Loi PACTE : privatisations absurdes et mesures anti-sociales

dimanche 31 mars 2019.
 

Le projet de loi PACTE, qui privatise notamment Aéroport de Paris (ADP) et la Française des Jeux, a été voté à l’Assemblée nationale en deuxième lecture dans la nuit de vendredi à samedi à 6h20 du matin.

À en croire le gouvernement, il vise à adapter l’entreprise aux enjeux du XXIème siècle, à aider les entreprises françaises à croître et à mieux associer les salariés aux profits des entreprises.

Conformément au langage orwellien de la majorité, l’analyse du projet de loi montre le contraire. Pacte est une loi de libéralisation et de financiarisation de l’économie avec de vrais reculs sociaux et où le progrès social annoncé est illusoire.

Les enjeux du XXIème siècle sont absents. Rien sur l’écologie, ce texte vise la croissance pour la croissance. Notre amendement pour faire de la commande publique un levier pour accélérer la transition écologique et l’activité économie locale a été rejeté par la majorité . Rien sur le bien-être au travail malgré le nombre considérable de burnout qui touchent les salariés en France. Pas de réel partage du pouvoir et des profits avec les salarié·e·s à l’inverse de ce que proposaient les députés insoumis. Parmi de nombreux amendements proposés (n°2675, 2679, 2685 entre autres), la député Danièle Obono a notamment défendu un amendement pour réduire les écarts de salaire dans l’entreprise . Rien sur la précarisation du travail alors que 85% des nouveaux contrats sont des CDD. Les députés de la France insoumise avaient quant à eux proposé de réformer le code du travail pour mieux encadrer le recours au CDD. Rien sur les stock-options, l’encadrement des salaires, les licenciements boursiers, etc. Toutes les propositions de la France insoumise pour le progrès social et écologique ont été rejetées par LREM lors de la première lecture en septembre.

Des privatisations absurdes

Macron et son gouvernement veulent absolument privatiser Aéroport de Paris, la Française des Jeux et céder tout ce qui nous reste au capital d’Engie. Pour justifier ces privatisations, le gouvernement explique que cela servira à financer un fonds pour l’innovation de rupture à hauteur de 10 milliards d’euros et au désendettement de l’État. Mais il ne s’agit pas pour l’État d’injecter 10 milliards dans des projets : cet argent sera placé sur les marchés financiers pour rapporter 250 millions d’euros par an, qui seront investis dans l’innovation. Or, rien qu’en 2017, les dividendes de l’État pour ces trois entreprises ont rapporté plus de 750 millions d’euros. Il serait donc plus logique de les conserver et d’investir une partie de ces dividendes dans l’innovation.

Après des heures et des heures de débat, l’intérêt de la privatisation d’ADP reste un mystère. À tel point que le Sénat et la quasi-totalité des groupes d’opposition à l’Assemblée ont voté contre. Même la droite, plutôt encline à privatiser, ne comprend pas. Les citoyen·n·e·s non plus d’ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à se mobiliser avec une pétition qui dépasse les 140 000 signatures. Et pour cause, ADP gère les aéroports d’Orly, de Charles-de-Gaulle et du Bourget et est devenu en 2018 le n°1 mondial du secteur avec un total de 281,4 millions de passagers. Il s’agit de la première frontière française. Cette privatisation est un non-sens économique, stratégique et écologique. De plus, le passé n’inspire pas confiance. Rappelons le scandale des concessions d’autoroutes où l’État a perdu des milliards au profit de Vinci qui engrange les milliards sur notre dos. Or Vinci, déjà présent au capital d’ADP, est en embuscade pour rafler de nouveau la mise.

