

Si Martin Hirsch considère « qu’un allocataire du RMI a souvent moins de ressources quand il reprend un emploi », il confirme que l’emploi n’est pas assez rémunéré pour pouvoir vivre dignement. Alors augmentons les salaires, et sécurisons les parcours professionnels, plutôt que de toujours démanteler un peu plus le droit du travail avec pour conséquence sa précarisation. Le RSA est pourtant un nouvel outil à cet effet.

Je peux témoigner en effet, que depuis l’impulsion Borloo en faveur du développement du secteur des « services à la personne », les bénéficiaires de minimas sociaux qui se voient proposer 2 heures de jardinage le dimanche après midi et 3 heures de ménage le mardi, ne perçoivent pas toujours l’intérêt de répondre favorablement à ces offres d’emplois, dans la mesure ou les montants perçus seront dégrevés de leur RMI mensuel. Au final ils ne gagnent pas plus. Je peux témoigner également que les contrats aidés des secteurs marchands (RMA) et non marchands (CAV, CAE) arrangent bien les employeurs, mais ne permettent pas à leurs bénéficiaires de vivre décemment de leurs revenus. Ou est le problème ? N’est il pas du côté de la précarisation du travail, de la volonté persistante à baisser son coût, plutôt que de celui d’un soi disant « confort » dans l’inactivité ? L’amalgame est pourtant soigneusement entretenu ! Peut-on continuer d’alimenter sans réagir l’idée que les 5 millions de sans emploi dans notre pays le sont par choix ?

Nous ne pouvons poursuivre dans la voie qui suppose que des personnes bénéficiaires du RMI se satisferaient de vivre avec 420 euros par mois, exclues des systèmes de droits communs, soumis à la bonne ou mauvaise volonté des conseils généraux, dans un pays, ou le coût de la vie quotidienne augmente (loyers, transports, privatisation des services publics...) au profit des spéculateurs qui tirent leurs bénéfices du « tout marchand », y compris les vies humaines. Dans le cadre de ma délégation à l’insertion au Conseil Général du Gard, je pars toujours du postulat que chaque bénéficiaire du RMI souhaite vivre dignement de son travail, et qu’il ne peut être question d’avoir de la défiance envers des individus qui se trouvent en situation précaire, quelques en soient les causes, et ceci malgré les pressions populaires relayées par de nombreux élus qui consisteraient à considérer que parfois, quelques uns « profitent » ou « s’accommodent » trop facilement de vivre avec un minima social. Pourquoi nous tourne-t-on aussi directement vers des « victimes » d’un système qui défaille, qui récompense les actionnaires de grands groupes lorsqu’ils licencient, ou précarisent le travail ? Est-ce parce que ceux là ne font pas partie de nos voisins, que nous ne les avons pas sous la main, qu’ils sont « invisibles » ? Ou cherche-t-on habilement à nous faire oublier de nous en prendre à eux, avec des focales type RSA qui détournent nos regards ?

La tendance consiste aujourd’hui à la culpabilisation grandissante des personnes vivant soi disant au « crochet » de la solidarité, même plus nationale puisque décentralisée, alors que l’ensemble du système de répartition est mis à mal. Le RSA voté dans le même texte que le bouclier fiscal, quelle ironie ! Dans la même loi on baisse les impôts des plus riches, et par la même on conforte les profits boursiers, tout en cherchant de manière détournée à désigner les coupables de dépenses publiques qui seraient les bénéficiaires de minima sociaux.

Le RSA engendre des distorsions graves dans les systèmes de répartition : il revient à demander aux fonds publics de financer le travail précaire. Il conforte le travail précaire. Il avalise la pauvreté, il l’institutionnalise. Alors qu’il serait si simple, dans un premier temps, de répartir le gâteau des richesses perçues par les monopoles capitalistique, les groupes de la grande distribution, des médias, du bâtiment... Demandez à un artisan, au petit commerçant du quartier, au paysan « raisonné », la dose d’énergie qu’ils déploient pour lutter contre la concurrence des filiales de ces groupes en activité sur les territoires ! Toutes les personnes qui perçoivent le RMI que j’ai pu rencontrer m’ont témoigné leur volonté de travailler, et de gagner correctement leur vie, afin de pouvoir se loger, se nourrir, se déplacer, se vêtir, accéder aux loisirs et aux spectacles...

Certaines, certes, sont même allées jusqu’à exprimer leur aspiration à vouloir donner du sens à leur vie, et pour cela à ne pas exercer n’importe quelle activité à n’importe quel prix. Je les soutiens car pourquoi certains y auraient droit, par chance d’être « bien né », et d’autres non alors qu’ils le souhaitent tout autant ? Comment contester ces aspirations, comment cautionner l’indécence qui consisterait à demander à certains de faire des efforts, et de surcroît mal rémunérés, alors que dans le même temps au vu et au su de tous d’autres s’en mettent « plein les poches » en spéculant sur la déréglementation du droit du travail ? Il y a de plus en plus de très riches, dont on ne perturbe pas le sommeil à l’heure de la sieste sur le ponts des yachts, et de plus en plus de très pauvres, sur lesquels tous les regards se portent pour soi disant expliquer les dysfonctionnement sociaux : assistés, délinquants, chômeurs, malades...

Il y a plus que jamais en France un considérable problème à dénoncer : celui de l’injustice. Le travail est le cœur du sujet, sa rétribution tout d’abord, mais aussi l’intérêt qu’on lui porte, et ce qu’il apporte à la collectivité. Ses objectifs ne peuvent pas être d’enrichir une poignée de financiers et leurs représentants actuellement au gouvernement, qui sciemment alimentent un réservoir de potentiels travailleurs au rabais. M. Sarkozy, nous ne sommes pas des troupeaux de moutons, nos vies ne sont pas à vendre. M. Hirsch, les bénéficiaires de minimas sociaux ne sont pas des « sous hommes » à qui l’on réserverait les tâches les plus ingrates, et les plus mal payées. Les considérez vous inaptes ? Insuffisamment productifs ? Est ce pour cela que vous souhaitez leur réserver un statut spécial ? Le RSA est une mesure de discrimination positive, qui revient à confirmer qu’il y a discrimination ! Le véritable chantier est donc de s’attaquer à ses sources et à ses causes profondes.

Cela nous engage à mener ce débat avec lequel nous flirtons tous à gauche, sans être arrivés cependant à nous rassembler pour le porter haut et fort : les finalités sociales et individuelles du travail, de la production, de la transmission, des échanges, et la juste place de chacun dans une société égalitaire


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