Livre bientôt en librairie : Jean-Luc Mélenchon de la gauche au peuple

mardi 24 septembre 2019.
 

Un livre sur Mélenchon qui ne raconte pas à quel point il est colérique, impulsif et tyrannique ? C’est vraiment possible ? C’est en effet possible, quand l’auteur n’est pas un journaliste d’un média mainstream. C’est justement la pauvreté habituelle des « biographies politiques » qui a été l’un des déclencheurs pour Alexis Galès afin de se lancer dans l’écriture de « Jean-Luc Mélenchon, de la gauche au peuple » qui sort en librairies le 19 septembre prochain.

Contrairement aux ouvrages qu’il raille en introduction, ce livre ne s’attache pas à faire le portrait psychologique (de comptoir) de Jean-Luc Mélenchon. Plutôt, il s’appuie sur la matière donnée par le Président du groupe parlementaire de la France insoumise lui-même sur son parcours intellectuel et stratégique depuis qu’il a quitté le parti socialiste en 2008. Et de matière, il ne manque pas ! Une des spécificités de Jean-Luc Mélenchon dans le paysage politique français est d’être à la fois dans l’action militante et un intellectuel, qui analyse les phénomènes sociaux. Et comme intellectuel, il est prolixe. Il a publié 17 livres et met en ligne chaque semaine une longue note sur son blog. On trouve aussi de nombreux discours, interviews dans lesquels il s’exprime sur des débats stratégiques. Le livre d’Alexis Galès s’attache donc, à partir de cette matière première, à restituer le chemin qu’il a fait « de la gauche au peuple ».

Pour raconter ce passage, Alexis Galès commence par décrire les éléments d’analyse de la société posés par Jean-Luc Mélenchon. Son cadre de pensée reste le matérialisme historique : l’étude des conditions de reproduction de l’existence pour décrire les processus historiques. Mais, relève aussi Galès, tout en se situant dans la filiation intellectuel de Marx, il adresse au marxisme traditionnel plusieurs critiques qui le conduisent à s’en éloigner. Il met à distance dans son premier ouvrage publié A la Conquête du Chaos une vision déterministe de l’histoire qui caractérise le marxisme vulgaire. Par ailleurs, l’auteur pointe un autre écueil dont Jean-Luc Mélenchon s’éloigne nettement : la croyance dans la prévalence absolue de la sphère économique sur tous les autres aspects de la société. Pour celui-ci, les sphères politiques ou culturelles possèdent leurs propres autonomie, et ne sont pas de simples reflets des rapports de production.

Une fois ces éléments de méthode posés, Alexis Galès revient sur les thèses les plus importantes de l’ère du peuple, qui fondent l’analyse politique des sociétés modernes par Jean-Luc Mélenchon. Elles sont développées dans le livre du même nom, publié en 2014 et qui a servi de base théorique pour construire la campagne présidentielle de 2017. Cet ouvrage, dont la centralité est restituée dans l’ouvrage, présente le nombre des êtres humains et son évolution comme déterminant pour les sociétés humaines. L’explosion démographique est à l’origine de quatre bifurcations anthropologique, climatique, économique et géopolitique. Ces bifurcations ont donné naissance, explique L’Ère du peuple, à une humanité nouvelle, où les individus sont puissamment interconnectés par des réseaux urbains, dont l’inégal accès sépare la population en deux groupes : le peuple et l’oligarchie. Après l’analyse, Alexis Galès dans une deuxième partie de son livre décortique la doctrine politique développée par Jean-Luc Mélenchon, ce qu’il appelle sa « boussole idéologique ». Il la décrit comme un « humanisme écologique et social », résultat de la fusion entre le républicanisme social et l’impératif écologique. Ainsi, l’auteur décortique différents écrits pour faire la généalogie des concepts utilisés par le tribun dans ses discours comme l’intérêt général humain, la règle verte ou l’harmonie.

Enfin, une troisième partie, la plus longue, est consacrée à la stratégie. À une nouvelle analyse de la société, une nouvelle doctrine pour la transformer doit correspondre une nouvelle formule politique. Les anciennes sont en effet dépassées : social-démocratie, communisme d’État ou troisième voie sociale-libérale. Ces anciennes configurations de la vieille gauche sont vouées à disparaître. Jean-Luc Mélenchon, propose un autre chemin pour la conquête du pouvoir : la révolution citoyenne. Ce processus, qu’il a amplement décrit au fil des évènements du monde, tire son souffle d’un profond mouvement dégagiste dans le peuple et doit aboutir à la mise en place d’un processus constituant. Il passe à la fois par les soulèvements populaires et les élections. La vague dégagiste de la révolution citoyenne emporte généralement tout le système politique précédent c’est pourquoi, explique Galès, Jean-Luc Mélenchon n’a pas inscrit prioritairement sa candidature à la présidentielle dans le clivage droite-gauche. Au contraire, il a cherché, décrit-il, soit à remplir d’un contenu humaniste des symboles consensuels – la signification révolutionnaire du drapeau bleu-blanc-rouge, présent dans les meetings – soit à mobiliser ce qu’il appelle des « affects anticapitalistes ».

Le livre aborde bien d’autres sujets qu’il n’est pas possible de développer ici : la question de l’organisation et du mouvement, la révolte des gilets jaunes, le rapport à la nation et à l’internationalisme etc. L’intérêt du travail colossal réalisé par Alexis Galès est double. Il permet de réunir en un ouvrage d’innombrables sources éparpillées, rédigées au fil de dix ans de combat. Par ailleurs, il remet Jean-Luc Mélenchon dans le rôle historique qui a été le sien ces dernières années : celui d’un artisan, dans la pratique et la théorie, du renouvellement profond du camp de l’émancipation en France et dans le monde.

Antoine Salles-Papou


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