Union de la gauche : l’erreur insoumise ? Texte et Réponse de Jacques Serieys (4 juin 2019)

dimanche 22 janvier 2023.
 

Depuis les résultats de l’élection au Parlement européen, le débat est engagé sur les causes des résultats insuffisants de La France Insoumise. Notre site a publié une trentaine de textes abordant cette question. Ils ont pour but d’informer nos lecteurs et n’en partageons pas toujours le contenu, par exemple pour celui présenté ci-dessous.

Textes sur le bilan des européennes : [http://www.gauchemip.org/spip.php?r...]

Ci-dessous en 1 l’éditorial du site Agoravox repris du blog de Jonas et en 2 la réponse de Jacques Serieys.

2) Réponse de Jacques Serieys : L’orientation populiste souverainiste de Maître Jonas est impraticable

Le texte ci-dessous en 1) a paru sur le site Le blog de Jonas puis sur Agoravox bénéficiant d’une fréquentation très significative dans le contexte des lendemains difficiles de l’élection européenne 2019 pour La France Insoumise.

http://leblogdejonas.kazeo.com/unio...

L’auteur de ce texte se définit sur son blog Maître Jonas, "Républicain et gaulliste de gauche". Il avait voté pour Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle 2017. Je veux bien le croire connaissant un certain nombre d’électeurs peu ou pas politisés à gauche ayant fait le même choix. L’orientation "pour une république démocratique et sociale" que promouvait à juste titre notre candidat permettait cette coagulation de votes venus d’horizons divers au socle hérité du Front de Gauche 2012.

Cependant, nous n’en sommes plus là et La France Insoumise doit se projeter vers de nouvelles échéances : loi de liquidation des retraites solidaires par répartition, appauvrissement de milieux populaires, réchauffement climatique, durcissement de la droite américaine, risques d’affrontements inter-impérialistes, élections municipales... Or, sur toutes ces questions, l’orientation proposée par Maître Jonas est impraticable et nous amènerait à une disparition rapide.

Je rappelle en italique dans les lignes qui suivent vos propos pour les critiquer les uns après les autres.

Avant d’aborder l’essentiel, je note que vous utilisez le résultat des européennes d’une façon injustifiée.

Avec seulement 6,31% des suffrages lors des européennes du 26 mai 2019, La France insoumise (LFI) a subi un revers cinglant expliquez-vous dès votre première phrase. Je suis plus prudent. Pour une première participation au scrutin européen, ce résultat de 6,31% et 6 sièges obtenus n’est pas un échec aussi important que vous le prétendez. En fait, je crois que votre seule hypothèse stratégique sur le court et moyen terme est une réussite électorale de plus en plus importante de LFI seule jusqu’aux fameux 51% lors des présidentielles ou à l’Assemblée nationale ; dans cet objectif, le résultat des européennes représente une contre-performance. Personnellement, je n’ai jamais milité sur cette seule perspective stratégique.

On est loin des près de 20% des voix accordées à Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2017. Vous signalez vous-mêmes la forte différence entre le scrutin présidentiel et celui des européennes. Lors de l’élection du printemps 2019, il était difficile de prévoir la mobilisation de l’électorat bourgeois et la faible participation du milieu populaire ; le glissement d’une part importante de l’électorat de droite vers les macronistes n’était pas joué non plus. Je ne pense pas qu’il y ait eu "faute de casting pour la tête de liste" ; au contraire.

2a) Votre populisme souverainiste est impossible dans le contexte actuel du capitalisme

La campagne présidentielle de 2017 marquait avec courage un positionnement "populiste", dans le sens noble, c’est à dire la recherche de l’union de la nation au-delà des clivages, faisant primer les termes "nation", "peuple" ou "France".

J’ai toujours entendu Jean-Luc Mélenchon utiliser ces termes dans le cadre de notre projet de république sociale. Mais ce vocabulaire ne peut être séparé d’une analyse générale du capitalisme financier transnational dans lequel nous vivons.

L’ouvrage "L’ère du peuple" précise cette impossibilité d’une démarche "hors clivage" du type capitalisme vert comme républicanisme ’union de la nation". Aujourd’hui, jusqu’à 80% des profits vont aux actionnaires. C’est le résultat du rapport de forces que le capitalisme financier a réussi à créer... C’est la première fois que l’économie humaine ne repose pas principalement sur la circulation de biens réels. En 1970, il s’échangeait 20 milliards de dollars par jour... En 2010, c’était 4000 milliards de dollars par jour. La capitalisation boursière a suivi le même chemin ; elle a été multipliée par 45 en 32 ans.

