Crise climatique et grève scolaire : « Les gens dont dépend notre futur ne semblent pas prendre la question du climat au sérieux »

mardi 1er octobre 2019.
 

La grève scolaire de la jeune Suédoise a inspiré des dizaines de milliers de jeunes dans le monde, qui manifestent en ce 15 mars.

Comme chaque vendredi, elle arrive un peu après 8 heures devant le Parlement suédois. Pantalon molletonné rose, imperméable jaune poussin, ses cheveux blonds sagement tressés – comme sur les affiches accompagnées du slogan « Make the world Greta again », brandies désormais par les ados dans le monde entier. Le 8 mars, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, les lecteurs de deux journaux suédois ont élu « femme de l’année » cette adolescente de 16 ans, à l’origine du mouvement international de grève scolaire pour le climat du 15 mars, devenue l’icône d’une génération.

Depuis le début de son action, le 20 août, trois semaines avant les élections législatives en Suède, l’objectif de Greta Thunberg n’a pas changé : « Je me suis assise devant le Parlement, en me disant que j’allais essayer d’attirer l’attention sur le climat. Je ne pouvais pas imaginer ce que ça allait devenir. Le fait qu’une enfant accuse les adultes de ne rien faire pour garantir son avenir a réveillé les consciences. »

Depuis, la jeune fille a beaucoup voyagé. Fin novembre, Greta Thunberg a participé à la COP24 à Katowice, en Pologne. Elle en est rentrée déprimée : « J’ai réalisé à quel point les gens dont dépend notre futur ne semblent pas prendre la question au sérieux. Peut-être qu’il y a eu des avancées. Mais ce qui est important, ce sont les émissions [de gaz à effet de serre], or elles continuent d’augmenter. »

« Il faut que ça vienne d’en bas »

Le 22 février, Greta Thunberg était à Paris, où elle a été reçue par Emmanuel Macron. « Nous avons parlé de stratégies, de ce que nous voulions accomplir, dit-elle avec sa placidité habituelle. Je ne sais pas s’il m’a entendue. De toute façon, il ne peut pas faire grand-chose. C’est juste un individu, même s’il a une très grosse responsabilité. Le problème est qu’on ne remporte pas des élections en proposant une politique climatique radicale. Il faut que ça vienne d’en bas. »

En Allemagne, début mars, l’adolescente a été interpellée par le secrétaire général de la CDU, Paul Ziemiak, qui lui reprochait de ne pas aborder les conséquences de la transition écologique « sur l’emploi, la sécurité d’approvisionnement et l’économie ». De plus en plus souvent, on exige d’elle des solutions. La jeune fille botte en touche : « Ce n’est pas mon travail de dire ce qu’il faut faire. Je suis une enfant. Même les scientifiques ont peur de faire des propositions qui seraient jugées trop radicales. Alors comment pourrais-je me prononcer ? »

Etrangement, en Suède, le mouvement a tardé à décoller – même si des grèves scolaires sont annoncées dans plus de la moitié des 270 communes du royaume, le 15 mars. « Dans ma classe, certains élèves sont contents qu’il fasse plus chaud », regrette la jeune fille. A mesure que la mobilisation a pris de l’ampleur à l’étranger, des critiques ont émergé, accusant ses parents de l’avoir manipulée ou bien faisant état d’intérêts financiers supposés derrière son action. « Je savais que je susciterais de la haine, répond Greta. Car apparemment, on ne peut plus rien faire aujourd’hui sans avoir un projet caché. »

Son père, Svante Thunberg, ancien acteur, qui l’accompagne dans tous ses déplacements, raconte que lui et sa femme, la chanteuse lyrique Malena Ernman, l’ont mise en garde : « Nous lui avons dit qu’il fallait qu’elle aille à l’école, qu’on ne la soutiendrait pas. Nous étions convaincus qu’elle allait renoncer. »

« Energie dingue »

Six mois plus tard, il s’émerveille de la transformation de sa fille. Il y a quatre ans, Greta Thunberg a arrêté de jouer du piano, puis de parler et de manger, plongeant dans une dépression dont la crise climatique a été un élément déclencheur. « En fait, elle souffrait d’un immense sentiment de solitude et d’exclusion », confie son père. Les médecins ont fini par diagnostiquer le syndrome d’Asperger, un trouble du spectre autistique.

La guérison est passée par un changement de vie radical de la famille. Fin des voyages en avion pour la mère, véganisme pour le père. « A mesure que nous avons commencé à agir, son angoisse s’est atténuée, raconte-t-il. Aujourd’hui, elle va bien et elle a une énergie dingue, ce qui donne énormément d’espoir sur ce qu’il est possible d’accomplir. »

Greta Thunberg assure qu’elle rêve de pouvoir abandonner sa grève. Mais qu’elle continuera jusqu’à ce que les émissions de CO2 dans l’atmosphère diminuent. Et qu’on s’éloigne du point de bascule d’« où il ne sera plus possible de revenir ».

Anne-Françoise Hivert (envoyée spéciale à Stockholm) interview Greta Thunberg


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