Pour un financement juste des services publics (Syndicat National Unifié des Impôts)

samedi 16 juin 2007.
 

Illustrer les grands enjeux du financement de l’action publique est au fond relativement simple. Qui pourrait consacrer 7.400 euros par an pour que son enfant aille au collège et assurer les études de celui-ci tous les ans, d’autant plus s’il poursuit ces études ? A l’évidence peu de monde. Voici posé le principe d’une nécessaire contribution publique qui permet d’assurer à tous l’accès aux services publics. Est-il juste de faire reposer ce financement sur les seuls ménages alors que, dans notre exemple, l’enseignement permet à une société de progresser globalement au bénéfice de tous (l’entreprise emploie une main-d’œuvre qualifiée, le savoir se transmet plus facilement...) ? On le voit, il est logique que chacun, entreprises et ménages, contribuent au financement de l’action publique.

Voici posé le principe d’une répartition de la contribution publique sur tous les agents économiques et sur toutes les sources de richesse. Enfin, peut-on décemment réclamer que le taux d’effort financier soit le même pour tous ? En effet, une personne au Smic aura besoin de tout son revenu pour vivre mais un millionnaire pourra en consacrer une part significative (réclamer 5 % du revenu au premier équivaut à un effort au moins aussi important que de prélever 40 % au deuxième). Voici posé, enfin, le principe d’une contribution progressive réclamée « en fonction des facultés » de chacun (article 13 de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen). Fondamentalement, le rôle des impôts dans la redistribution et la solidarité nationale est évident : il contribue à financer les services publics certes, mais il doit également réduire les inégalités de revenus et de patrimoine.

Les exemples pourraient se décliner à l’envi, mais l’enseignement demeurerait le même. Sans ressources publiques, point de services publics. Une minorité pourrait s’offrir les services privés, et une immense majorité ne pourrait accéder aux besoins aujourd’hui pris en charge collectivement par la société grâce aux services publics notamment. Sans ressources publiques, point de société, et sans impôt juste, point de société juste.

Les grands principes du service public, aujourd’hui largement affectés par la logique néolibérale, ne sauraient donc être défendus sans y intégrer la dimension du financement. En effet, la solidarité s’exprime aussi bien dans le service rendu, d’autant plus s’il est gratuit, aisément accessible et véritablement efficace, que dans le financement dudit service. Car comment ne pas voir que les choix libéraux en matière de répartition de la contribution commune renvoient le financement de services qui bénéficient pourtant à toute la collectivité davantage sur les ménages que sur les entreprises et, au sein des ménages, plutôt sur les classes moyennes et modestes que sur les plus riches ? Avoir une approche large portant sur les recettes et leur utilisation est indispensable. Car à ne promouvoir que la dépense et la redistribution par le service public, on risquerait d’en oublier le niveau et la structure des recettes. Les libéraux pourraient ainsi avoir les mains libres pour augmenter les impôts les plus injustes (TVA, droits indirects, impôts locaux) et achever ce qui reste de justice sociale au travers de la baisse de la progressivité de l’impôt sur le revenu et de l’imposition du patrimoine. Un tel déséquilibre conduirait à l’explosion des inégalités, rendue possible par les allègements d’impôts effectués au profit d’une minorité et pèserait lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages donc, in fine, sur l’activité économique elle-même.

L’impôt, principale source de financement des services publics, doit donc être justement réparti. Or, c’est loin d’être le cas actuellement : les allègements fiscaux intervenus depuis 20 ans ont prioritairement bénéficié aux 10 % des ménages les plus riches et aux entreprises. En particulier, les dernières années ont été très intenses sur le front fiscal : abaissement de l’impôt sur le revenu, création de multiples niches fiscales, abaissement de l’imposition des sociétés, allègement de l’imposition du patrimoine et, dans le même temps, augmentation de certains droits indirects sur la consommation, augmentation de la contribution sociale généralisée, le tout sur fond de transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales qui ont conduit à alourdir la fiscalité locale pesant sur les ménages. Le basculement fiscal est ici très net.

Comment inverser la tendance, qui plus est dans un contexte de concurrence fiscale et sociale qui limite objectivement les marges de manœuvres fiscales ?

La première des urgences est de rétablir quelques vérités fiscales. L’impôt finance l’action publique et reste un garant de la cohésion sociale (au travers du rôle qu’il doit jouer dans le financement de services publics et dans la réduction des inégalités) sans toutefois être l’ennemi de l’emploi (l’action publique est un des principaux facteurs d’attractivité du territoire). Son rôle peut, et doit, s’étendre au plan international, par une harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne tout d’abord, mais également par une véritable lutte contre la fraude fiscale, et enfin par la mise en place de contribution internationales permettant de financer les solidarités. Au plan national, il est tout à fait possible, mais surtout éminemment souhaitable sur le plan de la justice sociale, de revaloriser les impôts directs progressifs, sur les revenus et le patrimoine. Rien n’empêche cela, ni les textes de l’Union européenne, ni la réalité de la concurrence fiscale dont la dimension psychologique n’est plus à prouver et qu’il faut savoir atténuer. En effet, un regard objectif montre une toute autre réalité que celle avancée par les tenants des baisses d’impôt : la France a le plus faible impôt sur le revenu de l’Union, son imposition effective des sociétés se situe à la moyenne européenne et elle bénéficie de services publics performants qui rendent le territoire très apprécié... Les comparaisons, fréquemment invoquées pour justifier le recul des impôts directs, par nature les plus justes, peuvent en réalité aisément s’expliquer par le choix de la cohésion sociale et le niveau des contreparties des ressources publiques, volontairement occultées par le discours dominant.

Défendre les services publics, c’est nécessairement avancer que la société prend collectivement en charge certains besoins sociaux pour que chacun puisse en bénéficier. C’est, tout aussi nécessairement, en défendre un financement juste. C’est au fond, tout simplement, faire de la justice fiscale et de la justice sociale les garants de l’intérêt général et des solidarités.

(Vincent Drezet - SNUI - Mars 2007)


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