Quelles perspectives progressistes en Amérique latine et en Europe ? (JL Mélenchon)

samedi 3 août 2019.
 

Interview de Jean-Luc Mélenchon au journal mexicain « La Jornada » ce 20 juillet 2019 :

https://www.jornada.com.mx/ultimas/...

On remarquera dans ce texte quelques erreurs des journalistes (Blanche Petrich et Marcela Aldama ) dans la transcription des réponses (voir vidéo), dans les analyses qui révèlent leur connaissance imparfaite de la situation en France (et c’est compréhensible). Très probablement, Jean-Luc Mélenchon trouverait à objecter sur ce qu’on lui fait dire ici et là, qu’il a formulé autrement, etc. C’est la loi des interviews et, de plus, il s’agit ici d’une traduction.

Ces réserves faites, il nous a semblé utile de donner à lire ce document qui explicite, avec une grande liberté de ton, ce qu’est la démarche de La France Insoumise, sa vision de l’Europe et de ses velléités guerrières contre la Russie, des gilets jaunes, de l’état de la « gauche » en France, de la conquête du pouvoir…

Le Grand Soir

Jean-Luc Mélenchon, considérait il y a deux ans l’Amérique latine comme une référence pour la montée des forces progressistes européennes - lorsqu’il avait remporté un record historique de 20% des suffrages, soit 17 millions d’électeurs - déclare aujourd’hui qu’il ne peut être optimiste quant au panorama politique de son pays, ni de celui du continent tout entier.

"Alors", dit-il avec un grand soupir, posant ses deux mains sur la table dans la salle de réunion de La Jornada, première étape de sa tournée dans cette ville, "je viens à Mexico respirer, rencontrer ce M. AMLO (président Andrés Manuel López Obrador) qui attire tant mon attention sur ce processus mexicain, qui donnera sûrement un nouvel élan à l’Amérique latine et à l’Europe. Je viens chercher l’inspiration et un peu d’optimisme. "

Il insiste pour renverser l’argument qui se répète dans de nombreux cercles intellectuels, en ce sens que le cycle progressif de l’Amérique latine des 15 dernières années s’épuise : "Il y a maintenant le Mexique, un fait nouveau, un processus aux caractéristiques déshéritées. très fort Avec la quatrième transformation, il propose un processus typique de révolution citoyenne, à savoir la récupération du pouvoir par le peuple.

"Il est important pour nous, Européens, de comprendre ce qui se passe ici. Le temps a passé depuis que nous sommes arrivés avec le catéchisme sous nos bras pour leur dire quoi faire ; maintenant nous devons apprendre. "

Ce qui le surprend peut-être le plus, c’est "la nouveauté que personne ne pensait que le Mexique, si proche des États-Unis, pourrait commencer quelque chose de si différent, ce qui pourrait faire échouer ce que le PRI et le PAN ont fait. Il me semble qu’AMLO a une vision très claire de ce qui peut être fait si près des États-Unis et c’est pourquoi il est si prudent. "

Quand il parle du vieux continent, il semble laisser un lourd fardeau sur la table : "En Europe, il n’existe plus de force politique capable de proposer une sortie de crise tenant compte de la vie digne de ses citoyens et sans guerre. Il ne reste plus rien des partis progressistes que nous avons construits dans ma génération. Et en France, dans le domaine politique, nous devons tout reconstruire, tout. Avec la polarisation que nous traversons, cela peut très mal se terminer. Ou a eu lieu une insurrection populaire comme celle que nous voyons tous les samedis depuis 35 semaines avec les gilets jaunes ? Ou ?

Reconstruire une alliance des classes moyennes, de la classe ouvrière et des classes pauvres est aujourd’hui un défi de taille. "

Un Français d’Amérique latine

Admettre : "Je viens vaincu. Notre mouvement a beaucoup perdu aux élections législatives. Nous avons payé en argent et très cher le soutien que nous avons apporté au mouvement populaire des gilets jaunes, laissé à son sort par la classe politique, les classes moyennes, les intellectuels et même par le mouvement syndical. Ils les ont vus comme des barbares et des violents. "

En fait, le coup d’Etat [ ?] subi par France Insumisa lors des récentes élections législatives [européennes] de mai a été dévastateur pour la figure de Mélenchon. Sur les 19,5% qu’il a remportés à l’élection présidentielle de 2017, il atteint à peine 6,5%.