Jamais, le pouvoir de l’argent n’a été aussi concentré. Moins de 1% des entreprises contrôlent 80% des richesses mondiales. Cette caste toute-puissante née de la globalisation financière qui gouverne tout, c’est l’oligarchie. Au sens étymologique du terme : le pouvoir de quelques-uns... Compte tenu de la nature instable de la matrice dont elle dépend, elle ne peut accepter aucune règle extérieure à sa propre logique d’accumulation.

Ainsi, les présidents et gouvernements élus qui essaient de défendre l’intérêt général de leur pays parfois contradictoire à celui des multinationales US se voient fréquemment déstabilisés puis renversés s’ils insistent, par exemple en Amérique latine.

Ainsi la justice, l’armée, la police de tel ou tel pays sont-ils manipulés fréquemment pour casser toute issue politique à la crise qui pourrait menacer si peu que ce soit la logique du capitalisme actuel. L’Union européenne aux mains des conservateurs allemands constitue un biais parmi d’autres de la main-mise générale du nouvel âge du capitalisme sur les différents peuples.

Dans un tel contexte, Jean-Luc Mélenchon met en avant la valeur d’universalisme contre la logique du choc des civilisations, contre l’accaparement capitaliste et son gendarme, les USA, l’altermondialisme et les Brics comme point d’appui d’un rapport de forces différent, le protectionnisme solidaire comme rapport économique aux autres peuples. Je suis globalement d’accord alors que votre populisme souverainiste ne peut plus correspondre à une réalité, au moins depuis la fin des années 1970.

2b) Le communautarisme sociétal, cause des échecs de la gauche française depuis 1981 ?

Votre analyse paraît tranchante. Depuis les années 80, la gauche a en effet progressivement abandonné toute idée d’essor social du peuple pour faire dominer l’enjeu sociétal, se faisant la représentante des intérêts particuliers de communautés religieuses, sexuelles ou ethniques. Le PS illustre cette tendance qui vise d’abord à chercher l’électorat des minorités bruyantes. En épousant, dans les années 80, le marché unique au sein de l’Union européenne, le libre-échangisme et toutes les logiques économiques libérales, le PS ne pouvait plus assumer la représentation des classes populaires. Si le Parti communiste a, lui, refusé le dogme libéral, il n’en demeure pas moins qu’il a accepté par son internationalisme toute la philosophie de la construction européenne, même si celle-ci contrevenait à la souveraineté populaire. Le PCF est lui-même entré dans une bataille contre le PS, pour savoir qui représenterait le mieux les minorités bruyantes.

En fait, vos affirmations sont largement discutables. Le reproche principal à adresser au PS, c’est d’avoir délaissé de façon importante la défense des milieux populaires et de s’être accommodé du libéralisme. Dans ce contexte, il a cru conserver une identité différente de la vieille droite par ses orientations sociétales ; ceci dit, il serait faux de voir la gauche oublier ce terrain. Le PCF n’a pas accepté par son internationalisme toute la philosophie de la construction européenne. D’après vous, Clémentine Autain et Danièle Obono revendiqueraient une ligne "identitaire d’extrême gauche" (A bas la représentation de la nation) qui ferait la promotion du communautarisme, de l’indigénisme voire du racialisme. Cette ligne est celle du "gauchisme". A ce niveau de désinformation, le débat devient difficile.

Je continue cependant. A mon avis, la gauche (PS et PCF) n’a pas su profiter du haut rapport de force international des années 68 en s’appuyant sur la combativité jeune et ouvrière pour déstabiliser le pouvoir gaulliste et patronal, prolonger durablement les acquis de 36 et 45. Après ,c’était bien plus difficile. De 1981 à aujourd’hui, le nouvel âge du capitalisme a de plus en plus limité les marges de manoeuvre d’une orientation républicaine d’intérêt général et surtout les marges de manoeuvre pour protéger les milieux populaires contre le rouleau compresseur des profits capitalistes inassouvissables.

Oui, dans ce contexte, La France Insoumise choisit le camp du Nous, le peuple contre Eux, les capitalistes. Palabrer sur un dépassement des clivages peut faire gagner quelques voix lors d’une élection mais ne peut constituer l’ossature d’une orientation politique.

2c) Vers des échéances sociales et politiques où votre orientation sera impossible

Retraites

Nous savons tous que le pouvoir Macron Philippe va sortir son projet de réforme des retraites françaises pour ouvrir ce marché de 310 milliards aux appétits du capitalisme financier. Le MEDEF va applaudir. La droite et LREM vont s’aligner ou même demander plus de "sacrifices". A quoi nous servirait dans ce contexte votre orientation d’ union de la nation au-delà des clivages.

