FOCUS SUR L’AMERIQUE LATINE

vendredi 22 février 2019.
 

Après deux décennies d’enthousiasme avec l’arrivée au pouvoir de mouvements populaires incarnés par des figures politiques nous inspirant par le sens du progrès social, d’amélioration démocratique, de répartition des richesses et des thèses écosocialistes, le continent s’affronte désormais à une résurgence massive d’attaques néolibérales prenant de nouvelles formes.

Avec une oligarchie financière réussissant à coupler pression internationale et judiciarisation de la vie politique, des médias complices sous la botte de multimilliardaires, et intimidation de masse.

Aidés par l’ingérence du voisin nord-américain, après avoir organisé des coups d’état institutionnels au Paraguay, au Honduras et bien d’autres pays ; après avoir permis des fraudes électorales au Mexique en 2012 ; après avoir mis toutes leurs forces pour essayer de détruire toute trace des nouvelles coopérations solidaires et intégratrices des peuples tels que l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Amériques), UNASUR (Union des Nations Sud-américaines), CELAC (Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes)… les oligarques poursuivent leurs actions en mettant au pouvoir le Fonds Monétaire International et rappelant les vieilles recettes avec Mauricio Macri en Argentine, le retour de la droite extrême uribiste en Colombie ou encore en s’attaquant à la huitième puissance mondiale et principale force économique du continent, le Brésil.

On assiste ici à une nouvelle étape où les oligarchies utilisent l’arme judiciaire pour conserver leur assise et empêcher toute opposition de progrès d’arriver au pouvoir.

Brésil, Équateur, Argentine, Colombie : des élections présidentielles sous le coup d’une justice politique en arbitre

Au Brésil, les décisions préméditées et précipitées de l’ex-juge Sergio Moro, désormais ministre du gouvernement d’extrême droite de Bolsonaro, met en lumière la haine de la droite putschiste en évinçant Lula de l’élection présidentielle en 2018. Dans la continuité du coup d’État de 2016, tout est permis ! Seule compte la satisfaction des intérêts du capital. Entre les forces populaires et l’extrême droite, l’oligarchie brésilienne a fait son choix.

Piétinant l’avis en théorie contraignant du comité des droits de l’Homme de l’ONU qui déclarait le 17 août que Lula devait pouvoir se présenter à l’élection présidentielle d’octobre, la justice électorale l’a déclaré inéligible, alors même qu’il était donné largement vainqueur tout au long des mois précédents.

Un acharnement politico-juridico-médiatique, suivi de menaces de coup d’État de la part du chef d’État-major, ont d’abord permis l’incarcération de l’ancien Président, son inéligibilité et enfin la mise en place d’un gouvernement dirigé par un nostalgique de la dictature militaire, misogyne, homophobe et n’hésitant pas à brader le poumon de l’humanité à des sociétés privées.

D’autres présidentiables subissent un traitement de faveur étrangement similaire

En Équateur, la justice n’hésite pas à envoyer un mandat d’arrêt contre Rafael Correa, Président du pays de 2007 à 2017. Une manipulation politico-judiciaire visant à l’empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Elle n’hésite pas non plus à incarcérer Jorge Glas, Vice-président, ayant le tort d’être un proche de Correa et en capacité de symboliser le retour de la révolution citoyenne.

Dans cette longue liste des personnalités victimes de la justice partisane, l’ex-Présidente Cristina Kirchner est inculpée alors qu’elle se préparait pour la prochaine élection présidentielle (2019) en Argentine. En Colombie, malgré les centaines de victimes et d’assassinats de dirigeants syndicalistes et politiques depuis la dernière élection présidentielle, c’est Gustavo Petro qui est dans les radars de la justice de son pays. Lui aussi a eu le tort d’être à la tête d’un mouvement populaire et d’être arrivé au second tour de l’élection majeur de son pays avec plus de 8 millions de voix.

La liste est longue, à tel point qu’un mot fût créé - « lawfare » - pour désigner ces pratiques de judiciarisation de la vie politique. Celui-ci est repris directement du langage militaire, employé par un général de l’air étasunien, Charles Dunlap.

On constate que ces acharnements politiques en cours en Amérique Latine inspirent curieusement notre gouvernement en France. Cette volonté de judiciariser l’opposition politique pour masquer impopularité, pratiques austéritaires, destruction des services publics et généralisation de l’autoritarisme.

Venezuela

Lorsque la justice ne suffit pas, l’escalade guerrière se met en place.