Mélenchon, âgé de 67 ans, a joué pendant plus de 30 ans au sein du parti socialiste et a ensuite formé un parti qu’il a appelé Izquierda [Parti de Gauche]. Mais aujourd’hui, il renonce à cette étiquette. "J’ai appris cela de Hugo Chávez (ancien président du Venezuela, aujourd’hui décédé) et de Rafael Correa (ancien président de l’Équateur, exilé). Et à AMLO ! Ils ont rendu leurs campagnes attrayantes pour les citoyens, pas pour la raison d’être de la gauche. "

Depuis les années 90, cet homme politique qui se définit comme un "français latino-américain" et un "intellectuel qui dirige par accident un mouvement de masse" cherche à s’inspirer des processus qui ont généré en Amérique du Sud le "cycle progressif". Il insiste sur le fait que l’axe de son programme politique devrait être une révolution citoyenne et une planification écologique.

Classé par la presse spécialisée européenne dans la "gauche extrême", aux côtés de l’espagnol Pablo Iglesias de Podemos et du grec Alexis Tsipras de la Coalition de la gauche radicale (Syriza), Mélenchon est convaincu qu’il est nécessaire d’ouvrir via [la voie ?] "avec un agenda anti-néolibéral et anticapitaliste.

L’Europe et ses réarrangements

Le diagnostic que fait Mélenchon de l’état actuel du vieux continent ne comporte aucun facteur atténuant : "L’Europe est aujourd’hui incapable de proposer quelque chose à la vie digne de ses citoyens, pour sortir de la crise sans passer par une guerre. C’est devenu un espace dominé par la dictature intellectuelle du néolibéralisme, visant à réduire les budgets des services sociaux.

"A l’heure actuelle, quelle est la principale préoccupation des gouvernements européens ? La défense, c’est la guerre. Ils imaginent une confrontation avec les Russes, s’appuyant sur ce qu’ils disent des pays qui ont de profondes rancunes envers la Russie (sans se tromper) comme l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie, la Pologne ou l’Ukraine. Là, toute la folie du vieux continent se cristallise aujourd’hui.

C’est un pays où le premier drapeau du capitalisme est levé, où les dirigeants de l’Europe sont capables de soutenir des politiciens profondément corrompus, voire des responsables nazis. Les nazis dans l’Europe du 21ème siècle ! C’est une réalité".

-Que propose France Insumisa pour la reconquête du pouvoir ?

- Il est très difficile d’y parvenir avec l’étiquette de gauche. De nos jours, il s’agit d’un terme très déprécié. Aussi en Amérique latine. En France, si les gens vous parlent à gauche, ils vous mettront immédiatement en contact avec François Hollande (socialiste, ancien président entre 2012 et 2017), un dirigeant rejeté pour avoir créé toutes ces lois contre les droits des peuples. Faire des alliances avec la gauche ? Mais avec qui, s’il vous plaît ? Avec le parti communiste ? Il a obtenu 2,4% des voix. Les trotskistes ? 0,5 pour cent. Non, vous devez tout reconstruire.

"Par LFI, nous essayons d’autres moyens. Nous parlons de fédérer le peuple. Nous avons changé la méthode et notre action, notre discours, de manière plus respectueuse envers l’intelligence des gens. Notre idée qu’il n’y a qu’un seul écosystème et qu’il nous est commun. Les formes de production actuelles, c’est-à-dire le capitalisme, menacent cet avenir qui appartient à tous. "

La défaite des nouveaux partis européens progressistes a été généralisée lors des élections européennes de mai 2019. Die Linke a perdu du terrain en Allemagne, qui est tombé à 5%, Podemos en Espagne... "En dehors de Podemos, du PTB en Belgique, du Block au Portugal, il ne reste plus rien".

