JEFTA ratifié, l’Union européenne (encore un peu plus) décrédibilisée

dimanche 6 janvier 2019.
 

Edito de Frédéric Viale, candidat France insoumise aux élections européennes

Il n’est pas anormal que la plupart des gens ne sache pas ce qui se cache derrière l’acronyme JEFTA car cet accord de libre-échange de l’Union européenne avec le Japon a été négocié dans le plus grand secret. Il vient d’être ratifié par le Parlement européen par une majorité d’élus irresponsables et ne sera pas même voté par les Parlements nationaux.

Pourtant, la Commission l’avait promis, le gouvernement français l’avait juré la main sur le cœur : il n’y aurait plus de traités négociés de manière opaque. Mais c’était pour tenter de faire accepter le CETA, l’accord avec le Canada qui a soulevé une vague d’indignation publique, tout comme le TAFTA (UE/ États-Unis). Terminés les complots, nous a-t-on dit, finis les secrets, acceptez celui-là, disaient-ils, et ensuite vous aurez la transparence. Las, le secret continue d’être la règle. D’ailleurs, la version française du traité vient d’être publiée voici quelques jours seulement, témoignant du mépris manifeste des autorités pour la démocratie mais aussi pour leur propre parole.

Il faut une certaine dose d’irresponsabilité pour ratifier un accord qui porte autant de dangers, le plus grand étant qu’il ouvre la porte à tous ceux qui suivent derrière.

Un accord de libéralisation, un accord vivant, un accord incompatible avec celui de Paris : tels sont les principales tares du JEFTA.

La libéralisation tout d’abord : au cœur de tous les accords de libre-échange négociés par l’Union européenne depuis l’OMC (1995), le principe tient en quelques mots : les entreprises transnationales doivent avoir accès au marché de l’autre partie et ne doivent pas être entravées de quelque manière que ce soit par des considérations de politiques publiques ou des interventions économiques telles que l’octroi de subventions. Traitement national, clause de la nation la plus favorisée, interdiction des mesures distorsives au commerce, tout ce jargon est présent et bien présent et cela est porteur d’une restriction grave aux capacités d’action et de réglementation des États. Les entreprises transnationales ont un accord à la mesure de leurs ambitions. Et leurs ambitions est de faire du profit, encore du profit tout en se plaçant hors d’atteinte des exigences du bien commun.

Un accord vivant : le mécanisme de coopération réglementaire est une bombe à retardement. L’ensemble des règles existantes et celles à venir, touchant à tous les domaines, devront être recalibrées au prisme de la « compétitivité des entreprises » afin qu’elles ne soient pas « trop coûteuses » pour elles. Petit à petit, l’ensemble des réglementations qui seraient jugées trop restrictives pour les entreprises transnationales seront revues, laminées par un comité purement technocratique, parfaitement inaccessible au public, ne rendant aucun compte à personne et surtout pas aux élus ni encore moins au peuple. En somme, on sait ce qu’on signe, on ne sait pas ce que cela va devenir : quelle conception édifiante de la démocratie !

Au passage, une pépite : si, dans le chapitre 16, les engagements des États dans le cadre de l’Organisation internationale du travail (OIT) sont bien réaffirmés, ils ne doivent toutefois pas contrevenir au droit relatif au commerce et à l’investissement. De surcroît, le Japon n’a pas ratifié deux des huit conventions fondamentales de l’OIT. Observer les droits au travail au Japon permet de pense que pour ce pays, les réglementations existantes en UE sont « inutilement coûteuses. »

Un accord incompatible avec l’accord de Paris :

Officiellement, la recherche d’une limitation du réchauffement climatique est poursuivie. Comment croire à ces vœux pieux quand est promu un accord qui avec augmenter le commerce se réalisant essentiellement sur des bateaux monstres et hyper-polluants ? Est-il par exemple nécessaire d’intensifier encore l’échange de biens identiques dans des marchés déjà saturés ? La lutte contre le réchauffement climatique attendra alors qu’on sait qu’elle ne peut plus attendre. Ce n’est pas dans dix, vingt ou trente ans qu’il faut se réveiller, mais maintenant.

Toujours sur l’environnement : le renforcement de la propriété intellectuelle en faveur des grandes entreprises (et particulièrement l’article 14.35 concernant les produits pharmaceutiques et les produits chimiques agricoles) va nuire gravement à la transparence dans le secteur industriel. Il sera ainsi beaucoup plus difficile d’obtenir des révélations telles que celles qui ont mené au « Dieselgate » (scandale de triche généralisée aux contrôles pollution dans le secteur de l’automobile révélé en 2015). Par ailleurs, le Japon étant le pays qui en autorise le plus d’OGM dans la production et l’alimentation, l’absence de toute référence au principe de précaution va favoriser la remise en cause par le Japon de la directive OGM, par le biais du Conseil de Coopération Réglementaire.

Comment mettre en place la nécessaire transition énergétique, l’urgente planification écologique avec un accord pareil ? Plus que jamais la règle verte que nous préconisons devra être opposée à cet accord de libre-échange comme à tous les autres.

Il est clair désormais que la Commission poursuivra sa politique de libre-échange. Inaccessible et lointaine, la Commission européenne estime comme relevant de sa mission de promouvoir le libre-échange en dépit des oppositions des populations et des incohérentes d’une telle politique.

La ratification du JEFTA intervient juste avant les élections européennes. Cela révèle que : – tout d’abord, la Commission entend lier libéralisation du commerce extérieur et celle du marché intérieur : les négociateurs de l’UE ouvrent le grand marché unique européen aux transnationales, en récompense de quoi les transnationales ayant leurs sièges dans l’UE pourront plus facilement avoir accès aux marchés du monde entier ; – l’extension des accords régionaux se poursuit. Alors que l’OMC a échoué dans ce programme, au demeurant délirant, à mettre en œuvre à la libéralisation de toutes les activités humaines au niveau mondial, la multiplication des accords bilatéraux vise à couvrir peu à peu la planète d’accords, ce que n’était pas parvenue à faire l’OMC ; – le mépris démocratique se renforce : officiellement, s’il n’y a pas de ratification nationale, c’est que le projet initial de prévoir une mécanisme d’arbitrage dans le JEFTA a été abandonné. Mais, ce qui a été laissé à la porte, revient par la fenêtre, un autre accord, le MIC (charte multilatérale pour l’investissement) est en cours de négociation et il prévoit un recours systématique à l’arbitrage pour tous les accords à venir. Double avantage pour la Commission européenne : les prochains accords pourront être ratifiés au seul niveau européen et se passer des ratifications nationales toujours laborieuses tant elles suscitent d’oppositions des peuples.

Il faut voir la suite : une déferlante s’annonce. Accords avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam, l’Inde et même la Chine, les Accords dits de Partenariat économique avec l’Afrique (et qui sont d’abord des accords néo-coloniaux), avec le Mexique, avec le Mercosur, la liste donne le tournis.

Nous n’aurons pas trop de députés élus au Parlement européen ! Il en faudra le plus possible pour qu’ils puissent jouer leur rôle de lanceur d’alerte, il faudra un solide commando en ordre de bataille pour faire face à cette déferlante, informer l’opinion et permettre les nécessaires mobilisations sociales. L’un des moyens prioritaires pour redonner le pouvoir au peuple est de porter un coup d’arrêt à cette Union Européenne anti-démocratique et ultra-libérale. C’est pour cela que je m’engage dans une candidature résolument dédiée à la lutte contre ce type d’accord.


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