Milliardaires, brillants machiavels et entrepreneurs clonés : l’armée de Macron

vendredi 12 avril 2019.
 

Je le pense depuis le début, ceux qui voient Macron comme une personne très douée, se trompent simplement de définition. Il n’est qu’un brillant représentant de gens sommes toutes très médiocres.

Nous avons pris l’habitude de voir la réussite économique ou sociale comme liés aux qualités de ceux qui y ont goûté. Forcément alors, un président est nécessairement brillant, de même qu’un chef d’entreprise. Pour comprendre l’incompétence d’un Macron, ou encore d’à peu près tous les membres de son gouvernement, il faut remonter à la source, au monde qui les a engendrés : l’entreprise, justement.

Et pourquoi ne pas mettre l’entreprise en parallèle avec... la Nature ?

Les béats de entrepreneuriat et de la concurrence libre et non faussée, sont bien peu au fait des mécanismes complexes qui régissent le monde. Ils se contentent de maîtriser les mécanismes simples qui régissent l’univers qu’ils se sont créé.

Alors que dans la Nature il existe mille chemins pour résoudre un problème, dans le monde de l’entreprise, il n’en existe qu’une poignée. Si vous avez l’habitude d’y passer une part de votre vie, vous le sentez, à défaut de pouvoir l’énoncer : les entreprises ne sont qu’une multitude de clones d’un modèle quasi unique où mêmes les cultures locales fortes n’ont pas fait le poids face à des impératifs de productivité.

Anna Tsing, dans Le champignon de la fin du monde, décrit très bien le lien entre productivité et clonage à travers la notion de "scalabilité". Pour augmenter le rapport gain/investissement, le capitalisme casse la complexité autant que faire se peut, pour la remplacer avec une forme de clonage, jusqu’au clonage du vivant, lui permettant d’espérer croître à l’infini. Ce faisant, il détruit donc toute diversité, diversité à l’origine de la résilience, mais aussi... de l’efficacité ! Car rien n’est plus efficace pour la survie, que ce que la Nature crée. Peut-être rien n’est plus efficace pour l’accumulation de richesses que le capitalisme, mais au prix de la destruction et la non survie de l’espèce, voir de tout le système.

Ce clonage ne s’arrête évidemment pas aux plantes, ou aux méthodes. Il s’agit d’un quasi clonage des individus qu’on souhaite corvéables, interchangeables et donc sans support pour se révolter. C’est valable pour les ultra-dominés (esclaves, ouvriers, opérateurs divers), mais aussi pour ceux qui se croient dominants, comme, pour prendre un exemple très contemporain, les informaticiens ou même, et peut-être surtout, les managers.

Rien ne ressemble plus à un manager, qu’un autre manager. Rien ne ressemble plus à Macron, que les millions d’autres, qui, comme lui, se sont retrouvés sur un monticule à gueuler cocorico aux autres.

Or, que nous dit le ba-a-ba de la Vie ? La diversité détruite, il n’y a plus rien à attendre d’un écosystème, du moins à très court terme. Ainsi, la langue de bois des entreprises, que Macron et ses ouailles ont élevé au rang de talent indispensable à la réussite, est le signe indéniable d’une dégénérescence en cours : l’absence totale de diversité intellectuelle.

Ceux qui pensent donc que ce type ne veut pas, doivent plutôt se dire qu’il ne peut pas. Clone de ses semblables, il ne peut imaginer d’autres idées que celles déjà épuisées dans les échecs précédents. Et l’innovation dont il se targue, n’est pas autre chose que l’innovation des startups : une couche de blabla pour faire disparaître le décor du réel. Vendre du vent peut certainement apporter du succès individuel, de l’argent ou le pouvoir, mais c’est d’abord une forme d’incompétence profonde et irrémédiable : l’incapacité à survivre en tant que communauté. C’est tout simplement s’autodétruire collectivement.

A l’heure où tout incursion dans le monde de l’entreprise fini par un hymne à la gloire des startups, il faut tout de même comprendre que c’est là un problème éminemment collectif. Il n’y a pas que les vainqueurs qui ont créé ce monde, mais nous y participons tous. Je connais des gilets jaunes qui, hors contexte, s’extasient devant la carrière de tel ou tel entrepreneur ou politique. De manière générale, nous avons de l’estime collectivement pour les représentants de ce monde atrophié, pis encore, nous essayons de les imiter. Dans les entreprises, lieu qui devrait être un lieu de combat, car c’est là que tout commence, nous passons notre temps à singer nos chefs pour devenir eux.

Tant que nous n’aurons pas détruit le mythe de la réussite consistant à adopter les codes des vainqueurs, nous ne pourrons en aucun cas renverser la table, si ce n’est pour juste changer quelques acteurs. Tant que nous n’aurons pas aperçu la pauvreté des idées dans le monde déclaré comme foisonnant des startups, nous ne serons pas encore redevenus des enfants capables d’inventer un autre monde. Nous seront juste des "serious men", des startupeurs en puissance, l’armée de Macron.


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