Gilets Jaunes

Depuis octobre dernier, tous les samedis, divers groupes se sont mobilisés à travers le pays, dans des moments forts, avec près de 600 000 manifestants réunis au même endroit. Connus sous le nom de gilets jaunes, ni les partis politiques, ni les classes moyennes, ni l’intelligentsia ne les ont soutenus, à l’exception de France Insumisa.

Mélenchon affirme que la réaction des manifestants à la provocation de la police a généré une image très négative de la part des médias et la disqualification du président Macron a eu des répercussions dans la classe politique. Ce n’est que samedi 25 juillet, lorsque plus de six mille blessés par la virulence des gendarmes et des milliers de détenus et de prévenus, que certains intellectuels se sont prononcés contre ces abus. "C’est la provocation de la police qui a radicalisé le mouvement. Et l’acceptation initiale s’est transformée en rejet. Ils ont eux-mêmes rejeté toute cohésion, tout contact avec d’autres forces. Ils se sont auto-bloqués Et je prévois que ce sera désormais la caractéristique de tous les mouvements révolutionnaires. Comment allons-nous le résoudre ? Ça va être très compliqué. "

Fin du cycle progressiste en Amérique latine ?

Mélenchon se caractérise par sa passion pour les processus du soi-disant cycle progressif latino-américain depuis sa création, avec le triomphe d’Hugo Chávez en 1999 au Venezuela.

"Cette période, comprise comme un moment de civilisation politique, avait une caractéristique commune : la défaite des droits. La vague démocratique latino-américaine s’est constituée contre ces politiques néolibérales.

"Au début, nous ne savions pas comment appeler ces processus au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, en Argentine, au Brésil ... Mais l’Europe devait apprendre d’eux. La première chose est qu’il s’agissait de processus citoyens, très différents de ce que la génération précédente appelait les révolutions socialistes. Dans la première phase, il s’agit d’un moment dédaigneux qui résume la phrase de l’expérience argentine : "Laissons tout le monde partir" [« Que se bayan todos. Qu’ils s’en aillent tous »]. Et des années plus tard, avec l’expression d’AMLO : "Au diable les institutions". Cela semble fort, mais cela ne signifie pas un rejet de la forme organisée de la société, mais un rejet des institutions devant imposer un modèle économique.

"Vient ensuite le plus important et le plus délicat, passer à la phase constitutive. C’est le moment où l’engagement citoyen devient une voie constructive.

"Jusqu’à récemment, je ne savais pas si nous étions déjà dans la phase finale de ce moment progressif, car il n’a évidemment pas le même dynamisme, si après 15 ans ou plus de mobilisations, il est entré dans une phase d’épuisement.

"Mais ce qui est certain, c’est qu’au Brésil, pour neutraliser Lula, ils ont dû inventer une nouvelle forme de persécution judiciaire ou de coup bas, déjà expérimentée au Honduras. Ils ont renversé Dilma Rousseff et le seul moyen d’empêcher Lula de remporter les élections était de le mettre en prison.

"Il est important que nous, les Européens, comprenions bien cela. Si vous me demandez si nous vivons la fin du cycle progressif, je peux dire non, que le cycle ne s’est pas arrêté, qu’il se poursuit. Nulle part ailleurs dans le monde il n’y a un cycle progressif. C’est pourquoi le Mexique m’intéresse tellement.

"Le temps a passé où la vieille gauche européenne est arrivée avec son catéchisme sous le bras pour enseigner et dire quoi faire. J’ai pu faire une campagne électorale aussi innovante en France parce que j’ai appris d’Hugo, Rafael, Cristina. "

Blanche PETRICH et Marcela ALDAMA (LA JORNADA)

Vengo por inspiración y un poco de optimismo : Jean-Luc Mélenchon Visita México el líder del movimiento Francia Insumisa. Quiero conocer a López Obrador y aprender de este cambio.

Avec la vidéo de l’interview en espagnol.

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