2015-2019 : Changement d’époque en Europe

mardi 16 juillet 2019.
Source : Médiapart
 

Une nuit de juillet 2015, dix-sept heures durant, les dirigeants de Vingt-Huit États s’étaient réunis. En jeu : l’éventualité de la sortie d’un pays de la zone euro, la possibilité pour une gauche radicale de remettre en cause les traités européens, les réformes à mener pour relancer une économie exsangue. Ça parlait politique, ça tentait de construire un rapport de force, et deux visions irréconciliables s’affrontaient : la rigueur allemande incarnée par le ministre des finances Wolfgang Schäuble d’un côté, la tentative du gouvernement grec de casser les codes et de porter une alternative de l’autre.

Quatre ans plus tard, les négociations à Bruxelles ont duré dix heures de plus. Mais de politique, il ne fut nullement question pendant ces discussions qui se sont étalées sur trois jours, la semaine dernière. Autour de la table, il s’agissait de se répartir les postes à la tête des principales institutions européennes en respectant de prétendus équilibres (parité femmes-hommes, répartition Est-Ouest, attribution des postes aux forces politiques majoritaires…). Marchandage sans aucune vision pour l’avenir du continent à l’heure où les dossiers cruciaux s’accumulent, cette réunion interminable a envoyé un message brutal aux électeurs qui s’étaient pourtant intéressés à ce scrutin européen davantage qu’à l’accoutumée.

Le résultat ? Un attelage bancal, où l’Europe élargie de 2004 n’est même pas représentée. Où l’un des groupes ayant connu la plus forte progression au Parlement de Strasbourg, celui des Verts, est exclu des hauts postes européens. Où une avocate de formation condamnée pour détournement de fonds publics se retrouve à la tête de la BCE. Et dont aucune vision politique de l’Union européenne ne se dégage. Car quel projet compte porter celle qui a été désignée à la tête de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen ? Les électeurs n’en savent rien pour l’instant.

Époque lointaine que ce mois de juillet 2015, où Tsipras avait fini par capituler face à ses créanciers. Ce dimanche, le chef de cette gauche autrefois radicale a perdu les élections législatives qu’il avait lui-même convoquées. La droite qui revient au pouvoir à Athènes est bien connue en Grèce : c’est elle qui a mis en place le deuxième mémorandum d’austérité, à partir de 2012. Parmi ses têtes de file, on retrouve l’héritier d’une des principales familles politiques grecques et des transfuges de l’extrême droite. Époque lointaine ou effet boomerang ?

Amélie Poinssot


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