A un an des municipales, dans trois quarts des grandes villes françaises, le parti du maire a obtenu moins de 15 % des voix

lundi 10 juin 2019.
 

A un an des municipales, les résultats du 26 mai sont préoccupants pour les élus locaux, en particulier ceux des Républicains et du Parti socialiste.

Beaucoup de maires de grande ville peuvent être inquiets. Les résultats des élections européennes dans leur commune montrent que la recomposition du monde politique en cours depuis 2017 n’épargnera pas les municipalités.

A Lille, bastion de Martine Aubry, le Parti socialiste (PS) n’a obtenu que 8,3 % des suffrages. A Toulouse, où la droite de Jean-Luc Moudenc avait repris la ville à la gauche en 2014, Les Républicains (LR) n’ont réuni que 7,4 % des voix. A Issy-les-Moulineaux, la liste UDI, qui avait pourtant obtenu le soutien du maire André Santini, a plafonné à 4,2 %.

A moins d’un an des élections municipales, les élus de droite comme de gauche ont assisté, impuissants, à la débâcle de leur camp dans leur propre fief. Selon notre analyse, les formations politiques des maires en exercice ont pris l’eau dans les trois quarts des cent plus grandes villes de France. Sans préjuger de la dynamique d’un scrutin dont la campagne n’a pas encore véritablement commencé, ce constat montre tout de même que la tâche s’annonce difficile pour beaucoup de sortants.

Méthodologie

Pour réaliser cette analyse, nous avons listé les maires des cent villes les plus peuplées de France. Chacun d’entre eux a été relié à une étiquette politique en tenant compte de son appartenance à un parti et de sa consigne de vote au scrutin européen de 2019. Nous avons ensuite relevé le score obtenu par cette tendance politique le 26 mai dans leur commune. Huit élus nous sont apparus « inclassables » et n’ont pas été positionnés sur notre infographie.

Attention, cette analyse ne tient pas compte des coalitions municipales actuelles et ne préjuge pas de la campagne de 2020, chaque situation locale étant particulière.

Dans les cent villes que nous avons étudiées :

• soixante-quinze maires ont pu constater que la liste emmenée par leur parti totalisait moins de 15 % des suffrages exprimés – leur score est inférieur à 10 % dans 55 villes et inférieur à 5 % dans une dizaine d’entre elles ;

• dans dix-sept villes seulement, la liste conduite par le parti de l’édile a dépassé les 15 % des suffrages ;

• huit villes ont été écartées de l’analyse, le ou la maire étant « non inscrit(e) » ou difficile à rattacher à un parti.

Résultats obtenus aux européennes par le parti des maires dans les grandes villes

Retrouvez ci-dessous les scores réalisés dans les plus grandes villes de France par la liste correspondant à la couleur politique de leur maire. Les noms et précisions apparaissent au survol.

[Graphique non reproduit ici.]

Ce graphique représente les scores réalisés dans les plus grandes villes françaises par la liste correspondant à la couleur politique de leur maire.

De forts contrastes dans les villes des maires LR

La droite, qui avait conquis de nombreuses municipalités en 2014, est aux manettes de quarante-quatre des cent premières villes françaises. Mais Les Républicains y ont subi un recul spectaculaire aux élections européennes. Dans bien des cas, le parti n’atteint même pas les 8,5 % de son score national dans ces grandes villes. C’est notamment le cas à Marseille, Argenteuil, Le Havre, Perpignan, Roubaix ou encore Villejuif.

C’est finalement dans l’Ouest parisien que la droite traditionnelle résiste le mieux, avec par exemple 12,5 % à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), fief de Patrick Ollier ou 16,9 % chez Patrick Balkany, à Levallois-Perret. A Versailles, la ville dont François-Xavier Bellamy est adjoint, LR a obtenu 27,7 % des voix, mais arrive tout de même en deuxième position, devancé par La République en marche (LRM).

Les maires PS n’améliorent guère le score national

Le PS est en danger dans bon nombre de ses terres historiques. Les vingt-trois villes administrées par un maire socialiste affichent certes des résultats légèrement supérieurs à la moyenne du mouvement, mais seules quatre dépassent les 10 % : Saint-Nazaire (10,1 %), Rennes (10,9 %), Cherbourg (11,7 %) et Saint-Denis de La Réunion (13,3 %).

Partout ailleurs, les socialistes souffrent, et ce n’est pas uniquement à cause de la percée du Rassemblement national et de LRM, mais aussi de celles des écologistes. Ainsi, à Nantes, où l’extrême droite a obtenu 8,4 % des voix, la liste menée par Raphaël Glucksmann termine à 9,4 %, très loin derrière LRM (26,3 %) et les écologistes (24,4 %).

A Paris, les socialistes (8,2 %) terminent loin de LRM (32,9 %) et d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV, 19,9 %).

Les bastions PCF résistent

Dans les six grandes villes encore tenues par le Parti communiste français (PCF), la base électorale semble plutôt bien implantée. Les scores y dépassent nettement les 2,5 % réalisés par Ian Brossat : 8,6 % à Montreuil, 9,7 % à Saint-Denis et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), et 10,4 % à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), la ville de Christian Fautré.

Le sort enviable des maires ralliés à LRM

Plusieurs maires se sont ralliés ou rapprochés de la majorité présidentielle. Dans leurs villes, la liste LRM a enregistré de très bons scores : 24 % à Besançon, 26,6 % à Orléans et 28,2 % à Angers, dont les maires ont appelé à voter LRM aux élections européennes, et 28,8 % à Lyon, ville de Gérard Collomb, l’un des rares maires de grandes villes officiellement membres de LRM.

Dans les villes dirigées par un maire UDI – Amiens, Annecy, Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) –, la liste portée par Jean-Christophe Lagarde n’a pas dépassé les 4,2 %, à l’exception notable de Drancy (Seine-Saint-Denis), où la liste UDI est arrivée en tête avec 28,9 % des suffrages. Une ville dirigée par… Aude Lagarde, l’épouse de la tête de liste.

Dynamique de succès pour les rares élus écologistes et d’extrême droite

A Grenoble, ville conquise en 2014 par l’écologiste Eric Piolle, la liste EELV réalise un score de 22,4 %, supérieur de près de neuf points à la moyenne nationale.

A Béziers, la ville de Robert Ménard, le succès est plus net encore : le Rassemblement national recueille 37,6 % des suffrages, soit quatorze points de plus que son score sur l’ensemble de la France.

Ces résultats annoncent-ils de nouveaux bouleversements lors des municipales de 2020 ? Les élections locales peuvent obéir à des logiques particulières et donc surprendre. Une chose est sûre, toutefois : le faible score de LR et du PS entrera forcément en compte dans la réflexion des élus sortants qui souhaiteront se représenter. Qu’il s’agisse du choix de leur étiquette ou des éventuelles alliances avec d’autres formations politiques.

Anne-Aël Durand, Adrien Sénécat et Léa Sanchez


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