Le journaliste Taha Bouhafs en garde à vue 24 heures puis poursuivi

vendredi 24 janvier 2020.
 

1) Réactions de députés de La France Insoumise

Je demande la libération immédiate du journaliste #TahaBouhafs... Alexis Corbière

“Le président de la République exfiltré goûte à l’impopularité en pleine capitale. Faute de pouvoir argumenter il exige la répression et l’arrestation d’un journaliste”, accuse aussi Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne.

“On arrête un journaliste pour avoir tweeté sur la présence du Méprisant au théâtre. Bienvenue en Macronie”, déplore également la députée insoumise Danièle Obono

2) Pourquoi le « journaliste militant » Taha Bouhafs a-t-il été interpellé ? (Le Point)

Il est soupçonné de participation à « un groupement en vue de commettre des violences » et serait à l’origine du rassemblement anti-Macron aux Bouffes du Nord. Par Aziz Zemouri

https://www.lepoint.fr/societe/pour...

L’article 222-14-2 est bien connu des pénalistes qui ont ferraillé devant les tribunaux en défense des Gilets jaunes. Il sanctionne le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens. Dans ce même contexte, les violences psychologiques font l’objet de la même répression pénale. La peine maximale encourue est d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Vendredi soir, le « journaliste militant » Taha Bouhafs a été interpellé pour participation à « un groupement en vue de commettre des violences ».

Taha Bouhafs serait à l’origine du rassemblement hostile au président de la République venu assister à une représentation de La Mouche au théâtre des Bouffes du Nord. Un policier a été blessé à la cheville. Avant l’intervention des CRS pour repousser les quelques manifestants tentant d’entrer dans le théâtre, une compagnie d’intervention de la direction de l’ordre public et de la circulation avait d’abord essuyé les plâtres. Jets d’œufs et rasade de bière ont ponctué leur soirée. Malgré les renforts, des militants anti-Macron ont forcé les portes réussissant presque à accéder à la salle de spectacle.

Un cadre judiciaire clair

Selon les policiers en intervention, contactés par Le Point, il s’est agi pour eux d’éviter que les plus virulents ne « s’en prennent physiquement à la personne du président de la République. Si la représentation a été un peu perturbée, ils n’ont pas été en contact du chef de l’État ». Les policiers sont intervenus dans un cadre judiciaire clair. Selon la police, c’est en raison d’un délit commis en flagrance que Taha Bouhafs a été interpellé. « Il ne s’agit pas d’un délit d’opinion. »

Pour les forces de l’ordre, Taha Bouhafs n’est pas considéré comme un journaliste exerçant son métier. Lors de son arrestation, il a décliné son identité à l’aide d’un passeport algérien et n’a pas montré de carte de presse. Néanmoins, la non-détention d’une carte de presse ne présume pas du fait qu’il ne soit pas journaliste. La jurisprudence et la pratique professionnelle permettent d’exercer le journalisme sans être titulaire du sésame délivré par la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels. D’autant que ses critères d’attribution ne tiennent pas compte de l’évolution de la précarité dans la profession de ces dernières années.

3) Taha Bouhafs, bouc émissaire par racisme ?

Taha Bouhafs est-il responsable de la tentative d’intrusion aux Bouffes du Nord, comme l’affirment plusieurs cadres LREM ? Sur Twitter, plusieurs journalistes soulignent que le jeune homme n’est pas le premier à avoir signalé sur ce même réseau la présence du couple présidentiel dans ce théâtre parisien.

Quelques minutes avant lui, un compte se présentant comme le “Comité de grève du 12e arrondissement de Paris”, et affichant 2000 abonnés, a écrit à 20h46, soit une dizaine de minutes avant Taha Bouhafs : “Macron vient d’entrer au théâtre des Bouffes du Nord pour assister au spectacle ! Il se moque de nous ! Soyons toutes et tous devant dès maintenant pour l’accueillir comme il se doit”.

Comité de grève du 12ème arrondissement

Macron vient d’entrer au théâtre des Bouffes du Nord pour assister à un spectacle ! Il se moque de nous ! SOYONS TOUTES ET TOUS DEVANT dès maintenant pour l’accueillir comme il se doit.

Pour visionner des tweets signalant avant Taha Bouhafs la présence d’Emmanuel Macron au Théâtre, cliquer sur l’adresse ci-dessous (en fin d’article) :

https://www.huffingtonpost.fr/entry...

4) Le reporter Taha Bouhafs remis en liberté (Le Parisien)

http://www.leparisien.fr/faits-dive...

