Les chaînes de TV ne reflètent pas la réalité de la diversité sociologique de la France selon le CSA

mercredi 20 février 2019.
 

Pour la dixième année consécutive, le CSA livre ses conclusions. Malgré une légère amélioration depuis 2018, les efforts des chaînes semblent encore insuffisants pour refléter la diversité de la population française à la télévision, notamment en matière de situation sociale.

Baromètre de la diversité du CSA : les chaînes peuvent mieux faire.

Source : CSA.

https://www.nouvelobs.com/tv/201901...

Si la représentation de la diversité de la population française à la télévision s’est légèrement améliorée en 2018, elle reste très éloignée de la réalité à plusieurs niveaux selon le baromètre annuel publié jeudi par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Comme chaque année depuis 2009, le « gendarme » de l’audiovisuel a décortiqué les programmes, tous genres confondus, d’une vingtaine de chaînes (TNT gratuite et Canal+) durant deux semaines. Sur les 1 450 heures étudiées, il s’est intéressé aux 37 100 personnes qui apparaissaient à l’écran.

« Gilets jaunes »

Alors que la crise des Gilets jaunes bouleverse la société française depuis l’automne, et que la défiance d’une grande partie de la population envers les médias ne cesse de se manifester plus ou moins violemment, l’étude du CSA fait apparaître une sous-représentation des classes moyennes et des ouvriers en faveur d’une surreprésentation des CSP + (74 %, alors qu’ils ne représentent que 27 % de la population). De la même manière, elle constate que seules 0,7 % des personnes qui apparaissent sur le petit écran sont en situation de précarité, un niveau jugé « très éloigné de la réalité ».

La diversité géographique des personnes « vues à la télé » ne reflète pas non plus la composition de la société : seules 3 % des personnes étudiées habitent des grands ensembles de banlieues populaires, et 0,3 % l’outremer (si l’on exclut les programmes de France Ô).

« Déclassés par les médias »

Conseillère du CSA en charge du dossier, dont le mandat se termine à la fin du mois, Mémona Hintermann-Afféjee n’a pas manqué de rebondir sur l’actualité, espérant que le mouvement des « gilets jaunes », dans lequel s’exprime « une quête d’une représentation plus respectueuse » de citoyens présentés comme déclassés par les médias, pourrait aider à faire bouger les choses. Au-delà de ce baromètre, « il y a une réelle prise de conscience des chaînes » de la nécessité de mieux refléter la population dans leur propre intérêt, mais il faut qu’elles passent à l’action, a résumé la conseillère devant la presse, jeudi matin.

Constatant que le baromètre annuel du Conseil National de l’Audiovisuel (CSA), contesté à sa création en 2009, s’était imposé depuis comme « un instrument très utile », Mémona Hintermann-Afféjee en a néanmoins tiré un bilan général plutôt positif, notamment en ce qui concerne la représentation de la diversité des origines : la part des personnes « perçues comme non blanches » a progressé à 17 %, contre 16 % en 2016 et 14 % en 2012.

Une progression à relativiser cependant car elle est essentiellement tirée par la fiction, une catégorie de programmes où le taux de personnes « non blanches » grimpe à 20 % et son effet est principalement lié aux séries et films américains : le taux tombe à 14 % dans les fictions françaises, et même à 10 % si on exclut la chaîne ultramarine France Ô.

En outre, dans les émissions de télévision, ces personnes sont surreprésentées dès qu’il est question d’activités « marginales » ou illégales (43 %) ou de personnes précaires (42 %), observe le CSA.

« Le bon vouloir des chaînes »

Parmi les autres enseignements de l’étude, on relève la sous-représentation de personnes âgées et la désastreuse absence des écrans de personnes en situation de handicap, à 0,7 %, un chiffre qui n’a quasiment pas évolué, alors que 12 millions de Français ont un handicap durable ou provisoire selon l’Insee.

Mémona Hintermann-Afféjee a rappelé que le CSA ne dispose juridiquement d’aucun pouvoir coercitif en matière de diversité et que faute de pouvoir sanctionner les situations les plus criantes, les améliorations reposent sur le bon vouloir des chaînes.

Cet outil s’est notamment étoffé au fil des ans, en s’enrichissant par exemple de données sur la précarité et, depuis l’an dernier, sur le lieu de résidence.

Le CSA dispose des données chaîne par chaîne, mais s’abstient de les publier « pour ne fâcher personne », le régulateur privilégiant le dialogue avec les groupes audiovisuels, a expliqué la conseillère, personnellement favorable à ce qu’elles soient un jour rendues publiques.

A ce propos, Mémona Hintermann-Afféjee a regretté qu’une loi de janvier 2017, qui a révisé les missions du CSA sur ces questions, ait été, au terme d’un lobbying du secteur, vidée d’une disposition qui aurait obligé les chaînes à publier des indicateurs en matière de diversité.

« Le régulateur fait son boulot et le CSA est allé le plus loin possible », a t-elle estimé. Tout en prévenant que, « faute d’une volonté politique au plus haut niveau, on risque de continuer à vivoter » sur ces problématiques.

(Avec AFP) Anne Sogno


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