Face à une "réforme" qui risque fort de remettre en cause les fondements des acquis de la Libération, croyez-vous que la lutte politique de LFI va peser lourd ? Bien sûr que non ! Seule, la nature du syndicalisme ouvrier ancrée dans la contradiction du capitalisme entre intérêts des travailleurs et intérêts de la bourgeoisie peut avoir une efficacité. L’engagement des forces politiques, dans les villes, dans la rue, au Parlement, sur les médias, la plus unitaire possible, peut seulement venir en appoint.

LFI suivrait une orientation gauchiste ?

Votre texte manque de précisions quant à cette accusation. Par contre, si LFI pratiquait votre orientation, les dérapages gauchistes seraient inéluctables. Pour combattre les projets de Macron, du MEDEF et du capitalisme financier, à quoi allez-vous appeler les groupes d’appui de La France Insoumise : à bloquer les ronds points ? à faire des piquets de grève ici et là ? à rassembler des millions de personnes le samedi pour manifester ? à tenir ce rapport de force le temps nécessaire pour faire reculer Macron Philippe comme les syndicats y étaient parvenus en 1995 et en 2006 ? Cela me paraît irréaliste.

Pour l’avenir

Les municipales vont constituer la prochaine échéance électorale importante. Pensez-vous que l’intérêt des couches populaires et ouvrières françaises soit de présenter partout plusieurs listes progressistes du type LFI, alliance autour du PCF, EELV, PS... L’échec serait prévisible et même certain. Je ne sais absolument comment va évoluer cette préparation des municipales mais articuler "logique citoyenne " et essai de coagulation de forces de gauche pouvant porter un programme d’opposition à Macron, de renouveau démocratique (RIC) et d’intérêt municipal, me paraît préférable à cette division a priori. Est-ce ce que vous appelez Union de la gauche ??? Je ne sais ; votre texte manque de précision sur les enjeux concrets.

A plus long terme, nous devrons bien participer à rassembler des forces politiques aptes à stopper la liquidation des fondements républicains de notre pays contre la logique des intérêts capitalistes, fondements dont vous paraissez vous réclamer. Croyez-vous que La France Insoumise, parviendra seule, à obtenir des résultats électoraux et la construction d’un rapport de forces national et international permettant d’appliquer, en gros, notre projet L’Avenir en commun ???

Tout dirigeant politique doit pouvoir répondre aux questions suivantes : quel est votre programme ? quelles sont vos perspectives stratégiques ? A mon avis, les résultats électoraux du Parti socialiste lors des législatives partielles indiquent un tel affaiblissement du social-libéralisme, une telle impasse de cette orientation qu’un changement du rapport de force interne à la gauche est fort possible. LFI peut en profiter si elle ne s’exclut pas de cette gauche tout en ne se laissant pas engluer dans une soupe "unitaire" social-libérale. Elle peut devenir assez rapidement la force principale à gauche et unir celle-ci sur l’essentiel de son programme. Je suis favorable à cette nouvelle Union si le sens politique de Jean-Luc Mélenchon et de son équipe nous en donnent l’opportunité..

CONCLUSION

Sur le fond, je considère justifiés les débats d’orientation et l’action politique engagés par La France Insoumise à partir de l’ouvrage L’ère du peuple. Cependant, il existait un risque de triomphalisme sectaire ; vous symbolisez ce risque.

Les mois passeront et nous nous retrouverons sur les combats futurs.

Jacques Serieys, le 4 juin 2019

1) Union de la gauche : l’erreur insoumise (texte critique de l’orientation LFI aux européennes 2019)

http://leblogdejonas.kazeo.com/unio...

Après l’échec des européennes, La France insoumise doit faire une introspection courageuse. Changeant progressivement de ligne politique depuis 2018, le mouvement a cherché à phagocyter le Parti socialiste et les autres partis de gauche, pour devenir... le PS des années 80. Erreur. Les électeurs de 2017 ne se reconnaissent pas dans cette stratégie. La France insoumise doit ainsi retrouver son essence, quitte à entrer en rupture avec la ligne "identitaire d’extrême gauche", dénoncée par l’ex-porte-parole du mouvement, Raquel Garrido.

Avec seulement 6,31% des suffrages lors des européennes du 26 mai 2019, La France insoumise (LFI) a subi un revers cinglant. On est loin des près de 20% des voix accordées à Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2017.

