Les Gilets jaunes soufflent leur première bougie

vendredi 22 novembre 2019.
 

On aimerait pouvoir dire : « Un an et toutes ses dents », mais l’insoutenable violence policière qui a déferlé sur le pays rend plus que délicat l’emploi de cette formule. Et pourtant, des milliers de salariés sont prêts à endosser de nouveau leurs tuniques jaunes quand l’heure du tous ensemble viendra. Rendez-vous leur est d’ores et déjà donné le 5 décembre.

Première quinzaine de novembre 2018, quartier de la République à Paris. L’Équipe d’animation nationale (EAN) de la GDS, qui tient sa réunion mensuelle, planche sur la situation politique. Impossible de ne pas évoquer ces étranges appels à une grande journée de blocage du pays qui font florès depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. La discussion commence, les opinions se précisent et certaines nuances se font jour. Mais il devient rapidement clair que la direction de notre réseau militant est du côté de ces salariés en lutte. Comment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement ?

Souvenirs, souvenirs

On décide à la hâte de mettre en avant quelques mots d’ordre et de les diffuser en mettant en circulation plusieurs auto-collants dotés de slogans simples et efficaces : « C’est Total qu’il faut taxer, pas les usagers ! » ou encore « Non à la hausse des carburants, oui à la hausse des salaires ! ». Naturellement, nous sommes critiques à l’endroit de certains slogans du mouvement embryonnaire et de certains secteurs sociaux qui le soutiennent (notamment les franges les plus réactionnaires du petit patronat). Mais nous le considérons comme un authentique mouvement de classe.

Ce sont les nôtres qui relèvent la tête. Impossible de rester spectateurs, comme l’ont fait certains, de cette brutale irruption des masses dans le domaine où se règle leur destinée, quand bien même des formules et des slogans mis en avant dans la perspective du 17 nous laissent plus que dubitatifs. Attendre, du haut de notre Olympe militant, que ces salariés en partie dupés par leurs ennemis de classe se rallient à notre programme, nous est tout bonnement étranger. Cet ultimatisme navrant (« Ralliez-vous à nous... et nous agirons en votre faveur » !), qui rappelait celui que le stalinisme avait imposé au KPD au tout début des années 1930 pour le plus grand malheur du peuple allemand, nous semblait une scorie infâme d’un passé révolu. Nous nous trompions. Plusieurs groupes politiques pourtant proches de la GDS allaient refuser de soutenir ce mouvement bigarré et confus qui, pour ainsi dire, ne les méritait pas...

Diagnostic correct

À l’issue de la réunion de l’EAN de la GDS, il est décidé de rédiger un édito centré sur le soutien à ce mouvement qui ne s’appelle pas encore celui des Gilets jaunes. Un an plus tard, on ne peut pas rougir de ces lignes écrites dans la hâte de l’instant, mais fidèles à un corpus théorique édifié patiemment depuis trente ans. Extraits.

« La hausse du prix des carburants est donc la goutte dʼessence qui fait déborder le vase. Il est vrai que cʼest une mesure contre les plus fragiles. Ceux qui sont relégués loin des centres-villes. Ceux qui, dans lʼincapacité dʼacheter une voiture moins polluante, “poussent” leur vieux diesel jusquʼau bout. Plus ou moins clairement, ils ont conscience que cette nouvelle ponction ne financera pas la transition énergétique, mais de nouveaux cadeaux pour les riches et pour le patronat. »

La politique de Macron-Philippe, « qui ne crée aucun emploi et qui mine le pouvoir dʼachat du plus grand nombre au profit dʼune infime minorité, suscite une réaction sociale dʼampleur. Notre responsabilité, à gauche, cʼest de comprendre la colère des Gilets jaunes et de la féconder. »

« Si 78 % des personnes interrogées ont soutenu la journée de blocage du 17 novembre, cʼest bien que ce mouvement de protestation spontanée ne regroupe pas que des réactionnaires patentés, loin sʼen faut ! Pour lʼemporter, il devra se doter de revendications unifiantes et progressistes permettant dʼaugmenter le pouvoir d’achat des salariés et dʼaméliorer leur qualité de vie, tout en participant à la nécessaire transition écologique. Nous devons peser de tout notre poids pour que le torrent de la révolte suive ce cours, et non celui quʼindique le camp dʼen face. »

Nous laissons la parole, dans les pages qui suivent, à cinq personnalités de gauche qui ont soutenu le mouvement des Gilets jaunes (François Ruffin, Gérard Noiriel, Gilles Perret, Patrick Farbiaz, Gérard Filoche). Merci à elles d’avoir bien voulu fêter avec nous l’anniversaire de ce rejeton qui manque peut-être encore de maturité, mais qui promet !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message