Ils voudraient que le fleuve des Gilets Jaunes rentre dans son lit, mais les digues sont rompues

samedi 22 décembre 2018.
 

Il y a longtemps que plus personne ne croit aux mouvements linéaires de l’histoire. Comme le faisait remarquer Hegel, la seule chose que nous pouvons retenir de l’histoire, c’est que ni les gouvernements ni les peuples ne retiennent de leçons de l’histoire. Chaque soubresaut révolutionnaire en constitue un exemple singulier. Les commentateurs patentés cherchent en vain à saisir les gilets jaunes, à les assigner à un modèle conforme à leurs lointains souvenirs d’étudiants en grandes écoles. Les armées d’éditocrates creusent des tranchées face à un mouvement qui déborde de toutes parts. Ils voulaient y voir des conducteurs de 4/4 et de quad, et pourtant les gilets jaunes ont mis en avant des mesures de justice sociale, de justice écologique. Ils voulaient y voir la main de l’extrême droite, et pourtant les enquêtes montrent que les militants fascistes constituent une toute petite minorité. Ils voulaient apercevoir des professionnels du désordre, et cependant les manifestations restent massives, souvent familiales.

Face à ce mouvement le gouvernement a été arrogant, méprisant et violent. 10 000 grenades lancées sur Paris en une seule journée. Près de 1 400 arrestations. Des arrestations préventives aux marges de la légalité, et le plus souvent anti-démocratiques. Des blessés par centaines. Des mains, des pieds, des yeux perdus. Une police qui n’hésite pas à gazer, humilier des lycéens rassemblés le plus souvent pacifiquement devant leurs lycées. Des morts aussi sur les ronds-points. Le Méprisant de la République n’a pas eu un mot pour ces victimes. Il a fallu l’initiative de Jean-Luc Mélenchon pour que l’Assemblée Nationale respecte une minute de silence pour les gilets jaunes blessés ou tués. Les ministres présents eux n’ont pas daigné s’y associer. Combien d’éditorialistes ont en revanche pleuré, crié pour des dégradations sur un mur, fut-ce un monument national ? Dans Leur morale et la nôtre Léon Trotsky pointait déjà ces atermoiements à géométrie variable.

Ils voudraient que le fleuve rentre dans son lit, mais les digues sont rompues. Plus personne ne croit à leurs promesses, ne serait-ce que parce qu’aucune n’est sérieuse. Le Président de la République annonce une hausse du smic qui n’en est pas ; il ne revient pas sur l’ISF. Pire, il rallume la discorde en réintroduisant la question migratoire que les gilets jaunes avaient occultée, pour mettre en scène son propre projet de campagne européenne. La confiance est perdue pour des gens qui ont le sentiment d’avoir été abandonnés. La crise est profonde. C’est une crise de société qui doit trouver par elle-même son issue démocratique. Les jeux sont ouverts.

Benoît Schneckenburger


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