Le capitalisme financier nous amène de plus en plus vers des tensions internationales, affaiblissant les sociétés, provoquant des conflits entre et à l’intérieur des nations. Ainsi, le 23 janvier 2019, Juan Guaido s’est autoproclamé Président du Venezuela à la suite d’une manifestation à Caracas. Aussitôt, Donald Trump l’a reconnu officiellement par un tweet, Emmanuel Macron l’imite en le reconnaissant comme « Président en charge » pour mettre en œuvre un processus électoral.

Pour rappel, dès 2013 Juan Guaido, membre du parti Volonté populaire (VP), a refusé de reconnaître le résultat des urnes en déniant toute légitimité aux institutions démocratiques issues du scrutin présidentiel. En 2014 il participait aux actions des coupeurs de rues à Caracas, « Guarimbas », avec un tragique résultat de plusieurs dizaines de morts. Grâce à ces actions criminelles il se fait élire député en 2015 avant de soutenir à nouveau les « Guarimbas » de 2017 entraînant le blocage du pays à travers la stratégie du chaos

Le 26 janvier dernier, le conseil de sécurité de l’ONU, seule instance légitime à œuvrer à la sécurité collective basée sur le droit international, rejette l’ultimatum lancé par plusieurs gouvernements d’Europe (dont la France) à convoquer des élections.

Peu d’importance pour les dirigeants étasuniens, en avançant à visage découvert l’objectif est clair : prendre la manne pétrolière de la première réserve mondiale située à quelques heures de cargo des raffineries du Texas.

Pour cela, ils invoquent désormais le « couloir humanitaire ». Plus le mensonge est grand, mieux il est diffusé en boucle dans les médias ! Mais le peuple vénézuélien n’est pas dupe, estimant que la meilleure façon pour les dirigeants étrangers de prouver leurs volontés philanthropiques serait la fin du blocus économique qu’ils ont eux-mêmes imposés. Les vénézuéliens ont bien compris que derrière les sacs de riz et de pâtes se cachent des tanks. L’objectif n’est pas de faire entrer le riz, mais bel et bien les tanks.

Un continent solidaire, regorgeant d’espoirs pour l’avenir

Malgré cette situation d’attaques coordonnées, la détermination des peuples latino-américains à garder leur souveraineté et combattre la vision politique du FMI et la doctrine Monroe est bien présente.

Au Mexique, à l’été 2018 la population a décidé en masse un changement de politique avec l’arrivée au pouvoir du Président Andres Manuel Lopez Obrador, AMLO, qui a remporté l’élection présidentielle avec plus de 53% des suffrages.

Les défis sont énormes dans ce pays ravagé par la mafia politique et la corruption. Elle a fait 200 000 morts ces 30 dernières années.

Naturellement ce changement de cap donne une priorité à la pacification du pays avec des mesures fortes qui commencent à se mettre en place.

De même, après une renégociation habile de l’accord AEUMC (États-Unis-Mexique-Canada), le gouvernement s’attaque à la redistribution des richesses avec entre autres une augmentation des taxes aux entreprises (auparavant un des taux les plus bas en Amérique). Le tout en gardant une popularité exemplaire. Macron devrait en prendre note.

Partout sur le continent nos camarades combattent vigoureusement et avec détermination les visions néolibérales que souhaite imposer le FMI. Et pour cause, ils en connaissent les résultats.

Le Parti de Gauche entretien des relations avec les organisations politiques progressistes dans quasiment tous les pays du continent. Nous répondons aux sollicitations en Amérique latine, au Forum Social Mondial, Forum de Sao Paulo, de visites politiques, bilatérales, nous réalisons un suivi des élections (parfois en nous déplaçant sur place) et nous répondons aux demandes d’actes de solidarité en France. Chaque semaine il y a au moins un évènement des organisations latino-américaines qui se déroulent en métropole. Nous y participons avec force et nous y apportons notre soutien.

C’était tout le sens de notre visite officielle à Cuba, dans un contexte historique avec le 60ième anniversaire de la révolution (le compte-rendu du voyage vous parviendra prochainement).

Malgré des annonces de façade, la population cubaine s’affronte à près de six décennies de blocus imposé par les États-Unis. Plus encore, le gouvernement de Donald Trump asphyxie le pays en menaçant d’activer le titre III de la loi Helms Burton, qui n’est autre chose que le renforcement du blocus à l’extrême avec des violations flagrantes du droit international et des attaques à la souveraineté d’un pays. Une véritable déclaration de guerre.

Car derrière le Venezuela, la visée étasunienne se dirige vers Cuba. Toujours présente cette volonté d’asseoir la souveraineté des marchés face à celle des peuples.

Claudio Calfuquir, SEN


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