Pékin va-t-il envoyer les chars à Hongkong ?

lundi 29 juillet 2019.
 

Un porte-parole du ministère de la Défense chinois a lancé un avertissement ce mercredi 24 aux manifestants. Mais la décision de faire intervenir l’armée n’est pas encore prise.

« Nous suivons de près la situation à Hongkong. L’article 14 de la loi sur la garnison de l’armée chinoise prévoit des dispositions très claires. » La déclaration de Wu Qian, porte-parole du ministère de la Défense chinois, ce mercredi à Pékin, sonne comme un avertissement pour les manifestants hongkongais. C’est la première fois que Pékin envisage publiquement d’envoyer des troupes dans l’ancienne colonie britannique.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis deux mois, l’archipel de 7,4 millions d’habitants est secoué par d’intenses manifestations, qui ont réuni jusqu’à 2 millions de personnes. Les citoyens réclament l’annulation d’un projet de loi d’extradition vers la Chine continentale, qui mettrait fin à la semi-autonomie dont jouit le territoire depuis sa rétrocession en 1997. Depuis l’invasion du Parlement par des jeunes le 1er juillet, les relations entre les protestataires et le gouvernement de Hongkong, prochinois, s’enveniment de jour en jour.

Dimanche 21 au soir, à l’issue d’une nouvelle manifestation qui a réuni 440 000 personnes, des centaines de jeunes ont convergé vers le Bureau de liaison avec Pékin, lançant des œufs et de la peinture sur la façade avant d’être violemment dispersés.

La presse officielle chinoise a qualifié ce nouvel acte de désobéissance civile de « violences intolérables », et appelé à « punir les coupables ».

L’armée chinoise peut-elle intervenir à Hongkong ?

Une garnison de l’Armée chinoise de libération du peuple (APL), forte de 4 000 à 5 000 hommes, stationne depuis 1997 dans le centre de Hongkong pour en assurer la défense. Les militaires n’ont pas le droit d’intervenir dans les affaires locales.

Mais l’article 14 stipule que « si nécessaire » « le gouvernement local peut demander l’aide de l’APL « pour maintenir l’ordre public ». « La cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, a déclaré ce matin qu’elle n’avait pas l’intention de faire appel à l’armée chinoise », explique Willy Lam, chercheur au Center of China Studies de l’Université chinoise de Hongkong. « Mais en réalité, la décision ne dépend que d’une seule personne, le président chinois, Xi Jinping, qui est le chef des armées. » »

Dans ce cas, les troupes basées en permanence à Shenzhen, tout près de la frontière hongkongaise, auraient elles aussi le droit d’entrer sur le territoire.

Qu’est-ce qui retient Pékin ?

Jusque-là, il semble que Xi Jinping refuse d’envisager d’utiliser la force. « Cela signifierait la fin de l’accord « Un pays, deux systèmes », reprend Willy Lam. "Hongkong deviendrait une ville chinoise comme les autres, sous la coupe de la police et de l’armée chinoise. Pour la Chine, et pour Xi Jinping lui-même, ce serait perdre la face et son prestige. » Des milliers de multinationales sont installées dans le territoire qui fut longtemps la seule fenêtre sur la Chine communiste. L’apparition de blindés chinois au pied des buildings signifierait la fin de la liberté d’entreprise et d’expression, et mettrait Hongkongais et étrangers à la merci de la surveillance policière et d’une justice aux ordres du Parti communiste.

« Les entreprises réduiraient leurs investissements, supprimeraient des emplois, les Hongkongais les plus riches émigreraient vers l’Australie ou le Canada, les prix de l’immobilier baisseraient. Une grave crise économique pourrait se déclencher. Or, parmi les cadres haut placés dans le Parti et dans l’armée, beaucoup ont de la famille ou des intérêts à Hongkong », précise l’expert des politiques chinoises.

Comment la situation peut-elle évoluer ?

L’attaque de voyageurs dans le métro de Yuen Long, une zone rurale située à une vingtaine de kilomètres du centre-ville, à la fin d’une manifestation dimanche 21, a fait monter la tension d’un cran. Au moins 45 personnes ont été hospitalisées, dont 5 dans un état grave, après avoir été battues à coups de bâtons et de barres de fer par une centaine d’hommes de main appartenant à des triades.

Le fait que la police ne soit pas intervenue, et qu’un député prochinois ait même félicité les voyous, a choqué la population. Des organisations ont appelé à manifester ce week-end à Yuen Long, où les triades sont bien implantées. Les élus locaux ont déjà alerté sur les risques de troubles graves.

« La police a échoué dans son rôle de protection de la population, faisant monter la colère. Même si l’autorisation de manifester est refusée, les gens iront quand même, et nous assisterons à une intense confrontation entre la police et les manifestants », prédit Willy Lam. Qui conclut : « Si les troubles continuent durant trois ou quatre semaines, Xi Jinping pourrait changer d’avis. C’est la première fois depuis 1997 que la situation est aussi grave. »

Laurence Defranoux


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