Certes, l’échéance électorale des européennes se distingue de la présidentielle qui, elle, s’incarne fortement à travers la figure de l’homme providentiel. Jean-Luc Mélenchon a une force médiatique alors que Manon Aubry a eu bien du mal à se détacher. Toutefois, l’échec de LFI ne se résume pas à l’éventuelle faute de casting pour la tête de liste. Manon Aubry n’est que la conséquence, malgré elle, de la stratégie mouvante et brouillonne de LFI depuis 2018.

La France insoumise devient "gauchiste"

Les analyses ne manquent pas pour avertir La France insoumise de la pente glissante sur laquelle elle s’obstine depuis 2018. La campagne présidentielle de 2017 marquait avec courage un positionnement "populiste", dans le sens noble, c’est à dire la recherche de l’union de la nation au-delà des clivages, faisant primer les termes "nation", "peuple" ou "France". Courageuse, La France insoumise se séparait même de la notion de "gauche" dans ses discours et programmes. Depuis 2018, que ce soit Jean-Luc Mélenchon, au cours de meetings, ou LFI dans son ensemble, le verbe a changé de couleur.

Désormais, LFI a donc choisi d’unir la gauche, écartant toute opinion en son sein qui pouvait obstruer cet objectif. L’aile souverainiste et patriote en a fait les frais. Logique : la gauche, en règle générale, de son extrême au Parti socialiste, a du mal à se saisir des thèmes patriotiques, à assumer de faire partie de la nation française ou à brandir le drapeau français lors de ses meetings.

Cette orientation a eu plusieurs conséquences politiques et idéologiques. Depuis les années 80, la gauche a en effet progressivement abandonné toute idée d’essor social du peuple pour faire dominer l’enjeu sociétal, se faisant la représentante des intérêts particuliers de communautés religieuses, sexuelles ou ethniques. Le PS illustre cette tendance qui vise d’abord à chercher l’électorat des minorités bruyantes. En épousant, dans les années 80, le marché unique au sein de l’Union européenne, le libre-échangisme et toutes les logiques économiques libérales, le PS ne pouvait plus assumer la représentation des classes populaires. Si le Parti communiste a, lui, refusé le dogme libéral, il n’en demeure pas moins qu’il a accepté par son internationalisme toute la philosophie de la construction européenne, même si celle-ci contrevenait à la souveraineté populaire. Le PCF est lui-même entré dans une bataille contre le PS, pour savoir qui représenterait le mieux les minorités bruyantes. Délaissées, les classes populaires se sont progressivement tournées vers le Front national. Le FN n’en attendait pas tant et a même changé de discours - presqu’anti-libéral - pour récupérer cet électorat.

La France insoumise n’assume plus son programme fédérateur de 2017 ?

La France insoumise a suivi cette évolution. Entre 2017 et 2019, il a peu à peu basculé. LFI a notamment écarté (ou mis à la porte) certains tenants de la ligne souverainiste (Djordje Kuzmanovic ou François Cocq), qui auraient pu froisser les mentalités des ex-socialistes ou d’ex-écologistes en quête d’une alliance politique avec LFI pour se relancer politiquement (comme Emmanuel Maurel ou Marie-Noëlle Lienemann). Du pain béni pour tout le bord incarné par les députées Clémentine Autain et Danièle Obono. Leur ligne, minoritaire en 2017 au sein de LFI, s’est peu à peu imposée. Elles revendiquent l’union de la gauche et font partie de la ligne "identitaire d’extrême gauche", selon l’ex-porte-parole de LFI Raquel Garrido. A bas la représentation de la nation, cette ligne veut engager la lutte intersectionnelle, en faisant la promotion du communautarisme, de l’indigénisme voire du racialisme. Cette ligne est celle du "gauchisme".

La tête de liste choisie pour les européennes par LFI n’est pas un hasard : Manon Aubry n’a pas brillé pour la défense du programme présidentielle de 2017, patriotique. Le discours a plutôt visé à tout lisser, même sur l’idée d’une sortie de l’Union européenne, pourtant évoquée en 2017 par Jean-Luc Mélenchon. Il ne fallait pas froisser, encore une fois, les alliés de la gauche que LFI a voulu intégrer sur sa liste. Manon Aubry était la personnalité politique idéale pour ne pas trancher idéologiquement et contenter toutes les lignes politiques de la gauche. En outre, le programme des européennes de LFI s’était surtout résumé à une querelle avec Europe Ecologie-Les Verts, sur le thème de l’écologie. Bataille perdue.

