Retraites à points : la rigidité néolibérale

mardi 28 janvier 2020.
 

Le système universel de retraites décidé par le gouvernement Macron est d’office, et sans discussion possible, un système à points. Il s’avère que ce choix n’est nullement motivé par une quelconque justice ou équité, mais par la nécessité pour le capital de sanctuariser le maximum des montants réservés aux retraites.

Le gouvernement Macron a décidé de fusionner les 42 régimes de retraites existants en France en un système universel. Les fondements de ce projet ont été détaillés dans le rapport Delevoye rendu public en juillet 2019 : il s’agira d’un système à points et non d’un système à annuités. Quelle est la différence entre les deux ?

L’actuel régime de base du privé de la sécurité sociale tout comme le régime général des fonctionnaires sont des systèmes à annuités. Dans le privé, la retraite de base est égale à 50 % de la moyenne des 25 meilleures années de la carrière. Dans le public, elle est égale à 75 % de la moyenne des 6 meilleurs salaires bruts consécutifs1).

Le régime complémentaire Agirc-Arrco des salariés du privé – qui se rajoute au régime de base – est un régime à points : on accumule des points par des cotisations tout au long de sa carrière et le montant de la retraite est déterminé par le nombre de points multiplié par la valeur du point au moment de prendre la retraite. Le point Arrco vaut actuellement 1,2513 euros. Si vous prenez aujourd’hui votre retraite et que vous avez 4000 points, votre retraite complémentaire Arrco sera donc de 5005,20 euros par an. Le choix du système à points : un immense bobard

Le choix du régime à points est justifié par le principe selon lequel « chaque euro cotisé doit ouvrir les mêmes droits. » Si ce principe est, comme nous le verrons, extrêmement discutable, il ne justifie pas en lui-même le choix d’un système à points. On peut, en effet, tout aussi bien appliquer le principe « chaque euro cotisé doit ouvrir les mêmes droits » avec un système à annuités : il suffit simplement de définir la période de référence comme étant l’ensemble de la carrière. Mais la différence entre les deux tient à la nature des prestations du système de retraites et c’est ici que tout se joue. Le système à annuités est dit à « prestations définies » alors que le système à points est dit « à cotisations définies ». Dans le premier, le montant de la retraite est conditionné par les salaires qui ont été payés dans le passé. De ce point de vue, la pension de retraite est vue comme une continuité du salaire. Dans le second, le montant de la retraite est fonction des sommes cotisées et sera déterminé par la valeur du point au moment du départ à la retraite.

C’est ici que se joue l’essentiel. Si la gouvernance du système de retraites défini dans le rapport Delevoye est un système complexe qui peut sembler paritaire (un conseil d’administration composé pour moitié, de représentants syndicaux et pour l’autre moitié, de représentants patronaux) et participatif (deux chambres : un conseil de 30 citoyens tirés au sort et une assemblée générale assurant « une représentation la plus large possible de l’ensemble des parties prenantes de la retraite »), il n’en reste pas moins vrai que « le cadre du pilotage du système universel de retraite sera défini dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. » À ce sujet, le rapport Delevoye ne laisse planer aucun doute : « le niveau de cotisations sera équivalent à la situation actuelle » et « le poids des dépenses de retraite du système universel est conçu pour respecter l’enveloppe de dépenses projetée par les travaux du COR. » En clair, il s’agit de limiter le volume consacré aux retraites à 14 % du PIB et ce, même si le ratio entre les retraités et les actifs augmente.

Le système à points est donc l’outil indispensable pour gérer les retraites selon ce principe : il permet de revoir à la baisse le montant des retraites par ajustement de la valeur du point et si on refuse la baisse, ce sera alors l’âge de départ à la retraite qui sera retardée. Un système à prestations définies supposerait au contraire que le montant consacré aux pensions s’ajuste en fonction des besoins, exactement ce que refuse ce gouvernement. « Chaque euro cotisé doit ouvrir les mêmes droits » n’est donc pas la véritable raison du choix délibéré et sans discussion possible du système à points. « Chaque euro cotisé doit ouvrir les mêmes droits » : est-ce vraiment juste ?

A priori, cela paraît l’application la plus naturelle de la justice : pourquoi donc l’euro cotisé de mon voisin rapporterait-il plus que le mien ? Voilà qui semble relever d’une logique imparable. Et pourtant, appliqué aux régimes de retraite, c’est tout sauf évident.

Dans un système à annuités ou à ouverture de droits à partir d’un certain âge en fonction des salaires passés, un élément déterminant est la période de référence des meilleurs salaires. 6 mois dans la fonction publique, 10 ans dans le privé avant la réforme Balladur, 25 ans comme actuellement dans le privé, ou la moyenne de la totalité de la carrière ? Si nous prenons la totalité de la carrière, ceci signifie qu’une personne qui a eu une carrière heurtée avec de nombreuses périodes de chômage ou de faibles salaires se verra définitivement pénalisée au moment de prendre sa retraite, ce qui fait office de double peine. C’est la raison pour laquelle d’autres souhaitent que la période de prise en compte des meilleurs salaires soit la plus courte possible. Mais dans ce cas, une personne qui a travaillé toute sa vie avec un petit salaire se verra pénalisée par rapport à une personne qui n’a eu de bons salaires que durant une petite période. Inversement, si on considère que le salaire a tendance à progresser tout au long de la vie (ce qui n’est pas toujours vrai d’ailleurs), on pourra considérer qu’une période de référence courte permettra un bon niveau de remplacement du dernier salaire de façon à ce que le niveau de vie se maintienne à la retraite…

On le voit, cette question de la période de référence idéale est tout sauf simple et mérite d’être débattue au sein du salariat. Mais une chose reste certaine : avec le système à points, la période de référence sera toujours la totalité de la carrière. C’est le système le plus rigide qui soit, un système qui a été choisi, non pour son caractère juste et équitable comme on l’a vu, mais pour garantir au capital que les montants consacrés aux pensions n’augmenteront pas à l’avenir.


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