Biodiversité, la 6ème extinction de masse en cours

vendredi 7 décembre 2018.
 

L’édition 2018 du apport « Planète vivante », que publie tous les deux ans le Fonds mondial pour la nature (WWF), est tragique. Il confirme que la sixième extinction de masse est en cours. 60% des vertébrés sauvages ont disparu en 50 ans (entre 1970 et 2014). Surtout, la vie sauvage décline à un rythme qui n’a jamais été aussi rapide. Le taux d’extinction des espèces est de 100 à 1.000 fois supérieur à ce qu’il était il y a seulement quelques siècles.

Et il ne s’agit plus seulement des espèces emblématiques. Cette extinction concerne toute la faune. Et les habitats eux-aussi sont dégradés : entre 2000 et 2014, le monde a perdu 920.000 km2 de forêts intactes, une surface quasi égale à la France et l’Allemagne réunies. Près de 20% de la forêt amazonienne, la plus grande du monde, a disparu en 50 ans. Et c’est l’Amérique centrale et du Sud qui ont le taux de disparition le plus fort (89%) contre 31% en Europe. Cette mauvaise nouvelle va de pair avec une autre : celle de l’élection de Jair Bolsonaro comme président du Brésil qui est une véritable catastrophe écologique. Avec lui les lobbies de l’agro-industrie et les marchés sont au pouvoir. Il a promis de reprendre la déforestation de l’Amazonie pour investir toujours plus dans l’exportation du soja et l’élevage intensif, ou encore l’extraction minière au détriment des populations autochtones.

Le capitalisme tue

La biodiversité est la diversité des espèces vivantes présentes dans un milieu. Leur interdépendance forme une unité écologique que l’on nomme « écosystème ». Nos modes de vie sont largement dépendant des services rendus gratuitement par ces écosystèmes. Ainsi, un tiers de la production alimentaire dépend par exemple des insectes et des oiseaux pollinisateurs. Mais avant de nous alimenter en miel et en fruits, les abeilles participent surtout à la multiplication des végétaux. Si les espèces ne peuvent pas vivre sans interaction avec leur environnement naturel, les espaces naturels ont également besoin de cette vie pour se régénérer, se reproduire. Et ces milieux eux-mêmes participent des grands cycles naturels. Le cycle de l’eau par exemple est indissociable d’espaces naturels qui absorbent les pluies, limitent les inondations et les glissements de terrain. La sixième extinction de masse risque donc d’avoir des répercussions bien plus grandes que la disparition des espèces. Sans l’Amazonie en bonne santé, poumon vert de la planète, notre capacité à limiter le réchauffement climatique s’éloigne pour le monde entier. La forêt amazonienne fait en effet partie des “points de bascule”. Cela signifie qu’au-delà d’un certain seuil de réchauffement (environ 3 degrés) ou de déforestation (environ 40%, sachant qu’on est déjà à 20%), ou des deux combinés, ce poumon vert ne pourra pas se recomposer et relâchera son stock de carbone, qui est le plus important sur terre, accélérant ainsi le réchauffement global.

Avec l’exemple brésilien, on comprend que le modèle économique dominant obsédé par le productivisme tue les écosystèmes. Les facteurs sont multiples : destruction des habitats naturels, sous l’effet de l’exploitation forestière ou minière, de l’agriculture intensive et de l’urbanisation. Mais aussi la surexploitation (chasse, pêche, braconnage) et la pollution. Enfin, le changement climatique modifie aussi l’environnement des espèces qui, faute de pouvoir s’y adapter, disparaissent. Au-delà de la seule question de la biodiversité animale, nous atteignons les « limites planétaires » : réchauffement climatique, pertes d’espèces, déséquilibre des cycles de l’azote et du phosphore résultant de l’usage d’engrais et de l’élevage intensif. Pour la dégradation des sols, l’alerte est au rouge. L’acidification de l’océan et la diminution de la ressource en eau douce des stades critiques. Ces limites atteintes et combinées mettent en danger la survie de l’espèce humaine.

Double discours de Macron

Tous les indicateurs montrent que l’humanité épuise chaque année davantage son « capital naturel ». En seulement 50 ans, l’empreinte écologique mondiale a quasi triplé : le 1er août 2018, l’humanité a dépensé l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en une année. Le « jour du dépassement » était au 30 septembre en 1998, soit un recul de 2 mois en 20 ans. Une coordination internationale est donc indispensable. Et le « champion de la Terre » des leçons diplomatiques est d’ailleurs notre Président. Pourtant la France est loin d’être un élève modèle. Et la préservation de la biodiversité doit commencer sur notre propre sol. Le bilan 2018 de l’Office National pour la Biodiversité acte d’une disparition de 30% des oiseaux communs des milieux agricoles entre 1989 et 2017. Les effectifs de chauves-souris, ont aussi diminué de 38% en métropole en dix ans. Seul la moitié des zones humides, 43% des eaux de surface et 22% des milieux, sont en bon état. Les premières menaces contre la biodiversité sont sans aucun doute l’utilisation des pesticides par l’agriculture, mais aussi l’artificialisation des sols. Entre 2006 et 2015, la métropole a perdu 600.000 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, soit l’équivalent d’un département comme la Seine-et-Marne.

Pourquoi la Loi Biodiversité n’est-elle pas bien appliquée ? Les ambitions du gouvernement et ses grandes déclarations d’intention sont nombreuses. Sauf que les moyens budgétaires ne sont pas en adéquation. Pas de moyens, pas d’agents sur le terrain, moins de police de l’environnement. On débloque quelques millions pour la nature, quand pour soutenir les industries polluantes on trouve des milliards. Le gouvernement appelle ainsi à la protection des réserves naturelles, mais ne bouge pas le petit doigt sur le projet mortifère de mégamine en Guyane. Il parle de préservation des sols mais soutient le projet de centre commercial Europacity. Il se targue d’opérer la transition dans l’agriculture et de préserver la biodiversité, mais le refus d’inscrire l’interdiction du glyphosate dans la loi laisse songeur. Enfin, la lutte contre la déforestation est déjà entachée de l’autorisation donnée à Total de lancer une bio-raffinerie à l’huile de Palme. Sans parler du passage en force de grands projets inutiles tels que le Grand Contournement Ouest de Strasbourg qui va engloutir 300 hectares de terres agricoles.

La règle verte comme horizon

Préserver et en même temps détruire, établir des principes protecteurs de la nature et en même temps les rendre inoffensifs, faire et en même temps ne rien faire… telle est la logique environnementale en Macronie. Le thermomètre de l’écologie macroniste développé par le média Reporterre est d’ailleurs au rouge : 69% des mesures prises depuis un an ne vont pas dans le bon sens. Pourtant, la nature a une valeur inestimable dans les services qu’elle rend gratuitement à l’humanité. Croire que la technique peut se substituer à des mécanismes naturels issus de la nuit des temps est pure folie. Puisque nos modes de consommation et de production sont en cause, il faut les modifier. En plus de respecter l’accord de Paris (contenir le réchauffement en dessus de 1,5°C) les Etats devraient se donner comme ambition « zéro perte nette de la nature en 2030 ». La seule façon d’y parvenir est appliquer la règle verte. Quel meilleur moyen de protéger la biodiversité que de ne plus prélever sur la nature plus de ressources renouvelables que ce qu’elle peut reconstituer, ni de produire plus que ce qu’elle peut supporter ? Un changement radical de modèle économique est nécessaire. car libéralisme et écologie sont bien incompatibles.

Manon Dervin


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