La privatisation de la FDJ pose aussi de graves problèmes. Là encore le gouvernement veut privatiser un monopole. Cela n’a pas de sens et les députés insoumis s’y sont farouchement opposés . De plus, le jeu est un domaine particulier en raison des risques de fraudes, de blanchiment d’argent et des enjeux de protection des mineurs. Près d’un million de personnes souffrent d’une forme d’addiction à ces jeux de grattage ou de loterie. Or le but d’une entreprise privée, c’est de réaliser un maximum de profit. En 2014, la FDJ a par exemple arrêté volontairement le Rapido, un de ses jeux les plus rentables… et les plus addictifs. La FDJ aurait-elle arbitré de la même façon si l’État n’avait pas été aux commandes ?

Engie est une entreprise stratégique dans la transition écologique. Au lieu de vendre ce qu’il nous reste, il est nécessaire de construire un pôle public de l’énergie pour mener la planification énergétique. Les députés insoumis se sont donc opposés au désengagement total de l’Etat du capital d’Engie.

Des mesures anti-sociales

La principale mesure anti-sociale de ce projet de loi concerne les seuils sociaux (article 6). Ces seuils sont des paliers d’effectifs à partir desquels s’imposent un certain nombre de règles pour les entreprises. Cet article augmente le temps dont dispose l’entreprise pour respecter les règles une fois le seuil franchi, en le portant à 5 années consécutives. Il réduit aussi le nombre de seuils et les relève, toujours au détriment des salariés. Les salarié·e·s en pâtiront très concrètement dans leur quotidien : un local où se restaurer sera retiré à tous les salariés des entreprises de moins de 50 salarié·e·s, alors que jusqu’à présent l’obligation se faisait à partir de 20 salarié·e·s. Des milliers de salariés devront manger à l’extérieur, que cela soit dans la restauration marchande ou, pour les moins bien payés et le plus excentré, dans leur voiture sur le parking de leur entreprise. Nous ne sommes pas opposés à la simplification. Nous proposons que réduire les inégalités entre les salarié·e·s des petites et des grandes entreprises en abaissant les seuils seuils sociaux.

Ce projet de loi constitue aussi la première attaque contre notre régime de retraite par répartition (article 20). En France, il existe deux régimes obligatoires de retraites par répartition. Le régime de base et le régime complémentaire (qui varie selon qu’on soit cadres, salariés ou indépendants). Tout le monde cotise pour tout le monde.

Existe aussi le régime de retraites supplémentaires (optionnel) : il s’agit d’un système par capitalisation (on accumule pour soi) qui passe par des produits d’épargne retraites. Ils sont surtout utilisés par les cadres supérieurs. PACTE veut développer ce complément par capitalisation, en favorisant les réductions d’impôts sur ces produits. Sous couvert de favoriser des produits de financement de l’économie, le développement de l’épargne retraite vise à accompagner la future réforme des retraites, dont l’une des pistes est de permettre aux plus hauts revenus de ne plus contribuer à la répartition et de choisir la capitalisation.

Enfin les mesures présentées comme sociales par la majorité sont des illusions. Le Gouvernement met en avant notamment trois mesures : l’entreprise doit prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité (art. 61) ; la possibilité pour les entreprises d’indiquer dans leurs statuts leur “raison d’être” autre que le profit (art. 61) ; le passage à 2 administrateurs salariés dans un conseil d’administration d’au moins 8 personnes et non plus 12 dans les entreprises de plus de 1000 salariés (art. 62). Ces trois mesures sont de la poudre aux yeux car elles ne changent ni la vocation des entreprises qui est de faire du profit ni le partage du pouvoir au sein de l’entreprise. La modification de l’objet social des entreprises n’implique pas de nouvelles obligations pour les entreprises et prend simplement en compte la jurisprudence actuelle. La précision d’une “raison d’être” des entreprises est facultative et va seulement être un outil marketing. L’administrateur·ice salarié·e est toujours considéré comme un luxe et un danger : il reste très minoritaire et n’existe que dans les très grandes entreprises. La France reste très en deçà de la moyenne européenne. Au contraire, nous considérons que les mesures symboliques ne sont pas suffisantes. Il est nécessaire de partager le pouvoir et les profits avec les salariés et de planifier la transition écologique de l’économie.


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