Les "communautaristes" de La France insoumise à l’attaque

Après le faible score des européennes, cela n’a pas empêché Clémentine Autain de dénoncer la ligne de La France insoumise dans plusieurs médias, aidée à ce sujet par les troupes "communautaristes" comme le sociologue Philippe Marlière. Pour eux, La France insoumise aurait perdu des voix à cause de la stratégie populiste de LFI. "Sans doute avons-nous pris trop de distance avec un discours cohérent de gauche", appuie-t-elle notamment. Il s’agit-là d’une escroquerie intellectuelle. C’est bel et bien la ligne plus orientée en faveur de Clémentine Autain qui est responsable de la perte électorale chez les insoumis. La France insoumise était porteuse d’espoir pour les classes populaires et moyennes en 2017. En 2019, La France insoumise a basculé dans une forme de "gauchisme". Jean-Luc Mélenchon s’en défendait encore durant la campagne. Peut-être est-il débordé par sa gauche ? Peut-être joue-t-il un double-jeu à travers ses nouveaux discours d’union de la gauche ? A la recherche de la synthèse entre l’aile "souverainiste" et l’aile pro-gauche "communautariste", Jean-Luc Mélenchon a laissé gangréner, dans son mouvement, le courant "communautariste".

Après la débâcle du 26 mai 2019, les opportunistes sont-là, tentant de faire culpabiliser LFI sur son passé patriote. Aujourd’hui elle est dépassée électoralement par Europe-Ecologie Les Verts et est à peine au-dessus de Place publique/PS. Une bonne pensée de gauche veut, par le même coup, faire rentrer dans le rang LFI. Des élus de gauche ou des médias de gauche comme Slate tentent de montrer qu’une union de la gauche aurait permis à celle-ci de réaliser un score aux alentours de 25% en additionnant toutes les listes, classées à gauche dont LFI. A 25%, cette liste aurait été en tête du scrutin selon ces commentateurs.

Sauf que ces analyses font preuve, là aussi, d’une certaine malhonnêteté intellectuelle. La politique n’est pas arithmétique. Un électeur LFI ne se retrouverait pas forcément s’il trouvait en tête de liste de la gauche unie un Benoït Hamon, un Raphaël Glucksmann ou un Yannick Jadot. L’inverse fonctionne aussi. Un électeur de Benoît Hamon n’aurait pas forcément voté pour un Yannick Jadot - qui a tout de même admis que l’écologie devait s’adapter à l’économie de marché. Un électeur de Jean-Pierre Chevènement en 2002 ne se serait pas automatiquement retrouvé dans un vote pour le socialiste Lionel Jospin, si le premier avait abandonné avant le premier tour de présidentielle. Autre exemple, l’alliance d’extrême gauche entre Olivier Besancenot et Arlette Laguiller pour les européennes de 2004 aurait dû produire, selon la logique de Slate et des "gauchistes", un résultat aux alentours de 10¨%, si on fait l’addition des voix des deux candidats lors de la présidentielle de 2002. L’alliance entre les deux leaders de l’extrême gauche n’obtiendra qu’un maigre score, au niveau national, de 2,56% des suffrages pour les européennes de 2004 et un peu moins de 5%, pour les régionales de la même année. La politique n’est pas une addition de voix.

L’union de la gauche... un leurre pour LFI

En réalité, une union de la gauche permettrait simplement de brouiller davantage les discours et de réduire les offres politiques. Sans être dans la fiction, cela ne peut qu’alimenter l’abstention d’électeurs ne se sentant pas représentés idéologiquement. Les analyses tentant de démontrer que l’union de la gauche serait la solution permet simplement, à ses partisans, de s’éviter toute autocritique de fond sur les échecs de leur liste et parti.

Le mouvement gazeux doit s’écarter de la tambouille et éviter les négociations électorales en son sein qui affaiblissent, de fait, ses principes fondateurs. La France insoumise doit être catégorique et claire : que ce soit les ex-socialistes, hamonistes ou tous les tenants de la ligne de l’union de la gauche, ceux-ci doivent être éloignés de la structure insoumise pour ne pas flouter le positionnement de LFI. Les accords d’appareils (comme pour les européennes) ou un éventuel nouveau cartel des gauches n’aboutira qu’à l’échec. Le peuple ne s’y retrouvera pas.

LFI peut être porteuse d’espoir. Sans une France insoumise forte et fière de ses idées de 2017, la vie politique se satisfera d’un duel entre le Rassemblement national et les centristes. Ce jeu sera toujours à l’avantage du centriste, aujourd’hui Emmanuel Macron.

Maître Jonas


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