Le journaliste et militant Taha Bouhafs, qui avait signalé sur Twitter la présence d’Emmanuel Macron vendredi au théâtre parisien des Bouffes du Nord, est sorti de garde à vue samedi soir.

Le parquet de Paris a ouvert dans la foulée une information judiciaire pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations » et « organisation d’une manifestation non-déclarée ». En fin de soirée, le juge d’instruction a choisi à ce stade de placer Taha Bouhafs sous le statut de témoin assisté, intermédiaire entre la mise en examen et le statut de témoin simple.

« C’est un dépassement inédit des atteintes à la liberté d’informer et aux droits des journalistes, à la demande de l’Elysée », a réagi auprès de l’AFP Me Arié Alimi, l’avocat de Taha Bouhafs, pour qui « ce n’est que le début d’une affaire d’Etat ».

Pour rappel, la représentation à laquelle assistait le chef de l’Etat a été brièvement perturbée par une tentative d’intrusion de manifestants dans le théâtre, au 44e jour de grève contre la réforme des retraites.

« Si vous informez, vous risquez la prison »

« Par cette demande, l’objectif du Parquet est de garder le portable de Taha Bouhafs et le bénéfice du secret de l’instruction, pour masquer le vide du dossier… », avait déclaré Me Arié Alimi, selon le journaliste indépendant proche de Taha Bouhafs, David Dufresne, avant que la décision du juge d’instruction ne soit connue. « C’est un message adressé par l’exécutif et le parquet à tous les journalistes. Si vous informez, vous risquez la prison », a ajouté l’avocat.

Dans la soirée, un collectif rassemblant des médias (L’Humanité, Mediapart…), des syndicats et des associations (Attac, LDH) a également dénoncé cette procédure judiciaire. « Il est inconcevable que le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, prenne la décision de priver ce journaliste de sa liberté à la demande de l’Elysée et du GSPR alors même qu’il n’a commis aucune infraction », peut-on lire dans ce communiqué.

Retour sur les faits. Avant le début de la pièce de théâtre, Taha Bouhafs avait expliqué sur Twitter se trouver « trois rangées derrière le président de la République ». À noter qu’il n’est pas le seul internaute, et pas le premier, à avoir signalé sur les réseaux sociaux la présence du président de la République.

« Des militants sont quelque part dans le coin et appellent tout le monde à rappliquer. Quelque chose se prépare… la soirée risque d’être mouvementée », avait-il ajouté.

Il avait ensuite demandé à ses dizaines de milliers d’abonnés s’il devait ou non lancer ses chaussures sur le président, à l’image du célèbre geste d’un journaliste irakien contre le président américain Georges W. Bush en 2008. « Je plaisante […] la sécu me regarde bizarre là », avait-il ensuite lâché.

L’arrestation de Taha Bouhafs, qui filme les mouvements sociaux pour le site d’information Là-bas si j’y suis, a suscité de nombreuses réactions. « On arrête un journaliste pour avoir tweeté sur la présence du Méprisant au théâtre. Bienvenue en #Macronie », a réagi sur Twitter la député France Insoumise Danièle Obono.

« Il n’a commis aucun délit. Du coup ce qui lui est fait en devient un. Étrange silence des éditorialistes ! Ils ont peur eux aussi ? », a déclaré ce samedi soir Jean-Luc Mélenchon sur Twitter.

Son statut de journaliste mis en cause

À l’image des députés de la majorité LREM (Aurore Bergé, Célia de Lavergne), de nombreuses personnalités politiques ont refusé de qualifier de journaliste ce jeune homme de 22 ans, anciennement militant de la France insoumise. « Taha a informé, comme n’importe quel journaliste l’aurait fait, qu’il se trouvait dans la même salle que le président de la République et que des manifestants se trouvaient à l’extérieur », a répondu le site d’information Là-bas si j’y suis, par la voix de son fondateur Daniel Mermet.

En 2019, il indiquait à Libération ne plus être impliqué dans le parti insoumis. Et réfute désormais le terme de « journaliste militant » en expliquant à Libération : « L’étiquette militant je serais OK, si on la donne aux autres. Quand ce n’est que pour moi, ça veut dire que je suis journaliste mais pas trop quand même ».

Taha Bouhafs, aussi connu pour avoir filmé Alexandre Benalla en train de violenter un couple à Paris le 1er mai 2018, avait déjà été placé en garde à vue en juin alors qu’il couvrait une manifestation en banlieue parisienne, s’attirant le soutien d’une partie de la profession. Il doit être jugé le 25 février à Créteil pour « outrage et rébellion ».


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