Pour ou contre les voyages scolaires confessionnels, M. Retailleau ?

lundi 11 novembre 2019.
 

Depuis une vingtaine d’années, en France, on s’est habitué à confondre les termes « laïcité » et « voile », alors que le fait de confondre ces deux termes est déjà en soi une entorse au principe de laïcité. L’arrivée de l’Islam sur le devant de la scène religieuse française nous a fait oublier notre histoire, faisant du même coup disparaitre de notre mémoire collective tous les compromis qui ont été passés avec la religion majoritaire (pour ne pas dire dominante).

Bruno Retailleau est l’un des sénateurs à l’origine de la proposition de loi qui vise à interdire les signes religieux pour les parents accompagnateurs de sorties scolaires. Tout le monde aura compris, à écouter ses nombreuses déclarations abondamment relayées par les médias, que M. Retailleau ne parle que de la question du voile islamique.

Or, nous rappellerons ici que M. Retailleau a fait ses études au lycée privé catholique Saint-Gabriel à Saint-Laurent-sur-Sèvre, dans le département de la Vendée. Un saut sur le site internet de cet établissement permet de voir qu’un voyage scolaire en Inde de 13 jours a été organisé, comme chaque année, pour les élèves d’une classe de Terminale. Ces derniers ont été pour l’occasion "accompagnés de trois enseignants et du Frère indien Arogyam Kakumanu, responsable de la communauté internationale" (site du lycée Saint-Gabriel). Pour en savoir un peu plus sur la communauté montfortaine, dont les frères « travaillent en priorité auprès de la jeunesse des milieux scolaires » et « ont une prédilection (sic) pour les handicapés sensoriels » : https://www.freres-saint-gabriel.org/

On imagine à l’avance la défense de ces gens qui cultivent avant tout l’entre-soi grâce aux contrats accordés par l’Etat à l’enseignement catholique en France : « C’est l’enseignement privé, ils font ce qu’ils veulent tant qu’ils respectent la loi ». Oui, sauf que…

Sauf que le contrat que les établissements privés confessionnels signent avec l’Etat prévoit que l’enseignement religieux ne soit pas obligatoire pour les élèves (exepté dans les départements d’Alsace-Moselle), ce qui oblige à certaines contraintes, notamment dans la constitution des emplois du temps des élèves.

Par conséquent, il serait intéressant de demander à M. Retailleau ce qu’il pense du fait que les élèves de ce lycée qui ne souhaiteraient pas participer au voyage de rencontre avec une communauté religieuse, soient contraints de renoncer à un voyage pédagogique de 13 jours en Inde, et donc de renoncer à une partie des activités pédagogiques qui ne manqueront pas de se dérouler durant ce séjour, et ce, l’année de préparation au baccalauréat ? Sans compter le fait de devoir rester à l’écart des préparatifs, de rester isolés de leurs camarades pendant la durée du séjour, puis de les voir revenir etc… Où est le choix dans ces circonstances, M. Retailleau ? Ne serait-il pas judicieux de proposer une loi qui interdise le caractère confessionnel des voyages scolaires pédagogiques dans les établissements scolaires sous contrat, de manière à ce que le choix pour les élèves d’y participer ou non ne risque pas de se faire selon des motifs confessionnels ?

Un autre argument que ces gens de bonne compagnie ne manqueront pas d’opposer sera, n’en doutons pas, le suivant : « Que les familles qui ne veulent pas de ces voyages scolaires aillent s’inscrire ailleurs ! ». Sauf que, d’une part, ces familles sont légitimement en droit d’attendre que l’établissement privé confessionnel sous contrat dans lequel ils inscrivent leur progéniture respecte ledit contrat. Et d’autre part, il faut rappeler la situation particulière de l’offre d’enseignement qui existe dans certains département de France, et notamment en Vendée, où le nombre de collèges et de lycées privés est supérieur au nombre de collèges et de lycées publics, et dans lequel, globalement, le secondaire privé scolarise plus d’élèves que le secondaire public. On sait que, pour des raisons historiques, dans cette région, l’Etat s’appuie sur l’enseignement privé confessionnel pour assurer sa mission de service public, sans que cela ne pose de cas de conscience à grand monde. Dans ces conditions, on voit bien qu’il est impossible de renvoyer de bonne foi les familles à leur libre choix.

Alors, à quand des débats sur l’interdiction des voyages scolaires confessionnels sur BfmTV ? Et qu’en pensera alors M. Retailleau ?

Rien n’empêche de rêver…


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